jeudi 28 juin 2012

Nuit zébrée













Le long du fleuve, s'étire l'aorte grande ouverte, rendu d'un corps inerte, le long du fleuve un soir d'été. Caché dans les buissons dessinés de main de maître, la peau, nébuleuse, violacée, traverse une dernière fois le cycle des couleurs vers l'apothéose, le pourrissement vénérable du corps d'une belle inconnue. Au loin, en face, les phares des voitures sur la pénétrante, joue à se croiser, danse pour une vie virevoltant au son des moteurs. La nuit renvoie les lumières des immeubles qui bordent la voie, par de longues traînées zébrées, jusqu'aux pieds du corps, qui apparaît alors comme morcelé. La ville continue sa course effrénée, comme si ni le jour ni la nuit n'arrêtaient jamais rien. Aucun pouvoir, ni force d'attraction sur la vie insouciante de ces hôtes assidus et propulsés. Poussés par on ne sait quelle force. Passant du vif intérêt pour sa progéniture, au temps du manque de temps lié au désir violent d'exister, excitation que l'autre mettra à mal pour retenir ce nom impitoyable donné à la naissance. Quel être que cette morte recroquevillée sous les haies au feuillage garni. Le sol est sec, dur, bosselé, brun. Terre qui s'évanouit une nuit d'été, caressant les astres aux reflets lumineux, pointés ça et là comme une autre vie, qui elle, sort déjà d'un présent à refaire.



Thierry Texedre, le 28 juin 2012.

samedi 23 juin 2012

Du jeu













On passe à côté. Et de nulle part, se lancent les cordes, oreille mal intentionnée, haut bruit des violons agités autour de cette sonnerie du déficit mental. Là-haut sonnent et glissent, et les cloches et les archets, sur quelle onde porteuse; tête d'où les maux sortent, douleur irrationnelle d'une musique assourdissante. Température du dedans déconcertante, touchant au temps de la dépossession. Douleurs qui activent les images du passé, pas seulement, aussi celles plus déchirées, hachées et à reconstituer, plus tard, peut-être. On attend l'aurore, cette douceur des choses égales, une lenteur qui oublie l'essentiel de la vie qui se répète. On tombe par un hasard somptueux sur la beauté suprême. Une blancheur de la peau si lumineuse, qu'on eut dit un rêve en plein jour, on rêve le jour aussi. Peau toute en tendresse, presque ce que la mort apporte d'éternité. Quelle blessure résisterait à cette rêverie, mêlée aux digressions de cette musique qui tente de blesser mon âme. Un combat semble s'installer entre celle qui m'emporte dans ses grâces, et l'enfermement de ces maux de tête insupportables. Des coups tentent de me pénétrer, mon visage s'affaisse, se raidit et me retire en plis, en rides douloureuses - pendant que la musique envoûtante m'exaspère sans que je puisse l'arrêter. Mes yeux, encrés encore dans l'étreinte que cette colombe posée sur mes mains provoque, semblent le lieu d'un combat dont l'hypnose prendrait le dessus? Mon envol se résout à oublier par bribes la musique qui s'espace, s'éloigne; elle revient doucereuse pour me reprendre dans ses griffes. Mirages des sens, musique au refrain tenace; je m'écarte et reviens, j'aspire à la paix, mais l'esbroufe tremblant m'envahit plus que jamais. Le jeu entre la vie et la mort lentement m'use, m'interpelle pour sentir mes sentiments et se gausser de mes sens; de ma mémoire désarmée et touchée jusqu'à l'usurpation. Et vont se refermer les voiles de l'opacité du temps, le ciel aussitôt, se plie pour laisser l'image derrière, dans le trou, dans l'ouverture de la béatitude, où vont s'enfoncer les voix dans les ténèbres, pour rejoindre l'enfer de la parole d'où sortira le rêve qui habite ce corps de vie.




Thierry Texedre, le 23 juin 2012.



vendredi 22 juin 2012

Le moyen-dire













Liberté, libre-échange, soubresauts exténués par la perspective frontale du sens. Libération, livret de quelle détérioration de la folie factice; face aux récits de l'avènement Christique. La ronde se tient de ces chants idéaux qui tournent les yeux de l'hystérique d'avant. Les guerres enflamment l'Europe dévastée par la peste, la faim aussi. Les rêves depuis la fin des temps, fondent au soleil devant les massacres et les arrachements aux croyances encore liées aux mythes. On s'évade de ces tortures pour se lancer dans les grands océans impénétrables. Peine perdue, le corps est à son apogée, on le renâcle, on le falsifie, on le décolle de sa chair. Que ces prières forment en plaintes obscures la foi du divin. Partout on danse avant de guerroyer, on mange l'homme et on empale la femme, on joue avec le diable, le feu s'élance à grandes envolées dans d'immenses forêts, pour que la terre nourrisse ses sujets. Livrés à eux-même, les outranciers bonshommes mal fagotés s'arrogent le droit de hurler au loup avant de parler leur langue, l'argot du pays d'oc. Quelle église soumet ses sujets jusqu'à la folie, tous hérétiques s'ils ne jouent pas à musiquer leur intériorité muselée par d'innommables flagellations au son de la terreur, villes impressionnées par ces remparts qui emmurent l'esprit, encore interdit par l'expulsion du péché dicté. La peau est encore l'extrémité de la putréfaction de la parole face au désir du corps impulsé, traversé, tapé, déchiqueté et happé par les horreurs de la dépression latente du corps qui sort de tous ses pores. La peau est le mystère du Moyen Âge, pas sa conservation. Les morts enterrés, les fous sous l'emprise de la démence seront brûlés. Entendre des voix, chant intérieur de ces crissements des os pendant la torture, on en usera encore plus au vingtième siècle.





Thierry Texedre, le 22 juin 2012.


dimanche 17 juin 2012

Que ma joie demeure














Quelle impédance, ce succédané qui offense le corps psalmodié, ce corps de la délivrance. Chant des ténèbres, chant terrifiant du désir d'accoucher cette vie, vie du dire désirant. Tant de doute, tant de réflexion de ce voile volatil qui semble pris dans le creux de ces mains, mains en prière, et dressées vers l'étendu, l'allongé du ciel céleste, quelle cécité! Le corps pleure son âme perdue, sa chair meurtrie. Maux de l'impuissance du parlêtre face à sa rencontre avec la souffrance d'une chair jouissant de la toute puissante animalité, poussée dans les retranchements de la parole, mimétisme du viol qu'une représentation fagote, jusqu'à l'essoufflement de la fin du temps de la parole. Sacrifice du vice d'un corps mort pour avoir rencontré cette double appartenance de l'être: féminin et masculin/ singulier et pluriel. Nous irions à notre fin en toute sérénité si ce corps n'avait de parole que résurrectionnelle. Quelle extase, que cette vérité, vivre dans l'impossible mémoire du temps! Quelle musique peut s'en prendre à cette élévation découverte en question, quelle ovation, quelle densité que celle de la révélation de la chair, charismatique vélocité du dire dicté par cette suprême chair née du cri de la jouissance. Jeu intemporel de la mort avec la densité outrageuse du don de soi, la joie d'une mort infiniment moins douloureuse que la souffrance d'un corps divin. Manquer le parcours de l'humain c'est faire don de vérité, réellement de la vérité de l'indécence d'un corps habité!




Thierry Texedre, le 17 juin 2012.

mercredi 13 juin 2012

Drame














Chassé du corps
troué le désir se
met à rompre et
se terre dans le
lit inopiné de ce
rythme insoumis
de la pensée née
du renvoi à une
respiration infime
du corps en gène
qui en livre de ses
envies tuméfiées
liberté de la chair
livrée à elle-même
perdue dans les
ardeurs du temps
dépassé pour que
soit poussé le cri
ultime de cette vie
foulée aux pieds
du corps capiteux
campé sur de doux
attraits sulfureux
les seins gonflés
par l'étreinte le sexe
redressé par le flux
infini du désir venu
libérer son suave
pollen virevoltant
incandescente tête
tentaculaire sans
voix centre odorant
du temps déplié
par l'amour ouvragé
en tourments divins
pour que se balance
ce cœur attenté par
les battements foi
la foi en une chair
caressée mille fois
avant d'être coulée
au pinacle du jouir.



Thierry Texedre, le 13 juin 2012.

samedi 9 juin 2012

Méduse

Je crois que peu de gens vont adhérer à ce texte, et pourtant il faut le révéler en toute conscience: là où le sens se perd dans la bacchanale démente du possible humain, c'est l'alerte qu'un possible a bien lieu dans cet impossible, dans l'interdit du lien social. Les signes d'une barbarie toujours prête à remonter de ce fond funeste de la nature humaine. Serait-ce un état de ce que le rêve peut, lui, comme rêve double: rêve nocturne/diurne? Quelque part il y a du "désir de ne pas savoir", mais cette douleur dans l'abomination de l'acte démentiel du meurtre dans la "joie" va mettre le nom du "père" sur un "épuisement de la mort", dans un sadomasochisme du soulagement de ce "parlant", traversé par une "béatitude" du corps morcelé, puisque né d'une singularité sexuée.











AVERTISSEMENT CE TEXTE PEUT HEURTER LES ÂMES SENSIBLES


Méduse

Ah! Ah!! Jette-moi ce corps par la fenêtre... Non! Non! Je veux le bouffer (dévotion ou domination?...déportation...). L'avaler, le couper dans mes mains, malaxer sa chair et son sang encore chaud, juste pour voir mes doigts trempés, et voir ce dégénéré se vider (plus de liquide, que de l'inerte, et par là se voir perdre tout, se voir disparaître dans la possession, l'être possédé, boire le corps et le sang, ne plus faire qu'un avec l'abjection); le sang me monte à la tête!! Les deux horrifiques êtres, sans foi ni loi, se mirent à rire, jusqu'à s'époumoner, leur voix devenant méconnaissable. Les yeux énormes sortaient de leur orbite, ronds et injectés du sang douloureux d'un corps déchiqueté. Les morceaux étaient éparpillés, partout autour des deux compères. Sur un sol encore humide, trempé par les giclées du sang du mourant. On s'empressait de rassembler les bouts, dans un air détaché, vaguement absent, comme illuminé par quelque chose d'intérieur pressant tous leurs os, jusqu'à la peau qui avait la chair de poule. Un tremblement semblait les rassembler tels deux frères jumeaux, leurs gestes saccadés perdaient le sens des choses, ils sombraient dans une folie lyrique, où le passé allait rattraper le présent pour l'annuler dans ce néant vertigineux du jeu avec la mort. Tiens! J'ai trouvé la tête!! La tête! C'est pour moi! Je vais lui coller les bras sur les oreilles, avec le sang qui sort encore du cou... Le sang s'était coagulé et donnait des idées plus sauvages à l'un des deux locataires. L'autre, plus réservé, ne pouvait qu'apprécier ou éviter de donner son avis, de peur de finir lui aussi dans de multiples morceaux décharnés. Le jeu allait bon train, l'un rassemblait des morceaux des viscères, délicatement, en apprenant au fur et à mesure les bons emplacements avec une revue sur les écorchés dans la peinture classique. Les pages froissées devenaient illisibles et opaques à cause des doigts rougis par le dépeçage. L'autre s'amusait avec la tête, les bras, en méduse, se balançaient de part et d'autre du crâne rasé. Les trous des yeux disparus avaient reçu des touffes de cheveux, en guise de pleurs, d'une rivière de larmes. Les acolytes, dans une verve d'irrationalité, folie du présent impénétrable, du temps insupportable, tournaient dans la pièce, l'air égaré, le visage blanc, taché de coulées sèches et pourpres, en se balançant des bouts de chair désossée. Des cris, puis des hurlements, traversaient les murs jusque dans la rue où des passants s'empressaient dans la direction de l'entrée de l'immeuble. On eut dit un incendie tellement le sang recouvrait les carreaux des deux fenêtres, au premier étage...





Thierry Texedre, le 9 juin 2012.




dimanche 3 juin 2012

Mouvements rétrogrades













Arrière-cour du temps saccadé, le temps est le vice-caché de la mort. La mémoire diffuse se rétracte dans une ombre brumeuse, c'est le début de cette éclosion d'une trace mnésiques. Là où se densifient les actes manqués, la mémoire souffre, la mémoire tempère, la mémoire va plus vite que sa reconnaissance en mots. La mort est la grande absente du grand chambardement qui régit la mémoire. On traite le fou, mais savez-vous ce qu'un fou peut faire quand la création s'en mêle? Mémoire en parasitage du verbe, comme fin du verbe comme commencement, début de tout. Traversez la fin des temps, et votre mémoire se liquéfie, pour renaître autrement, dans une matière, celle de la tempête des corps célestes. L'univers est ce calcul de l'infini qui se soutient d'une mémoire à court terme, mémoire temporale. Le vide est la partie de l'univers qui résout momentanément la vérité de ces corps célestes. L'atomisation de l'univers est le résultat de la mémoire qui remonte le temps, à trop se donner en spectacle. Trop plein, débordement, rétroaction, effet de retour sur l'image ainsi créée, pour entériner la mémoire en songes infinis sur l'espace insignifiant du temps. Tenter de résoudre ce qui de l'univers ou du temps est à l'origine de la vraisemblable vérité, tient du miracle. Croire n'est que ce milieu impétueux d'un corps pensant, là où l'être est forclos, coupé du moment irréversible du temps passé. L'extermination, la poussée vers l'apothéose de la dévoration des corps, semble avoir un lien plus important avec la mémoire que ses mots eux-mêmes pour l'intelligibilité et le sens de la parole, de la mise en volume du dire dans l'art de peindre, de représenter, de donner à voir, dans cette mise à plat du format peint. Le ralentissement et l’anéantissement de tout corps, donne à voir ce qui le dessine, coupes et découpes dans une trans-réalité, transformation de l'avant vers une résolution de ce corps possédé par la mémoire, dépossédé de son image, pour en finir avec le temps. On pense parce que le temps est notre déposition, souffrance de la chair, pour faire remonter ce que croire a de tiraillement dans l'amour pour l'un. J'aime ce seul et unique être qui n'est ni moi ni l'autre, mais ce détachement, l'unique émoi, par dessus tout, de l'indivisible étant du corps jouissant. Corps utérin?

 

Thierry Texedre, le 3 juin 2012.


vendredi 1 juin 2012

L'indomptable désir







L'indécence du corps ne descend pas jusqu'au sexe. Du plus court à sa pulsion ouverture vers cette jouissance en vrille, et incommensurable. Le pli n'a qu'à bien se tenir, sur quoi un autre corps peut s’empaler. Se sucer, se courser, s'anéantir, se redresser pour enfin remplir ce trou du désir inopinément. Les mains resserrent le sexe durci, juste pour presser le sang. Les veines semblent gonfler, drainer l'indomptable bambou pour malmener l'affaire. Quelle verge raide vient sucer le con ouvert et rose à l'intérieur. Les lèvres se resserrent autour du gros gland caverneux. Les deux corps s'esquivent un court instant, puis se serrent l'un sur l'autre, comme si les deux parties ne faisaient plus qu'un corps suintant, dégageant les membres remuants et effrayés, de chaque côté d'un tronc au milieu mystérieux et indistinct. Quel instinct peut se mesurer à une telle forclusion? Là où rien ne pense, là où tout s'efface, se densifie et s'annule. L'enfournement de la verge est violent, comme pour faire mal à ce dedans impérial et impétueux. Ravage du temps de la parole. Prière immonde à l'appel d'une jouissance indécidable. On nie là l'acte même d'un désir abouti. L'art du spectacle se dessine sans visage, sans lieu ni ressort de l'amour. On aime pour avoir mis le mal en patience. Les corps se redressent sous les coups, au fond, en butée, au relâchement de soi. Les gémissements sortent du fond des deux gorges, et la semence éjaculée sort pour goutter sur les draps immaculés. Le corps-osmose soudain se sépare, pour laisser deux êtres imparfaits glisser sur les côtés du lit, touchés et déchirés par cette lévitation de l'orgasme qui les emporte.



Thierry Texedre, le 1 juin 2012.