lundi 23 janvier 2017

Consternation

Pablo Picasso «  Les demoiselles d'Avignon », 1906-1907.



Clavicule austère, relique d'un temps dépecé, risque d'apparaître un peu identique. La forme insinue ce que la violence verbale atténue. Tumeur maligne du carnage que sent déjà l'aube d'une modernité décontaminée, ralentie par l'asymétrie de la vie ; ridicule course après l'existence d'une chair en accord avec le questionnement de l'après, de ce qui se montre au dire indiscuté et ombrageux pour l'esprit risqué à montrer cette mémoire violée par l'envie d'exclusion de la mort. Vol au-dessus de cette musique ; inquisition et consternation de la vie, pour soustraire à l'image ce risque d’éradiquer la peau, la livrer, il faut la délivrer de cette monstruosité qui monte en mémoire de la partita, offrande au signifiant surdéterminé, exercice lent de la défloration des sens, pour extraire du signe interdit, faire remonter au cul ce relent de vice interminable de la parole qui tombe à pic sur sa parodie : l'imitation qui fait souffrir l'érotique suspension du corps qui est mis debout pour expulser cette résignation, la parole à venir. Vendue la voilà corrélativement au sexe l'enfant terrible du corps impuissant devant sa jubilation à monter sur la chair pour la couper, la traverser, la rendre impossible à consommer, pour trouver ce dire vrillé en une parole à décomposer en silence, pour passer à la langue qui sent son écart avec la chair, pour lentement s'affaiblir dans l'amour en pointillé, en extraction, en tentation du cri cubique, qui joue avec une future image. Clap de fin, l'incidence ; la vie est cette incidence qui met fin au règne de la vérité qu'un dire occulte. Tension dans la découpe, l'art ne s'en remet pas. Expulsion vers ce centre sans cesse montré du doigt, centre, telle cette mise à mort d'une fin qui rentre dans ce retournement de la vie, l'insistance de cet entre-deux, de ce zip intolérable qui se trame au nez de cet œil intempestif et plié comme le toucher vole au vent.


Thierry Texedre, le 23 janvier 2017.
















































mardi 10 janvier 2017

Le bain



«  La Suzanne de Rembrandt est peinte dans une pose suggestive, l'un des deux hommes est penché sur elle. Une tension psychologique palpable est créée par le jeu de l'ombre et de la lumière. Dans le visage de Suzanne, le regard est clair et perçant comme le rayon de lumière qui fait ressortir sa silhouette de l'ombre ; dans celui des vieillards, un désir sombre monte comme l'obscurité ambiante dont ils émergent. »



  
Rembrandt – Suzanne et les deux vieillards, 1647


Le bain

Paroles poussées par la sortie. Pourvu qu'on s'en rappelle, et que ça serve à quelque chose ! Porte insouciante, surnaturelle et visible en songes, d'une ouverture qui montre le bain, dans ce qu'il a d’excitation quand on entre dans sa liquidité, lueur d'un fond qui appelle ; le fond encore flou et dépourvu d'une image qui fourmille, jusqu'à ce qu'une marque, un pied, se soulève, pour qu'on y voie le mystère de l'eau. Vague à l'âme, étreinte avec le soulèvement du fond astringent et soudain défait ; qui serait lié au thermique, au resserrement de l'eau sur la peau qui joue malgré elle aux bras de la belle demeure insoumise, se laisser envelopper, encore lascive, par des caresses, liquide qui brasse les états sulfureux de sa masse transfigurée. Femme au bain du ravissement, d'une nudité, d'un ensorcellement, d'un regard autre. D'un regard tourné vers l'autre rivage, pour se laisser amarrer à une indiscrétion, un amas d'herbes folles juxtaposées, entourant le corps lumineux. Lumière d'un mystère, lentement qui émerveille, qui montre ses attributs, en se redressant à moitié, dans l'eau qui reflète le ciel et des arbres dessinés, comme penchés pour saluer du regard la belle insidieuse. Le regard blême du condamné semble encore courtiser la lumière, jusqu'à ce point de non-retour de la nudité ; puisant dans la prostration du corps nu, et l'autre, entiché d'habits sombres, reluque une dernière fois avant de disparaître dans l'ombre masquée du bord de l'eau. La femme à la nudité se retourne soudain, prise d'effroi, pour jeter son regard tendre sur la surface de l'eau. Une forme, entourée de ronds qui s'écartent, se montre à elle, comme plissée ; le visage est reconnaissable un court instant.



Thierry Texedre, le 10 janvier 2017.






lundi 9 janvier 2017

Propagation


Francisco de Goya - saturne dévorant un de ses fils, 1819/1823



Propagation

Que reste-t-il de cette mémoire dont on croit encore qu'elle est le lieu qui donne à la vie ce langage insupportable, parce que pris dans un temps déjà trop long pour qu'il soit celui vrai, comme l'ont été les religions ?
La faute, l'erreur, l'errance, et après on retrouve ce qui retourne la situation ; cette peur du vide, d'un vide (le vide est cette prise de consistance que la musique n'aura de cesse d'extraire en apparitions de la densité textuelle, comme son double mais aussi la déperdition du temps), qui serait résolument ouvert/fermé à un corps d'écriture qui frôle la parole, pour la monter contre ce temps en pleine déperdition. Espace en deux temps d'un corps insoupçonné, corps de la contamination par cette parole/acte qui pousse dans les dreniers retranchements la voix, pour la crier, l'extérioriser en une mémoire et, s'en sortir avec une autre langue, une autre bataille, un autre pouvoir.

*

Saut dans l'inconsistance
le bruit le coup de Trafalgar
à l'égard de l'écart en retard
de la cessation de la cécité
dans l'espace parcimonieux
du grand désert circonscrit
du récit d'un grand concert
pour goûter au goulot drôle
du sexe exquis exactement
ce ton tarabiscoté de la lèvre
grosseur endossée en sucre
qu'une langue lèche légère
cette fois le forçage flotte
jusqu'au milieu du feu
intérieur salace en sursis
amour inscrit dans la langue
qui bave les sens savourés
les encenser les dévorer
jusqu'à l'os osé du bras
tendu au fond de la chair.





Thierry Texedre, le 9 janvier 2017.





jeudi 5 janvier 2017

L'enfant de l'absolu







L'enfant de l'absolu

Sous la nuée en vol
d'un désir occulté
les amants vont
ensemble tirés
par l’incendiaire
le cœur de l'étreinte
sous cette ombre
un soir ensorcelé
rattraper l'amour
qui souffre au corps
de la femme enceinte
d'un autre tirailleur

Par ces chemins ouverts
depuis les sons affolés
de ces caresses sous
les branches et les habits
qui frissonnent froissées
par la péninsule suave
du dessous et la peau
qui tremble jusqu'à la voix
des amoureux par l'exquise
odeur montant du fond
insouciant des culottes
ouvertes au monde indiscret

Du terrible secret qui laisse
la lascive liberté de son côté
par ces êtres affamés se vautre
l'ensorcellement du temps
sur l'innommable déraison
couchant le soleil dans l'art
d'exister les mains agiles
grandissent jusqu'à l'horizon
où la peau va s'émerveiller
se rasséréner pour traverser
l'interdit le maquis de l'enfer
qui sépare alors les insoumis

L'ivresse montrant la seule
l'ultime porte du bonheur
aspergé par le sexe prépuce
de la fin d'une élection
érigée en vainqueur
épuisante au coin du chemin
à la croisée des bois
avant de partir vertige
du clair obscur sous la belle
la lune tout en rondeur des seins
voués à la rencontre de l'effleurée
qui monte à la gorge acidulée


Thierry Texedre, le 5 janvier 2017.