Une textualité qui recherche en permanence son écriture et sa peinture, sans toutefois entrer "en représentation", le lieu ? Une musicalité, pas dans "le son" d'une lecture qui reste aléatoire, mais dans ce qu'un sujet peut de penser: où en est son image, la scription ?
Le
long du fleuve, s'étire l'aorte grande ouverte, rendu d'un
corps inerte, le long du fleuve un soir d'été. Caché
dans les buissons dessinés de main de maître, la peau,
nébuleuse, violacée, traverse une dernière fois
le cycle des couleurs vers l'apothéose, le pourrissement
vénérable du corps d'une belle inconnue. Au loin, en
face, les phares des voitures sur la pénétrante, joue à
se croiser, danse pour une vie virevoltant au son des moteurs. La
nuit renvoie les lumières des immeubles qui bordent la voie,
par de longues traînées zébrées,
jusqu'aux pieds du corps, qui apparaît alors comme morcelé.
La ville continue sa course effrénée, comme si ni le
jour ni la nuit n'arrêtaient jamais rien. Aucun pouvoir, ni
force d'attraction sur la vie insouciante de ces hôtes assidus
et propulsés. Poussés par on ne sait quelle force.
Passant du vif intérêt pour sa progéniture, au
temps du manque de temps lié au désir violent
d'exister, excitation que l'autre mettra à mal pour retenir ce
nom impitoyable donné à la naissance. Quel être
que cette morte recroquevillée sous les haies au feuillage
garni. Le sol est sec, dur, bosselé, brun. Terre qui
s'évanouit une nuit d'été, caressant les astres
aux reflets lumineux, pointés ça et là comme une
autre vie, qui elle, sort déjà d'un présent à
refaire.
On
passe à côté. Et de nulle part, se lancent les
cordes, oreille mal intentionnée, haut bruit des violons
agités autour de cette sonnerie du déficit mental.
Là-haut sonnent et glissent, et les cloches et les archets,
sur quelle onde porteuse; tête d'où les maux sortent,
douleur irrationnelle d'une musique assourdissante. Température
du dedans déconcertante, touchant au temps de la dépossession.
Douleurs qui activent les images du passé, pas seulement,
aussi celles plus déchirées, hachées et à
reconstituer, plus tard, peut-être. On attend l'aurore, cette
douceur des choses égales, une lenteur qui oublie l'essentiel
de la vie qui se répète. On tombe par un hasard
somptueux sur la beauté suprême. Une blancheur de la
peau si lumineuse, qu'on eut dit un rêve en plein jour, on rêve
le jour aussi. Peau toute en tendresse, presque ce que la mort
apporte d'éternité. Quelle blessure résisterait
à cette rêverie, mêlée aux digressions de
cette musique qui tente de blesser mon âme. Un combat semble
s'installer entre celle qui m'emporte dans ses grâces, et
l'enfermement de ces maux de tête insupportables. Des coups
tentent de me pénétrer, mon visage s'affaisse, se
raidit et me retire en plis, en rides douloureuses - pendant que la
musique envoûtante m'exaspère sans que je puisse
l'arrêter. Mes yeux, encrés encore dans l'étreinte
que cette colombe posée sur mes mains provoque, semblent le
lieu d'un combat dont l'hypnose prendrait le dessus? Mon envol se
résout à oublier par bribes la musique qui s'espace,
s'éloigne; elle revient doucereuse pour me reprendre dans ses
griffes. Mirages des sens, musique au refrain tenace; je m'écarte
et reviens, j'aspire à la paix, mais l'esbroufe tremblant
m'envahit plus que jamais. Le jeu entre la vie et la mort lentement
m'use, m'interpelle pour sentir mes sentiments et se gausser de mes
sens; de ma mémoire désarmée et touchée
jusqu'à l'usurpation. Et vont se refermer les voiles de
l'opacité du temps, le ciel aussitôt, se plie pour
laisser l'image derrière, dans le trou, dans l'ouverture de la
béatitude, où vont s'enfoncer les voix dans les
ténèbres, pour rejoindre l'enfer de la parole d'où
sortira le rêve qui habite ce corps de vie.
Liberté,
libre-échange, soubresauts exténués par la
perspective frontale du sens. Libération, livret de quelle
détérioration de la folie factice; face aux récits
de l'avènement Christique. La ronde se tient de ces chants
idéaux qui tournent les yeux de l'hystérique d'avant.
Les guerres enflamment l'Europe dévastée par la peste,
la faim aussi. Les rêves depuis la fin des temps, fondent au
soleil devant les massacres et les arrachements aux croyances encore
liées aux mythes. On s'évade de ces tortures pour se
lancer dans les grands océans impénétrables.
Peine perdue, le corps est à son apogée, on le renâcle,
on le falsifie, on le décolle de sa chair. Que ces prières
forment en plaintes obscures la foi du divin. Partout on danse avant
de guerroyer, on mange l'homme et on empale la femme, on joue avec le
diable, le feu s'élance à grandes envolées dans
d'immenses forêts, pour que la terre nourrisse ses sujets.
Livrés à eux-même, les outranciers bonshommes mal
fagotés s'arrogent le droit de hurler au loup avant de parler
leur langue, l'argot du pays d'oc. Quelle église soumet ses
sujets jusqu'à la folie, tous hérétiques s'ils
ne jouent pas à musiquer leur intériorité
muselée par d'innommables flagellations au son de la terreur,
villes impressionnées par ces remparts qui emmurent l'esprit,
encore interdit par l'expulsion du péché dicté.
La peau est encore l'extrémité de la putréfaction
de la parole face au désir du corps impulsé, traversé,
tapé, déchiqueté et happé par les
horreurs de la dépression latente du corps qui sort de tous
ses pores. La peau est le mystère du Moyen Âge, pas sa
conservation. Les morts enterrés, les fous sous l'emprise de
la démence seront brûlés. Entendre des voix,
chant intérieur de ces crissements des os pendant la torture,
on en usera encore plus au vingtième siècle.
Quelle
impédance, ce succédané qui offense le corps
psalmodié, ce corps de la délivrance. Chant des
ténèbres, chant terrifiant du désir d'accoucher
cette vie, vie du dire désirant. Tant de doute, tant de
réflexion de ce voile volatil qui semble pris dans le creux de
ces mains, mains en prière, et dressées vers l'étendu, l'allongé
du ciel céleste, quelle cécité! Le corps pleure
son âme perdue, sa chair meurtrie. Maux de l'impuissance du
parlêtre face à sa rencontre avec la souffrance d'une
chair jouissant de la toute puissante animalité, poussée
dans les retranchements de la parole, mimétisme du viol qu'une
représentation fagote, jusqu'à l'essoufflement de la
fin du temps de la parole. Sacrifice du vice d'un corps mort pour
avoir rencontré cette double appartenance de l'être:
féminin et masculin/ singulier et pluriel. Nous irions à
notre fin en toute sérénité si ce corps n'avait
de parole que résurrectionnelle. Quelle extase, que cette
vérité, vivre dans l'impossible mémoire du
temps! Quelle musique peut s'en prendre à cette élévation
découverte en question, quelle ovation, quelle densité
que celle de la révélation de la chair, charismatique
vélocité du dire dicté par cette suprême
chair née du cri de la jouissance. Jeu intemporel de la mort
avec la densité outrageuse du don de soi, la joie d'une mort
infiniment moins douloureuse que la souffrance d'un corps divin.
Manquer le parcours de l'humain c'est faire don de vérité,
réellement de la vérité de l'indécence
d'un corps habité!
Je crois que peu de gens vont
adhérer à ce texte, et pourtant il faut le révéler en toute conscience:
là où le sens se perd dans la bacchanale démente du possible humain,
c'est l'alerte qu'un possible a bien lieu dans cet impossible, dans
l'interdit du lien social. Les signes d'une barbarie toujours prête à
remonter de ce fond funeste de la nature humaine. Serait-ce un état de
ce que le rêve peut, lui, comme rêve double: rêve nocturne/diurne? Quelque part il y a du "désir de ne pas savoir", mais cette douleur dans l'abomination de l'acte démentiel du meurtre dans la "joie" va mettre le nom du "père" sur un "épuisement de la mort", dans un sadomasochisme du soulagement de ce "parlant", traversé par une "béatitude" du corps morcelé, puisque né d'une singularité sexuée.
AVERTISSEMENT
CE TEXTE PEUT HEURTER LES ÂMES SENSIBLES
Méduse
Ah!
Ah!! Jette-moi ce corps par la fenêtre... Non! Non! Je veux le bouffer (dévotion ou domination?...déportation...). L'avaler, le couper dans mes mains, malaxer sa chair et son sang encore chaud, juste pour voir
mes doigts trempés, et voir ce dégénéré se vider (plus de liquide, que de l'inerte, et par là se voir perdre tout, se voir disparaître dans la possession, l'être possédé, boire le corps et le sang, ne plus faire qu'un avec l'abjection);
le sang me monte à la tête!! Les deux horrifiques
êtres, sans foi ni loi, se mirent à rire, jusqu'à
s'époumoner, leur voix devenant méconnaissable. Les
yeux énormes sortaient de leur orbite, ronds et injectés
du sang douloureux d'un corps déchiqueté. Les morceaux
étaient éparpillés, partout autour des deux
compères. Sur un sol encore humide, trempé par les
giclées du sang du mourant. On s'empressait de rassembler les
bouts, dans un air détaché, vaguement absent, comme
illuminé par quelque chose d'intérieur pressant tous
leurs os, jusqu'à la peau qui avait la chair de poule. Un
tremblement semblait les rassembler tels deux frères jumeaux,
leurs gestes saccadés perdaient le sens des choses, ils
sombraient dans une folie lyrique, où le passé allait
rattraper le présent pour l'annuler dans ce néant
vertigineux du jeu avec la mort. Tiens! J'ai trouvé la tête!!
La tête! C'est pour moi! Je vais lui coller les bras sur les
oreilles, avec le sang qui sort encore du cou... Le sang s'était
coagulé et donnait des idées plus sauvages à
l'un des deux locataires. L'autre, plus réservé, ne
pouvait qu'apprécier ou éviter de donner son avis, de
peur de finir lui aussi dans de multiples morceaux décharnés.
Le jeu allait bon train, l'un rassemblait des morceaux des viscères,
délicatement, en apprenant au fur et à mesure les bons
emplacements avec une revue sur les écorchés dans la
peinture classique. Les pages froissées devenaient illisibles
et opaques à cause des doigts rougis par le dépeçage.
L'autre s'amusait avec la tête, les bras, en méduse, se
balançaient de part et d'autre du crâne rasé. Les
trous des yeux disparus avaient reçu des touffes de cheveux,
en guise de pleurs, d'une rivière de larmes. Les acolytes,
dans une verve d'irrationalité, folie du présent
impénétrable, du temps insupportable, tournaient dans
la pièce, l'air égaré, le visage blanc, taché
de coulées sèches et pourpres, en se balançant
des bouts de chair désossée. Des cris, puis des
hurlements, traversaient les murs jusque dans la rue où des
passants s'empressaient dans la direction de l'entrée de
l'immeuble. On eut dit un incendie tellement le sang recouvrait les
carreaux des deux fenêtres, au premier étage...
Arrière-cour
du temps saccadé, le temps est le vice-caché de la
mort. La mémoire diffuse se rétracte dans une ombre
brumeuse, c'est le début de cette éclosion d'une trace
mnésiques. Là où se densifient les actes
manqués, la mémoire souffre, la mémoire tempère,
la mémoire va plus vite que sa reconnaissance en mots. La mort
est la grande absente du grand chambardement qui régit la
mémoire. On traite le fou, mais savez-vous ce qu'un fou peut
faire quand la création s'en mêle? Mémoire en
parasitage du verbe, comme fin du verbe comme commencement, début
de tout. Traversez la fin des temps, et votre mémoire se
liquéfie, pour renaître autrement, dans une matière,
celle de la tempête des corps célestes. L'univers est ce
calcul de l'infini qui se soutient d'une mémoire à
court terme, mémoire temporale. Le vide est la partie de
l'univers qui résout momentanément la vérité
de ces corps célestes. L'atomisation de l'univers est le
résultat de la mémoire qui remonte le temps, à
trop se donner en spectacle. Trop plein, débordement,
rétroaction, effet de retour sur l'image ainsi créée,
pour entériner la mémoire en songes infinis sur
l'espace insignifiant du temps. Tenter de résoudre ce qui de
l'univers ou du temps est à l'origine de la vraisemblable
vérité, tient du miracle. Croire n'est que ce milieu
impétueux d'un corps pensant, là où l'être
est forclos, coupé du moment irréversible du temps
passé. L'extermination, la poussée vers l'apothéose
de la dévoration des corps, semble avoir un lien plus
important avec la mémoire que ses mots eux-mêmes pour
l'intelligibilité et le sens de la parole, de la mise en
volume du dire dans l'art de peindre, de représenter, de
donner à voir, dans cette mise à plat du format peint.
Le ralentissement et l’anéantissement de tout corps, donne à
voir ce qui le dessine, coupes et découpes dans une
trans-réalité, transformation de l'avant vers une
résolution de ce corps possédé par la mémoire,
dépossédé de son image, pour en finir avec le
temps. On pense parce que le temps est notre déposition,
souffrance de la chair, pour faire remonter ce que croire a de
tiraillement dans l'amour pour l'un. J'aime ce seul et unique être
qui n'est ni moi ni l'autre, mais ce détachement, l'unique
émoi, par dessus tout, de l'indivisible étant du corps
jouissant. Corps utérin?
L'indécence
du corps ne descend pas jusqu'au sexe. Du plus court à sa
pulsion ouverture vers cette jouissance en vrille, et
incommensurable. Le pli n'a qu'à bien se tenir, sur quoi un
autre corps peut s’empaler. Se sucer, se courser, s'anéantir,
se redresser pour enfin remplir ce trou du désir inopinément.
Les mains resserrent le sexe durci, juste pour presser le sang. Les
veines semblent gonfler, drainer l'indomptable bambou pour malmener
l'affaire. Quelle verge raide vient sucer le con ouvert et rose à
l'intérieur. Les lèvres se resserrent autour du gros
gland caverneux. Les deux corps s'esquivent un court instant, puis se
serrent l'un sur l'autre, comme si les deux parties ne faisaient plus
qu'un corps suintant, dégageant les membres remuants et
effrayés, de chaque côté d'un tronc au milieu
mystérieux et indistinct. Quel instinct peut se mesurer à
une telle forclusion? Là où rien ne pense, là où
tout s'efface, se densifie et s'annule. L'enfournement de la verge
est violent, comme pour faire mal à ce dedans impérial
et impétueux. Ravage du temps de la parole. Prière
immonde à l'appel d'une jouissance indécidable. On nie
là l'acte même d'un désir abouti. L'art du
spectacle se dessine sans visage, sans lieu ni ressort de l'amour. On
aime pour avoir mis le mal en patience. Les corps se redressent sous
les coups, au fond, en butée, au relâchement de soi. Les
gémissements sortent du fond des deux gorges, et la semence
éjaculée sort pour goutter sur les draps immaculés.
Le corps-osmose soudain se sépare, pour laisser deux êtres
imparfaits glisser sur les côtés du lit, touchés
et déchirés par cette lévitation de l'orgasme
qui les emporte.