samedi 24 novembre 2007

Le dialogue ou l'amour ordinaire du regard
















peinture de Michèle Laverdac


- Qu'est-ce que la peinture pour Michèle Laverdac?

- "La peinture, c'est avant tout un dialogue entre deux
imaginaires... La spiritualité est importante pour moi,
la critique me l'a souvent reproché... On m'a reproché
cette peinture "peinte", avec ses lumières, pensée,
réfléchie, méditative, qui subissait une sorte d'interdit."
Michèle Laverdac

"Toutes les images ne sont finalement tissées que de mots."
Ralph Dekoninck novembre 2006


Le dialogue ou l'amour ordinaire du regard

-
Le dialogue ou l'amour ordinaire du regard

- Le dualisme proposé de la rencontre dans un dialogue
de deux corps pensants contribue-t-il à gérer ou plutôt à
formater le lieu social qui se déroule aujourd'hui, dans
l'état de mondialisation généralisée que nous vivons?

T- Si les sciences pressent toujours les êtres pensants
que nous sommes, c'est pour mieux intégrer le malin
qui en d'autres termes pouvait gérer l'imaginaire dans
un certain passé, mais pas seulement, il faut rompre
avec la pensée qui voudrait que la langue influe sur la
suite des événements que sont une découverte
conceptuelle ou ce que la philosophie nous donne à
rendre compte de la conscience humaine et sociale;
en somme il y va plus d'une censure du pensant, de sa
cassure sociale, que d'une lecture de celui-ci au niveau
de l'écriture d'une écriture longitudinale, linéaire telle
qu'elle fonctionne encore ici.

- Cette doublure du champs parole/écriture ne va pas
sans risques pour son écoute/lecture allant dans le sens
d'une plongée dans le social virtualisé avec les outils
informatiques et internet. Dans sa structure philosophique
comme origine d'un sujet visuel plus que corporel, le
social n'a pu s'en remettre et la philosophie elle court
après son épouvantail à mieux digérer sa maîtrise des
formes. Son sujet n'étant jamais stabilisé, sauf à le mettre
en situation d'être en situation de croyant!

- Si le dialogue est devenu source de liberté, origine
d'une autre vue au niveau social, comment se fait la
compréhension, la survie de l'espèce, et pour être plus
précis au détriment de sa reproduction qui est, dans un
futur, proche remise en question, celle du doute?

T- Vous avez mis le point sur la chose la plus censurée
maintenant, sur le risque qu'il y a à reproduire, à faire
de l'espèce comme on fait du commerce (il faut
reproduire disent les politiques d'un point de vue
économique), mais c'est là le dilemme de faire ce qu'il y
a de lois au sortir desquelles toute pensée est dénaturée.
Cela ne va plus dans ce sens, le noeud n'est plus là où
on l'attend. L'image de l'humain étant fragmentée, il
n'y a plus de recours au politique qui avalise les lois
pour un social à la démesure irréelle. Nous nous
arrogeons le droit d'en découdre autrement que par ce
qui fait retour dans l'écriture; non la chose sexuelle,
ni l'indice religio-éthique qui induit une espèce clouée
à sa trinité, à la loi hébraïque, à son risque de ne jamais y
revenir , à s'y noyer!

- Revenir à quoi si ce n'est à la reproduction?

T- Attention à ne pas revenir à la case départ! A ne pas
s'y résoudre l'effet de verticalité de la textualité
moderne n'en a pas pour autant l'amour du corps de sa
chair, de son volume contre toute attente d'un sujet qui
pousse à penser. On reste sur notre fin dans presque tous
les cas de figures. Encore un peu de patience et peut-
être verra-t-on apparaître quelques penseurs plus prêts à
en découdre avec l'espace en position de force avec
quelques peintres, musiciens, pour soulever l'énormité
aveuglante qu'on ne peut plus reproduire sans son corps
pensant autre loi autre mystère.

- Bien sûr ça peut rendre compte d'un niveau d'écoute
impossible à délier, impropre à consommer dans l'état
actuel de nos états dissemblables. Mais qu'en est-il de la
fin du social et de l'explosion de l'économie de marché qui
masque toute parole vraie, pas celle du dire, celle qui fait
loi plutôt, son noeud étant lié au doute à la négativité?
Et qui pour le coup empoisonne depuis presque deux
siècles la subjectivité impropre à passer à la psychanalyse!

T- Ça veut dire que ça pense mais comme le décalage est
impossible à saisir, ça prend part au niveau de la vue de
l'image pour amorcer de plus en plus vite un virage à
360° pour produire un retour sur image; son arrêt? Au
moins l'inconscient, la terreur généralisée n'est-ce pas?



Dans la pensée prophétique, le Pathos Dei s'émeut
toujours en rapport au monde extérieur. Selon le
théologien Kitamori, Dieu en douleur est un Dieu
qui guérit les plaies humaines par ses propres plaies.
En Jésus , Dieu lui-même fut brisé et blessé.

De la souffrance de Dieu

Pour Rahner le Dieu d'Israël et de Jésus est , en effet,
différent de la divinité lointaine et insensible des
philosophies de la Grèce classique. Il est proche et
vivant; il est un Dieu au visage d'homme.

Pour Fiedrich Nietzsche Dieu est mort par idéologie
et non par principe de réalité. Antonin Artaud revisite
la foi pour sortir un sujet brisé par cette foi, pour
agir sur ce corps mort-né d'avoir voulu croire en
sa pure pensée, celle des lois bien sûr.

prologue
Dieu ne peut Être que par sa seule absence, sa voix
entendue est une subjectivité, de la matière pensante,
chercher Dieu c'est l'Un dans la pliure des voix, dans
le rejet du polythéisme antique et prendre l'homme
comme seul interlocuteur, seul intermédiaire entre la
voix entendue et celle d'un Dieu réduit à n'être qu'en
sa seule absence. L'autre voix passe par d'autres lois
qui ne peuvent avoir lieu qu'à travailler avec la voix
transformationnelle: la peinture et la musique puis
l'écriture en sont les principaux fondements qui
vont continuer à structurer tout sujet pensant, Dieu
en passe par là sous son apparition/disparition de
l'acte créateur du sujet de la matière qui pense. Il n'y
a plus de ce fait de théologie qu'à connaître le Père, et
du vécu de l'inconnaissable à la connaissance de Dieu.
Comme Dieu est représentable, seule la voix qui elle
se livre fait une transmutation de la mémoire, Philippe
Sollers en fait l'expérience et en donne des balises, fait
loi même en ce début de XXIe siècle. La représentation
elle, est censurée (si le préverbal permet l'acte même
de la création il n'est lisible qu'à livrer un corps nommé).
même à croire que la prolifération ininterrompue
d'images et de sons et d'écrits font entrer une séquence
hors-temps dans l'humanité, en marche dans la dépense
d'une nouvelle histoire de la douleur de la psychè.
Car il faut dans l'urgence penser que Dieu Être suprême
n'est pas là pour notre bon plaisir de jouir de l'avoir
descendu eh oui de là-haut! Ciel que cette terre est triste
à en mourir: c'est cela penser , faire circuler le verbe
où on l'attend: la mort!



le dialogue ou l'amour ordinaire du regard 2

- Est-il possible de comprendre que les religions ont
primé la croyance, ont assez exhorté voir exorcisé le mal
qui ronge l'humanité, et est-il possible de rendre compte
d'un tel débat sans tomber sur sa fin, sur la fin du
monothéisme au profit d'une polylogie, comme on a
sonné le glas de Dieu?

T- Ça n'est sensible que dans la mesure où aujourd'hui
la plus grande révolution culturelle est musicale. Le son
joue la lettre, la chasse et tire à côté le plus souvent. Sauf
dans les grandes oeuvres qui relancent l'écriture que
le surréalisme a fait sauté avec Artaud. Et Burrough en
a pris pour se faire éclater la figure Christique, la femme
s'y cache derrière comme toujours, l'écriture...La langue,
et j'en passe, tout tourne plus vite au profit du récit bien
sûr, les mythes refont surface parce que en attendant on
préfère le pire: l'ivresse du jeu musical des langues mortes,
oui nous touchons le fond du trou, c'est ça c'est une
histoire que la politique surveille, ce trou béant qui ronge
les mentalités, qui prend la relique pour l'éternité et
l'image pour de la spiritualité. Nous entrons dans une ère
infâme et illisible, c'est plus facile à maîtriser non?
Donc le son joue le rôle de Dieu, le jeu est là dans sa
temporalité humaine, mais à y regarder de plus près, c'est
d'atemporalité qu'il s'agit. Il faudrait en faire une analyse
plus serrée, plus équivoque, plus informelle bien sûr. Mais
le sens d'une perte de la croyance religieuse va dans celui
des charniers passés sous silence, de ceux que l'écriture
malmène au plus haut point, avec Pierre Guyotat pour
l'un des acteurs de la langue les plus pertinent qui va
permettre au seuil d'une pensée vivante, la pensée du dehors
(produire de l'intérieur que les religions se sont empressé
d'ouvrir: moins de sujet, plus de commun, c'est là l'horreur).
Pour savoir le savoir qu'un corps peut, le savoir du son
n'est rien sans ce corps érotique, ce corps qui de tout fait
tout pour danser son intérieur. S'il en était autrement à quoi
bon le monothéisme? Sinon à privilégier l'invention
sociale! La philosophie prenant appui à son tour sur ce
social arque bouté par le politique qui compose non de la
musique mais des pseudo-lois impropres à la jouissance
qu'une sexualité a du mal à écouter; voyez comme un
sexe se double d'une audition et non du masculin/
féminin, encore qu'il faille en distinguer les avances
et les reculs selon que l'un ou l'autre pense ou baise ou
se baise à penser sa jouissance à cause d'un certain
Freud. Un autre psychanalyste Lacan s'en est mieux tiré
la langue était là encore pour lui prendre l'image plus vite,
la lui arracher aux autres: un peu de sujet quand même!
Et que la philosophie ait une importance pour voir ce que
le social a de dérives dans l'image dans l'histoire close d'un
roman définitif pour en penser sa terreur du dialogue, là
est le vrai prolongement de tout entendement, de toute
vraisemblance aux yeux de croire. Dialogue parce qu'elle
est à même de diaboliser en faisant volume. Et par là
passer aux pulsions de les canaliser. Là encore la
psychanalyse a fait l'impasse sur l'être pour ne plus le
voir en peinture, ça dépasse Lacan et son Courbet!

- Cette origine du monde plus globalement, la philosophie
va s'en emparer structurellement avec son pensant qui fait sens
dans la temporalité du pensant, n'est-elle pas issue du retour
d'une signifiance entrain de rompre avec un ordre plus
collectif, une unité plus sociologique?

T- La rationalité est un ordre qui donne au visible toute sa
dimension, et ce, dans le registre d'une unité qui entame le
nombre pour le faire vaciller; ou encore ce seuil collectif
d'une humanité en train de se défaire ce n'est pas une défaite
comme on pourrait le penser, mais un saut vers une autre
vision de réseaux qui vont tenir un rôle impossible à
soumettre du point de vue de la rationalité. Allons dans ce
sens le sens a encore droit de citer aujourd'hui, mais pour
combien de temps encore? La cassure est telle que toute
subjectivité devient improbable, floue, et impropre à passer
au niveau social. La philosophie peut toujours produire ses
effets dans ce tout social, dans la masse pensante le dialogue
n'en est pas moins rompu!

- La soumission n'est-elle pas alors l'éligibilité du corps
contre toute attente d'une chair qui n'est chair que dans la
mesure où elle est dialogue?

T- La rationalité (plus nationale que l'irrationalité), passe par
ce corps pris dans son dialogue avec les forces d'attraction
qu'une nouvelle peinture peut, rendant l'observateur dépité
et faisant retour sur ses images sacro-saintes ou par un effet
boomerang, de se prendre la tête pour son sexe et aller bien
vite copuler loin de la peinture, ou encore l'histoire des tags
(Basquiat) qui sont au plus court du peint l'erreur qu'une
peinture a de se soustraire à l'oeil qui fait imprimer du social
sur un corps privé de nom, anonymat et dépression que la
doit frapper plus vite en raccourci. Cette rationalité est prise
dans les forceps de la peinture sa doublure, sa chair, la
langue qui en retour produit cette soumission, l'élision qui
va droit dans la matière sociale: c'est le rôle imparti à la
philosophie qui est remis en cause ici à faire taire la langue.

- Vous revenez souvent à la peinture , mais n'est-ce pas pour
entendre au delà de la musique le dialogue que des corps
manquant leur pensant vont introduire dans la loi, dans la
textualité pour produire du pensant, pour faire surface?

T- Faire surface c'est faire de la langue malgré la culture
en incessante mouvance, en continuelle chute. Les corps
ne suivant pas cette chute comme ils sont pris dans le travers,
voyez comment se terminerait l'éclairage du lieu d'inhumanité
qui marque notre contemporanéité!

- L'amour va-t-il servir Dieu dans le futur, ou le regard porté
sur la matière pensante permet-il d'aller chercher Dieu où il
n'est pas, c'est-à-dire au fond dans le sang versé?
T- Si le partage formule l'amour, c'est dans une double
exposition que va se jouer l'apparition de Dieu non
sans retenir un certain souffle dans le seul but d'avaler
sa disparition, sa diversion c'est là le terme, et le virage
pris pour continuer la parole: point de raison mais du
corps pris dans son pensant, sa matière. Tout cela pour
qu'un tout social s'en tire avec quelques hurlements de
devoir en finir avec le nom de Dieu. Et si cette disparition
persiste, c'est que le sang n'y suffisant pas, le pensant
s'en soit mêlé un peu à la façon dont les arts s'y sont pris,
traversant par leur lecture de l'au-delà retourné en deçà;
pour questionner et soulever le voile de l'après-coup du
refoulé pulsionnel. Un soulèvement pour l'avenir de Dieu,
pour le regard de l'amour qu'une suite de figures va tenter
de composer. De composer comme l'écriture fait encore loi.
La philosophie a longtemps exorcisé ce fait qui est ainsi
couché au futur, notre point d'achoppement en sera
privilégié au niveau social, par l'inspiration qui n'est pas
spirituelle, mais résurrectionnelle; que la peinture a su
donner aux lettres dans leur exploration de l'Un.

- Si Dieu a un avant comme soulèvement de l'identité
subjective, n'est-il que cela en tant que flou voir floculation
du régime identitaire ou bien sa divinité trinitaire n'est-elle
pas déjà une annonciation que son vrai son existence et par
là son fou ne sont que l'amorce d'un autre espace, que la
pensée pousse à jouir le corps; pensée animale qui n'a pas
encore été explorée?

T- Sauf que l'écriture s'en est emparée, c'est son espace.
Pour que Dieu ait un avant, ne faut-il pas qu'il passe par
son détachement mais encore sa traversée sa présence dans
l'immanence, mais aussi dans l'infini résonance des corps
que l'écoute permet, que la pensée devienne. La figure de
Dieu réside dans son immaculée conception dans son
importance d'une impossible représentation, mais que cet
avant prend du futur pour que de l'antérieur le présent rôde,
et sème la panique dans la vision qu'en a l'homme, les lois
en dépendent. Pourtant cela n'a pas d'incidence dans le
fait que Dieu se soit fait homme, l'esprit ayant eu du mal
à le supporter sauf à le ressusciter: paradis oblige, mais c'est
par la petite porte que rentre le dialogue, l'amour ordinaire
en somme qui va enfoncer le clou pour l'éternité descendue
et faite homme. Le dialogue amoureux l'impossible
soumission à l'autre prendra le relais à cause de son parlant,
parler du corps qui écoute son effraction la crucifixion;
et son impossibilité à reconnaître son Dieu le sens caché du
vivant scientifiquement probable, mais théologiquement
opaque! A croire en Dieu le risque court de le perdre de le
mettre en forme. Dieu passe par le non dit, son origine que
la philosophie va exhumer lentement aidé par les corps
découpés et fragmentés de la peinture du XXe siècle.
Jusqu'à rompre avec les lieux du jeu social, il faut répondre
à ce qu'une révolution transfert, et Dieu s'y retient!

- Le temps manquant c'est-à-dire le présent ne va-t-il pas
subir un coup plus dur que celui que la psychanalyse a
donné au début du XXe siècle? Cela va sans dire, l'ordre des
choses va opérer dans ce sens semble-t-il, encore qu'on peut
se soustraire à ce type de questionnement non? Qu'en est-il
exactement de ce présent qui fait figure peut-être celle d'un
Dieu qui n'a que sa représentation pour survivre alors que
le dialogue ou l'amour peut le recentrer n'est-ce pas?

T- C'est là le point le plus sensible de l'espace du pensant
pris dans sa fermeture/ouverture du site de la représentation
de ce qui se voit du sensible, de ce qui fait en bout de chaîne
le social. Son temps c'est le temps qui marque qui imprime
qui fait symptôme de l'espèce en proie au symbolique, à
l'état de chair. Cet état étant une forme impulsant au parlant
son dire pour qu'il passe son temps à penser donc à faire sens;
mais hélas il ne peut être qu'en pensant et pensant qu'en
s'inscrivant comme inconscient la plus part du temps de son
état de veille. La psychanalyse a dégagé ce qu'on nomme
une mise en acte de l'inconscient préexistant à sa découverte.
Et ce, afin de prendre Dieu pour la matière du corps peint!
C'est pire que de dire, s'agissant bien d'un discours d'un
dialogue, qu'une subjectivité échappe encore et toujours au
dire pour qu'il saute son corps d'élection son gramme
d'inscription son signifié: l'inspiration passe à côté de la
psychanalyse parce qu'elle lit ce que la peinture travaille
depuis qu'elle est tombée dans la profondeur des corps
morcelés et des charniers impensables

.
T - Oui bien sûr on peut toujours se soustraire à la
psychanalyse dans un travail de sape d'usure du code
de la signifiance. Allons, il faut reconnaître que ça passe
tout près du fou, mais aussi du rire pour de rire, en
somme, mais il revient vite! Le sujet? Même maltraité,
même en pourrissement et çà, ça ne va pas dans le sens
de la représentation voir même pas dans celui de la
reproduction; ça ressort du vertige et sûrement de la
transsubstantiation. Quel retour remarqué sur le code
religieux Chrétien, mais ça passe surtout pour le présent
par la résurrection de tout pensant simplifié socialement
par le point de vue de l'art pictural. Le dialogue peut
faire intervention de Dieu à travers la parole qu'un présent
peut, qu'un présent peut faire de sa loi. La loi tord le sujet
pour résoudre son nombre, l'infinité de la reproduction,
l'espèce n'étant menacée qu'en perdant son espace de
pensée; ou le corps se joue des croyances le corps
jouissant de penser peu, et même jamais par amour pour
une rencontre. Ça tient à peu près comme un questionne-
ment ne clôt jamais l'impossible reproduction de la mise
en avant du dire.

- Si le dialogue place le sujet amoureux dans une posture
d'infini, face à un travail de la représentation qui n'en a
que faire d'aller et venir comme le fait la dépense; cette
dépense ne va-t-elle pas rompre avec son délit avec le
délire la peur que toute identité masque?

T - L'énigme qu'un sujet soit amoureux va jusqu'à faire
taire sa phobie, son aisance dans son arrimage au site
phrastique qui colle à l'inconscient, comme son double,
parce qu'il est lui aussi fondé sur une structure: celle-ci
n'est que la signifiance et pas n'importe laquelle! C'est
l'impossible jointement d'un sujet à son unique, au nom
puisqu'il se multiplie génétiquement, donc c'est une
histoire à rebours de ce qu'un corps peut de ce qu'une
corporéité va penser va sexualiser via l'érotique sondant
sa pornographie, son écriture, sa jouissance et son stade
de socialisation dans la peinture comme fondement du
sujet divisé. Cette peinture peint parce qu'elle veut en
venir à bout de la langue qu'un sujet peut, proposant une
perspective innovent entre spectateur/spectacle et
réceptacle/réservoir renvoi au fond pulsionnel de la
subjectivité qui fonde ce tout social pris dans son délire
d'y voir, de parler pour y voir quoi? Sinon Dieu! Le délire
innove inonde toutes les langues pourvu qu'elles soient
parlées. Mais ça n'est qu'un rêve un rêve éveillé pour tout
dire. Comment ne pas croire alors que la langue ne fait
que ça d'y croire, même avec un corps tronqué un corps
en reste qui veut en venir à bout de cette langue à cause
de sa sexualité qui colle à la peau, qui délit les langues,
qui n'arrête pas de faire symptôme, même dans les rêves
nocturnes; encore que ce langage est pauvre à côté de ce
qui s'y essaye d'aller plus loin que celle de la loi, mais
collée au corps. N'a-t-elle jamais été que cela livrant le
corps au Vide éclairé de la matière de son sujet ébloui-
ssement divination même voilà le noeud qui fait du corps
humain une matière. Il faut bien se le marteler pour qu'
une mémoire même socialement légale vienne tenter une
vraie respiration pas celle qui fait vivre mais celle qui
fait souffrir. D'une jouissance tantôt pornographique
tantôt érotique, sachant par là qu'un corps d'écriture
viendra inonder innover à déchiffrer aussi ce qu'un
avenir possède de lois irrémédiablement cadrées pour
un social qu'un présent irradié tente de raccourcir,
d'intégrer dans le bel espace de la représentation. Dieu
se cache partout où il a fait faux bond même dans sa
couche l'homme!

- Vous rapportez beaucoup le dialogue au milieu d'un
magma inondé comme vous dites par Dieu, qu'en est-
il de ce Dieu faisant l'impasse sur un christianisme
déchiré par la représentation clouée sur la peinture
saignée à en mourir?

T - C'est un fait que bien avant cette incarnation qui a
fait le Nous du Notre d'un Moi opérant une rationalité
tempérée et qui nous est connue aujourd'hui à travers une
production d'effets dévastateurs sur les êtres pensants,
les symptômes de l'objet perdu, c'est bien de cela qu'il
s'agit encore une fois: d'avoir découvert par les travers,
mais dans un mouvement entendu intérieurement et
collectivement, qu'est intervenu ce pensant, cette voix,
cet au-delà irreprésentable puisqu'Elle, Celle Eve, Autre
et Objet...

A côté du divan de la cure analytique et/ou une
transsubstantiation de Dieu dans l'Art.

- Pardonnez-moi de vous interrompre mais cet objet perdu
serait celui d'un pensant identifiable dans le cours des
siècles, comme étant celui de la voix de Dieu avant de
devenir au XXe siècle la voix de l'inconscient avec la
psychanalyse, combien même ce déplacement aura opéré
un retour plus particulier sur la subjectivité dans les arts
de la fin du XXe siècle?

T - Oui c'est en quelque sorte une révolution que la
pensée peut, mais elle reste idéologique dans une polylogie
des voix, des "chants" qui s'ouvrent au pensant, un pensant
collectivement pris dans un registre plus dense où le rêve
prend le relais l'imaginaire étant la partie visible de ce coma.
Le dialogue est avant tout une conversation avec un au-
delà une instance irréelle qui tient lieu d'accompagnement
d'accouchement: même le Christ serait venu avant d'être né
de la chair. La pensée peut encore produire des effets qui
sont de l'ordre du "marqueur", structure qui tient devant
le symbolique plus crédible dans nos moeurs sociaux, peut-
être sommes nous habités par trop de calculs influencés par
le nombre toujours croissant de l'humanité. J'en reviens au
hasard qui est une croisée d'espaces la trace qui ne fait pas
encore sens, donc il faut le souligner afin d'en tirer tout
l'enseignement dans ce qu'il a de vraisemblance. Ce qui le
fait être hasard, c'est l'instant d'imprévisibilité surprenant
toute action pensée ou lieu tel que le rêve le traverse dans le
temps de celui qui rencontre qui fait acte de baigner dans
l'impossible image fermée. Le hasard est surprenant par sa
présence, sa temporalité même qui le fait craindre d'une
partie de nous-même. Il impressionne par la négativité qui
l'anime puisqu'aucune rationalité n'a de prise sur son lieu
en creux, trou noir où tout objet va sombrer du désir au
meurtre. Sans substance ce vide prend l'allure du hasard
quand la pensée fait irruption dans le choc de deux corps
dans l'illusion d'un nouveau sens, d'une remise à plat du
temps: c'est la cause du questionnement. C'est de cet
hétérogène que va sortir ce qu'un hasard jamais n'abolira:
le nombre. A propos du questionnement qu'un pensant aurait
de donner au pouvoir exercé sur l'intérieur sur ce qu'un
corps peut de penser sa chair en retour, du hasard de prendre
peur devant cet état de fait qu'un corps pense avant d'être et
non l'inverse; le hasard prend place, s'incruste là au milieu
de cette vérité du sujet qui pense croyant, j'ai bien dit
croyant, nous y voila retour du croyant sur les lieux du dit:
le dire = hasard = croyance. Dieu est l'ancrage du sujet
prenant naissance de son pensant entrain de se faire dire.
Dieu est en présence perpétuelle puisqu'impossible à tuer
sans tuer l'homme par la même occasion, déstructuration
des sujets retours sur le sémiotique, seul repère d'une distance
liée à la forme, eh oui! L'humanité a pris forme par la figure
de son Dieu Un. L'imaginaire fait le reste replié sur le
noeud que l'inconscient dévoile dans le même temps, et non
quand Sigmund Freud l'avalise au début du XXe siècle.
comme Dieu est présent, dans le doute de la psychanalyse,
il est aussi l'étrangeté de ce corps livré à la segmentation
à cause de sa chair, à l'obsessionnel objet convoité désir
nourriture anthropophagie, mais amour d'un lieu impossible
à fixer: Dieu n'a pas de lieu, le Paradis ciel/terre compromet
la vision théologique au profit d'une lecture poétique, d'une
illumination comme je le dis souvent. par contre Dieu est
pris dans son infinité désirante qu'un être pensant aurait pu
en faire jouissance mais manquant son histoire, le Un n'y
suffisant plus, les corps ne s'y tenant plus voir en peinture
avec un Pablo Picasso et ses Demoiselles d'Avignon, les
charniers reprennent de l'intensité il faut multiplier les
démembrements les terreurs deviennent mondiales, les
mots restent sourds pendant trop longtemps; la création
musicale n'a jamais été aussi envahissante aussi la marque,
le symptôme d'une humanité qui perd son pensant à trop
entendre: c'est l'invention du temps qui se termine en trop.
Dieu n'en a pas fini avec cette espèce pensante, parce qu'elle
n'a rien à faire que se porter au plus haut point d'ancrage qui
la fait être, de pousser son corps à être deux pour le faire
penser. L'autre pluriel peut entendre l'unique dire, qui fait
que Dieu traverse par l'unique ce qui renvoie à la loi, une
parole qui traverse l'un dans l'instant présent. Le dialogue
peut entrer en conversation, l'oral qui est une pluralité et cet
impossible sujet désirant qui n'a pas encore d'identité; Dieu
y est la reconnaissance, et la peinture passe avec justesse,
avec les forceps pour répondre à cette voix qui plus tard
est devenue musique, produisant par électrochoc le présent
sans voix, les sexes en sont restés béants et tout en retenue,
impropres à reproduire. Le nombre ne pouvant faire nombre
qu'à faire parole et loi c'est-à-dire reproduire. Sinon l'Enfer
guette. Si le christianisme devient catholique, c'est en partie
pour fuir ce que le surréalisme a d'inquiétant: l'inconscient.
C'est la poésie qui en retour viendra clouer à jamais son
croyant laissant libre l'ouverture dans laquelle la peinture va
aussi s'engouffrer entre les deux premières guerres mondiales.
En avalant par la même occasion le pôle politique et idéo-
logique dominant : le Marxisme. Ce qui donnera naissance
à l'expressionnisme abstrait pendant la seconde guerre
mondiale. Mettant en avant jusqu'à aujourd'hui la question
du sujet pensant. Pourtant après l'annonce de la mort de Dieu
au XIXe siècle on peut dire que cette question restera au
coeur des problèmes artistiques du XXe siècle. La grande
question qui fait surface aujourd'hui est celle de l'altérité
de la subjectivité privée de Dieu et des idéologies censurées
et perverties à tout jamais. L'éternité la trinité la laïcité vont
relancer un autre débat sur la place de Dieu, sur la figure de
Dieu dans un espace matérialiste dialectique sous le couvert
d'une économie de marché libérale, de la place de tout être
parlant, de sa subjectivité, du corps pensant pris dans la chair.
Si la chair pense, Dieu est nourriture Dieu est chair pour
revenir faire parler les corps la dépense des corps, si l'esprit
ne suffit pas, il est traversé par la chair d'y voir (Di-eu) comme
le matérialisme de la matière du sujet parlant.

T - Le désir est au dialogue ce qui le pousse à être sourd
et qui croît proportionnellement à l'inversion retournement
qu'une privation de liberté laisse supposer; une jouissance
refoulée, un dialogue vrai qui serait le désir qu'une
réponse apporterait comme jouissance d'un corps
transsubstantié, un corps pensant amour d'un dialogue
emprunté au corps soumis au parjure de la mémoire.
Le temps croise Dieu et quelque part la jouissance est
totale, le corps n'a plus sa tête, la liberté fonctionne pour
rien, juste pour un dialogue de sourd. A l'entendre, le sujet
parait isolé, à l'écoute le sujet dialogue. Il ne peut y avoir
dialogue qu'en allant chercher ce corps "pourrissant" là où
il peut dans une décollation, déchirer le voile, le pli d'une
pensée opérant la rationalité, le laïque. Cela passe par le
son, l'entendement même, une musique qu'un corps
assourdi peut supposer soustraire à l'absolue
contamination érotique: la représentation en a pris
un coup, sa mort est annoncée! c'est pas si grave, Dieu
aussi en est mort! Le seul délire possible qu'un discours
veut résoudre, l'énigme d'un corps pensant pense-t-il
encore aujourd'hui? C'est une question qui fait aussi
surface au moment où l'homme croit qu'il pense à cause
du nombre, du calcul envahissant la planète. Pas de
résurrection pour ce corps acéphale.

- Vous faites part d'un pensant qui n'est libre de rien
sinon déjà de mettre son être en réserve, et cela en
passant par la peinture, une certaine peinture semble-t-il;
mais qui n'est pas sans poser un autre problème, celui
d'avancer sur ce site irréel pourrait-on dire, sans
jamais le tenir, sans jamais matérialiser l'indice qui ferait
qu'un pensant fasse corps avec sa chair!

T - C'est certainement difficile d'appréhender au niveau
d'une quelconque architectonique ce qu'un corps
viendrait à produire d'effets pris dans le commun, dans
le dialogue ou la polylogie. Mais il ne faut pas se faire
d'illusions, ce corps n'est pensant qu'à s'y soumettre
malgré sa configuration irrationnelle: ce corps se pose
en terme de figure tabulaire faisant loi donc étant et
pensant, ne faisant qu'un . Un pensant vient à se
socialiser parce qu'il y a du nombre et non du symbolique.
Parce qu'il y a du multiple, l'ordre n'est pas de ce monde,
Dieu y est soumis, de la soumission de la langue. La
parole ferme en Dieu tout ordonnancement. Pour
préciser votre question ou votre évitement du tout social
qui vous sort par les pores de la peau et moins par les
yeux, puisqu'il n'y a rien à l'horizon qui vaille la peine
d'en sortir de ce réel hypermédiatisé; je crois que le tout
fait retour dans ce sensible, le tactile, l'audible pour prendre
appui sur quelque chose d'instable: l'architecture. Celle-ci
n'est pas encore dévoilée à son vrai usage, usurpation d'
une matière morte qui agit sur des sujets dont la temporalité
est liée au refus de penser à cause du temps de la mémoire
qu'un corps obligé va vomir dans une petite mort, celle de
la disparition de certaines cellules au profit d'autres plus
nuisibles à l'état de santé de l'humain. Là est le problème
de l'architecture qui aura bâti avant la naissance pour
après se lier au malin pour dissoudre les corps jusqu'à les
montrer devant la mort pour qu'elle les emportent dans un
enfer perpétuel: toujours ce nombre qui fait loi pour des
corps qui pensent que l'architecture est extérieure? La
pensée est déjà faussée au début du parcours dans la mal-
traitance de l'espace de la subjectivité. la psychanalyse
projette une dépense qu'un sujet amoureux pourrait rejeter
avec l'analyse dans un travail sur l'inconscient qui ferme
tout sujet socialisé, mais qui ouvre au questionnement
du sens commun en rupture avec un pensant qui n'est pas
la pensée. Une rupture de la forme (son architecture)
pour lui substituer une surface de jouissance qu'un format
pictural aura travaillé pour éveiller à la subjectivité un
commun en porte-à-faux avec un sujet clivé. La liberté
d'un pensant est liée à son hymne à la voix qu'un chant
viendrait sublimer allant chercher dans les entrailles ce
qu'un corps produirait de mémoire: mémoire de la loi pour
vivre en pensant. Le dire doit faire de ce pensant sa
matière la matière d'un sujet en proie à être, en proie à
disparaître comme si Dieu n'avait jamais existé. Il faut
reconnaître qu'une société qui efface de sa mémoire
l'inquiétante étrangeté d'un corps divisible, soit prise
dans un tourbillon où l'irrationnel vient tempêter sur le
front de ses sujets, dans la sublimation. Il en va de même
pour un dialogue fermé à la troisième personne trinitaire:
l'Esprit saint qui sera "stigmatisé" en pensant au XXe
siècle.
Votre regard sur Dieu est posé en terme d'approche
par coups de visions, non des flashs comme pour la
photographie qui demande qu'on saisisse des instants
invisibles à l'oeil nu, trop rapides pour être vus, si
ce n'est dans une impression; mais dans le sens que
Dieu n'a pas encore sa place humainement sauf à le
parler?

T- Oui c'est certainement de cela qu'il s'agit, d'un dire
qui viendrait précéder une parole unique en soi, unique
et totale, qui dirait pour qu'un corps pense, pour qu'une
corporéité fasse ouverture dans une communauté une
société transfigurée dans un corps de parole où un sujet
enfin serait l'unique désir l'unique jouissance l'unique
dialogue amoureux pour faire court, et donner un coup
secouer l'idée l'image la croyance son monothéisme;
Dieu n'est plus un mais polylogique. Allons, il faut se
faire à l'idée qu'un corps n'est pas qu'une écriture, c'est
un pensant un peu à la façon de l'animalité qui règne
encore sur l'idolâtrie de l'intellection! Pour faire en un
raccourci intelligible, l'humain a des "mots animés", la
face du dire des "ani-maux": à ne pas prendre l'animal
au mot, l'homme se perd à érotiser sic.

- Le reproche que l'on peut vous faire c'est qu'il ressort
de vos réponses une remise en question permanente qui
fait éclater tout questionnement extérieur au corps
comme si toute question devait en passer par la chair, la
traverser dans le même temps que cette question est la
vraie dimension de l'humain.

T- Il faut en passer par là, par un temps qui n'a de
dimension que parce que la distance qui existe entre le
sujet et sa façon de vivre en société est une question de
marque; remarquez-le bien un questionnement bien sûr,
mais intraduisible en dehors du corps mourant de laisser
la trace qui se répétera, ensuite la trace d'avoir pensé et
jeté les bases de la rationalité moderne le flou existant
autour d'un développement informatif de la pensée;
libère la textualité, lui redonne du volume et une tempo-
ralité qui donne à penser aux sujets. D'où ce décalage
dans la dépense et peut-être aucune réponse dans une
saturation d'un site phrastique encombré et trop éloigné
du corps de la chair, répondant au seul indice qui manque:
le temps trop éloigné pour qu'on le nomme et trop près,
aveuglant pour le supporter Dieu! A y regarder de plus
près, le dialogue n'en devient possible que pris dans cette
saturation des voix plongées dans un système de signes
que le roman a plongé dans l'abîme de l'inconscient. Un
dialogue où la lutte pour penser n'a plus lieu puisqu'une
écoute n'a que peu de chance d'aller prendre son pensant
sur le fait. Qu'il en soit autrement n'a que peu d'intérêt
sinon de rendre les corps à l'imaginaire, ce qui vient après
la mort ce qui fonde la société.

- Nous tournons autour des deux développements qui
ont marqués le siècle précédent du rôle de la psychologie,
l'un ayant à faire avec l'inconscient collectif via les archétypes,
et l'autre les conceptions de la libido; l'un Jung l'autre Freud
"sublimé " par un Lacan pour l'inconscient qui est un langage,
cela n'a-t-il pas une incidence sur votre façon d'approcher de
choisir et de dérouler une lecture au "format" par rapport à une
écriture qui succombe déjà aux charmes de la musique?

T- Cet acte de cognition ne doit pas masquer ce que la théologie
et les religions monothéistes relayées au pouvoir plus politique
que religieux, ont fait de la pensée en général si nous nous
positionnons dans un état politique citoyen via cette laïcité des
services, de servir Dieu? La réponse à votre question passe par
cette musique des mots ces voix polylogiques liées à l'oralité,
mais qui renvoient à l'esprit pensant qui travaille la loi, et
développe la future société dans une voie qui laisse à la culture
artistique un espace d'où nous n'avons pas encore compris le sens
je le dis, le sens physiquement dans la chair. Pour en revenir à la
"lecture", c'est parce qu'un sujet fait l'impasse sur l'origine le
symptôme même d'une langue entrain de se défaire puisqu'elle
glisse immanquablement vers son "double" et "nombre", sa
déliquescence sa violence et l'oeil fixé en un centre toujours pris
dans le mouvement du jeu qu'une jouissance viendrait pérenniser,
et que cette lecture tombe à ne plus faire corps socialement, à
ne plus entendre que l'inconscient et la connaissance des
phénomènes de l'esprit. Comment ne pas pousser plus avant pour
secouer la vue des choses pour rendre compte qu'une connaissance
est à construire à inventer sur les bases de l'abstraction chromatique
en peinture! Comme la parole glisse sur des plaques culturelles et
politiques, elle inonde tout discours d'un lieu de Dieu que la loi
vient découvrir dans les plis du pensant. Nous savons maintenant
que Dieu n'est pas dans un au-delà mais bien dans la subjectivité
dans le sujet parlant, dans la matière du sujet pensant. Il a été
possible de représenter Dieu puisque la peinture est la matière du
sujet parlant, et que cette matière s'est faite chair si: "elle est chair
de la chair ou fait corps avec le peintre si elle est être plus que faire",
et "la peinture est celle qui se fait chair et ne prend pas corps parce
qu'elle ne peut plus le voir"!

T- C'est que la lecture se fait de plus en plus pressante
pour dire qu'il devient urgent d'aller chercher un pensant,
que notre modernité sous estime non par risque culturel,
ou par une idéologie dominante qui clos toute nouvelle
approche pertinente de penser autrement l'écriture, mais
parce qu'il y a une surimpression dans l'infinité des dires,
celle que l'animation des image a eu sur les cerveaux,
invention plus importante que la défection du monothéisme.
Le rôle d'un signifiant nouveau qui n'a pas encore fait son
collage dans la structuration de notre identité (l'histoire de
l'Etre n'y suffisant plus le déchirement humain continue sa
progression plus loin encore que toutes les guerres passées
réunies, c'est une terreur à venir qui commence à faire
symptôme comme je l'ai déjà dit). Mais ce signifiant doit
permettre aussi au désir de s'installer et même d'être représenté
dans des errances, des abominations rendues insoutenables,
au niveau du clivage social que toute individualité va bien
sûr souscrire puisqu'il y a jouissance. Un dialogue est
pourtant possible du point de vue des couches de langues
qui vont injecter (l' inconscient collectif?) le commun et
lui faire dire ce qu'un va- et-vient a de passer d'une écoute à
l'audition; non de l'écoute vers une utopie de la chair - de cette
chair qui fait remonter jusqu'aux charniers, ceux qui alimentent
les fours pour tout enterrement, la chair rendue cendre par le
Nombre comme Malin voilé dans sa modernité-loi - mais de
l' immaculé conception du dire audible parce qu'écouté.
C'en est fini des corps pensants mêmes allongés en état de
dormition comme la pensée pollue aux dires des bien-pensants.
La lecture elle, n'en peut plus d'avaler sans fin des images
données à penser, cousues trop court pour cette aire du social;
c'est pour cette raison que le dire perd toute sa crédibilité.
La théologie a essayé d'enrayer cette dérive cette cause que
parler n'est pas le vrai et que le vrai n'est palpable qu'en
tant qu'une impossible résilience devant cette jouissance qui colle
à la peau. Celle-ci marque le pas, et est la cause de la lutte des
corps, non pour que la pensée soit, mais pour que l'éternité
vienne faire tomber de la loi pour ce qu'il en reste de la
divination. La temporalité est une entité matérialisée pour
faire sauter les verrous, pour que s'ouvre l'infini de la chair
et c'est tout. L'histoire de la Mère nature n'est pas dans la
même temporalité que celle des humain, qu'on se le dise!
Le regard lui est par essence lié à la soumission parce qu'il est
absorbé par l'autre avant même la rencontre. La rencontre
permet le dialogue, et celui-ci tient d'aller chercher dans sa
chute le fond pulsionnel qui donne la parole au corps.
Une réaction en chaîne apparaît alors entraînant l'esprit
dans la matière qu'une pensée désigne arbitrairement. La
philosophie est morte d'avoir développé et mesuré la distance
nécessaire à toute compréhension, à tout commun, puis au
fameux social. Mais le dire (pas la parole) se refusant à
toute ingérence va continuer sa quête. Il tient où le noeud
fait sujet, qu'un pensant refuse; et c'est cela que la
représentation comble pour faire taire les corporéités en
pleine jouissance. La symbolique perd de sa latitude quand
à l'accélération des systèmes pensants, à cause de l'image
comme visitation et sas de dépression, que la théâtralité
alliée aux techno-sciences vont soulever pour dédoubler
tout relationnel, tout dialogue. Et pour clore le Vrai, et
par là Dieu. Attention à y revisiter la croyance, le risque
est qu'un pensant subjective par la chair qui travaille
la langue en cours; fasse se retourner le sens que l'être
pose.
Thierry Texedre, le 15 décembre 2007.

vendredi 23 novembre 2007

Isaïe














Le plus ancien manuscrit Hébreu complet d'un livre
biblique, le livre d'Isaïe - Manuscrit B, Qumrân,
rouleau de peau, fin du Ie siècle avant J.C.
Isaïe fut actif de 829 av. J.C. jusqu'en 717 av. J. C.

traduction:

Isaïe
9,1

Le peuple qui marchait dans les
ténèbres a vu une grande lumière.
sur ceux qui habitaient le pays de
l'ombre, une lumière a resplendi.


lundi 19 novembre 2007

Aux yeux de "l'aveuglaimant"













Les Misotechnites aux enfers n°3 1763 par M.Cochin (1715-1790)
"Phylakei écrit à tatons ce qu'il entend dire"



Aux yeux de "l'aveuglaimant"


D'avoir écrit ce qu'il a entendu
courte supputation sur l'éloge de la
réalité qui tourne autour du dire
d'avoir prêté l'oreille sur une pauvre
assise dévissée du vide avancé et donné
à voir anciennement dans le peint opéré
à travers les effluves montrées nimbes
éternels que l'inconsistance humaine
va clouer en son milieu comme holocauste
tant que l'image viendra s'épandre à
ses pieds instables et mortels en marche
blessés dénaturés pour aller et dire
ce qu'il en est de l'imposition des mains
sur le front d'une visitation du verbe
fait chair aux risques de croire tombe
l'annonce de l'aveuglement du signe
sacrifié sur l'autel de l'inform-elle encore
de retour pour y toucher les stigmates
du corps découpé et sans lieu
tant qu'il y aura de ce défilement
mortel le rôle que tient un corps
sanctifié et pris dans son nombre
n'aura de cesse d'être dans son croire
à croire qu'il se complaît dans la
jouissance-moi mirage du jeu
indifférencié de la perte anonyme
impression faite de cet être qui se verra
relevé reconstruit revisité ressuscité
et aller vers la loi faite consistance
impression sur ce corps habillé de plis
chair rituel en vain donnant l'idée
qu'ont voulu s'en faire les informes
d'une autre aire surface décriée du peint
et volume du présent futur qu'on n'a
pas enlevé encore à son fou-social
à sa parole nôtre et en expansion eh oui
qu'on se le mette en tête tout ceci n'est
qu'une histoire de débauche de meurtres
de vaumissements de déjections
de chasse d'errance de trou-mémoire
de la copulation des êtres pas des corps
la parole n'a pas fini de faire le tour
d'un espace-espèce défait et chaotique
la fin est là comme elle l'a déjà été
tout revient éjaculé à la figure
par on ne sait quelle délivrance
c'est bien un double délire dédié
à chaque fois aux croyants d'y tomber
dans cette chute des corps dans l'infini
impossible dans le vide diminué de
choisir le nombre au verbe de
choisir le chant au sujet non parlant
mais pensant l'unique jouissance
colorée aveugement du nombre
divinisé d'avoir su soustraire à la chair
la structure cérébrale et acéphale
idéal instrumentalisant l'individu
perdu dans une coupure une césure
omniprésente celle d'un commun
qui court après social son nom-clé
ouverture vers un monde lumière
où penser est possible après mise en
forme mais pas en peinture en pâture
la peinture elle avec un peu de chance
va opérer un retournement de situation
au sujet de sa musique de sa passion
selon un récitatif en fuite en bout
de course voila le découpage amour
irrémédiablement dansé assomption
élévation de celle à qui on a touché
un jour pour ne plus s'en enlever.


Inspiré et écrit dans l'écoute de
la passion selon St Mathieu
de Jean Sébastien Bach
sous la direction de Kurt Masur
et l'orchestre national de France,
ainsi que la transposition des
peintures de Thierry Cauwet.

Thierry Texedre, le 20 novembre 2007.

samedi 17 novembre 2007

Plaisir et dépression 4, question de couleurs
















Sollers, Pleynet, Kristeva, Devade



De Marc Devade et de sa dernière période à la fin des années
7O Marcelin Pleynet dit: "Ma conviction profonde était, et reste,
que chez un artiste pour qui la couleur et l'ordonnance
chromatique est importante, voire déterminante, seule l'huile
offre cette disposition, dans ses transparences et dans la sorte
de rapport au temps qu'elle implique."


Marc Devade (1943- 1983), membre du groupe supports-surfaces,
membre du comité de rédaction de Tel Quel, l'un des fondateurs
de Peinture, cahiers théoriques, a laissé une oeuvre décisive
pour le XXIe siècle quand à la structuration du sujet parlant.


Philippe Sollers:"... Il faut aller à l'art er se soucier de l'aveuglement
dont tant font preuve à l'égard du surgissement catholique appelé
baroque...
...La vérité dans la chair et l'esprit, "dans une âme et un corps", c'est
cela qu'il nous faut comprendre avec la musique, comme guerre
secrète, contre ce qui ne veut pas que cela puisse s'incarner..."



Plaisir et dépression 4, question de couleurs.

- Qu'advient-il de la couleur aujourd'hui, doit-on reformuler d'autres
règles à travers les courants qui ont dominé l'avant scène culturelle?

T- La toile ne va pas sans couleurs, et pourtant dans certains cas nous
nous trouvons face à l'absence totale de luminosité: tel un Ad Reinhardt
(1913-1967) peintre théoricien précurseur de l'"art conceptuel". Connu
pour ses peintures "noires" commencées dans les années 60, et qu'il
continuera à peindre avec déterminisme, intensité, et rage d'avoir cru
bon défendre l'extrême limite de la peinture icône de l'insaisissable
lumière pour l'oeil en mal de croyances (l'analyse psychanalytique
n'en est-elle pas le reflet d'un temps court que son fou règle et
nomme?), L'Infini, l'Absolu, profondeur ou perspective minimum au
regard, il apparaît à ces peintres qui ont structuré le pensant, comme
plus proche d'un Barnett Newman (1905-1970) pourtant combattu par
Reinhardt en tant qu'expressionniste abstrait. Mais il faut dire qu'à
cette époque les peintres prenaient de grands risques, mais que la
culture américaine voulait vois s'élever au dessus d'un monde où tout
n'était devenu que consommation d'un roman social clos et achevé
par les écrivains au XIXe siècle. De ces peintres réfugiés aux
amériques face à une europe qui doit se relever culturellement (cela
demandera presque trente ans après la seconde guerre mondiale pour
qu'on retrouve des peintres, des écrivains, des musiciens, théoriciens,
dans la surenchère du délire paragrammatique), voulant que le social
dépense son sujet. Imprimant le "nom", l'"identité", d'une nouvelle
pensée d'une nouvelle "idéologie" plus pertinante que celle des
constructivistes-futuristes-surréalistes encore trop empunts de social:
la fonction sociale n'a pas à appartenir aux artistes en tant qu'espace
de vie ou accompagnement matériel minimal. Construction comme le
veut l'architecture du XXe siècle avec Le Corbusier (1887-1965) qui
a inventé "l'unité d'habitation", réflexion sur le logement collectif;
concept qui ayant oublié l'origine lieu/pensant créé des états préconçus
qui plus tard auront comme incidence "la cité de banlieue", urbanisme
sans âme qui n'est pas réglé pour autant dans l'habitation
"pavillonnaire". Ou d'un Walther Gropius (1883-1969) fondateur du
Bauhaus en allemagne, mouvement et école de l'art européen de
l'ente-deux-guerres. Théoricien, enseignant et inventeur de grands
ouvrages industriels, d'habitations à usage fonctionnel mais toutefois
plus harmonieux pour l'usage commun. Mais l'espace restera encore
une fois muet quand à "ce qui habite" tout sujet pensant: [ croire/lieu/
penser ]. Et ce intrinsèquement. Ce qui a cessé avec les cathédrales,
sauf à s'y reprendre à deux fois par Newman, et Marc Rothko (1903-
1970), voir la chapelle de Rothko à Houston. Puis Pierre Soulages
reprend l'espace en un point laissé énigmatique: la lumière/
architectonique que l'architecture ne peut pas encore transgresser.
Avec ses "noir-lumières", "outre-noir", peintures monopigmentaires
fondées sur la réflexion de la lumière/couleur/volume sur les états de
surface noir. Voir le musée Fabre de Montpellier avec 20 tableaux
de 19521 à 2006. Pourtant l'architecture ouvrira la voie à un travail
sur l'espace "coloré" d'un "savoir" vivre l'intérieur à défaut
d'intériorité. Mais pas sur le rapport sujet/architecture qui sera vidé
de sa substance durant tout le XXe siècle. Si la toile ne va pas sans
un minimum de couleurs (Reinhardt, Soulages), la lumière en en
prenant le relais semble rendre au visible sa somme, le blanc comme
chez Marc Devade (1943-1983) passant au dessus du spirituel d'un
Vassily Kandinsky (1866-1944): "s'il n'est plus possible d'exprimer
le monde au moyen des anciennes conventions picturales" comme
chez Ad Reinhadt à propos de ses peintures noires; ou le chemin de
croix chez B. Newman qui annonce la question du sujet (soulevée en
France par Catherine Millet en 1974 dans un texte charnière pour
l'Europe acculée dans une impasse idéologique à redéterminer. Ou
encore les toiles de la dernière période peinte de Marc Devade qui
endosse une palette sombre mais riche en qualité harmonique et une
réapparition du sujet dans un travail de la matière aux moyen des
"anciennes conventions picturales": la peinture à l'huile/chair et la toile
tendue sur un châssis. Peinture d'un sujet pensant, retour du lettré.
Le caractère d'effondrement de la couleur pure sort (avec un Henri
Matisse malade, il est atteint d'un cancer et est hospitalisé à Lyon)
chez Matisse qui est obligé de découper en plein dans la peinture/
couleur avec une lutte de tous les instants contre la représentation:
c'est une nativité (que Cane viendra interroger, question de
génération, non?), remémoration qui remonte d'un sujet sans nom,
dans son espace: le temps court/présent/autre/retour/invention). Il
"tombe" dans la couleur avec ses gouaches découpées affaibli par
la maladie dés 1941et meurt à Nice en 1954 où il sera enterré.
Robert Motherwell en rencontrant Matisse et le surréalisme,
ouvrira une autre grande voie à la peinture pour s'ouvrir:
la proposition colorée donne à lire que "ce n'est pas le dessin
qui ouvre dans la couleur, c'est la couleur qui se dessine, qui
se qualifie, qui s'ouvre de son dessin; et encore plus près de son
sujet, avec Dominique Thiolat dans le qu'est-ce qui fait figure
en peinture, début d'un délit du stade social via la peinture.
Un autre peintre entretiendra avec la couleur une relation plus
irrationnelle, où un travail sur l'inconscient collectif le dirigera
vers l'invention d'une peinture où le corps du sujet-peintre sera lui
"immergé" dans la couleur par un tournoiement technique (dripping)
action, mouvement, dessin danse sur la toile (action painting). En
peingnant à plat, "subversion des traditions en vigueur", il peint
revisitant les arts primitifs de son pays: Jackson Pollock (1912-1956)
transformera radicalement la vision de la peinture en occident. La
suite ira en s'accélérant en France dans les années (voir les travaux
de Louis Cane datés de 1970 où "le support de toile découpée
retombait et était étendu sur le plancher." Comme d'un élément de
connaissance où on pénètre la peinture comme connaissance,
"comme on l'a aussi bien sous les pieds que sur la tête". L'irrationnel
de la couleur se traduit par un virage à la lecture de l'espace des
corps découpés, le corps de l'acteur lui-même (le peintre-visiteur),
allant jusqu'à habiller celui-ci du découpage dans la peinture, pour
faire sortir l'image rendue plate de son isolement: retour au sujet de
la langue. C'est certainement avec Thierry Cauwet que tout devient
possible dans ses espaces/couleurs/découpages de ses "descorps"
de 2001/2002, les volumes vont prendrent enfin forme comme
centre incontournable que l'architecture ne peut prétendre régler.
Des empruntes qui vont trouer ce social à travers des peintures qui
en passent par un Yves Klein (1928-1962) dont la carrière artistique
n'a durée que huit ans! Mais combien retournant le terreau bleu de
la "mère"("à la mère il faut y toucher!" dira Motherwell). Si Cauwet
montre "le corps des vivants à travers le vide qu'ils ouvrent dans le
monde"dira Catherine Millet, c'est plus par un effacement du
traitement du sujet qu'on va découvrir le vrai sujet, majeur et
baigné d'une vrai présence pensante. Là est le recul, que ce peintre
opère, pour inventer la suite "réflexive" qu'une lecture qu'une telle
invitation au réel va permettre. Le corps s'en sort mieux que prévu!
L'infini de la couleur confrontée à ses limites formelles même à y
tenter son volume par l'envol de l'homme-solaire face au fond bleu
de la femme-image. L'archaïsme religieux dont l'un est l'autre
entrée va tenter un retour catholique avec la troisième dimension
ou espace mental et la peinture numérique. Les lois changeront
déplaçant le sujet à nouveau vers l'écriture-chant, remettant à plat
toute la peinture du XXe siècle.


Thierry Texedre, le 18 novembre 2007.

























Cher Thierry Texedre,

J'ai lu avec beaucoup d'intérêt votre texte.
Il n'est pas facile de voir le nouveau en art comme ailleurs, surtout quand ce nouveau n'est pas recherché pour lui-même comme une fin en soi, mais qu'il est le moyen donnant possibilité au corps de s'immiscer une fois encore dans la problématique de la peinture. Ce que je peux vous dire concernant mon travail actuel, et que vous avez brillamment pressenti, est que tout ce qui en fait la spécificité et en fera j'espère la valeur, a trait à la DÉCOUPE.
La découpe comme allégorie et retrouvaille étymologique de l'individu (en effet le mot individu vient du latin individuum, « ce qui est indivisible »).
Chaque forme découpée est un corps. Mais aussi un organe qui, ajouté aux autres, forme un ensemble dont l'agencement, le montage, l'assemblage dans sa complexité (sa complexion je crois serait-il plus juste de dire) tend vers le corps ( ou peut-être plutôt vers le monde ?). Le corps du "tableau" dirions nous si le mot n'était à ce point fatigué. Le corps de l'image peinte plutôt ou le corps de la "peinture" (mais ici sans majuscule comme on dit "une peinture").
Je pense beaucoup en ce moment au geste de Matisse des gouaches découpées et à la fois ce qui diffère entre nos deux découpes est très important :
Je découpe rarement dans la couleur "pure". Découper dans un aplat de couleur revient à créer de la forme uniquement par la découpe. Ce n'est pas mon cas, je découpe ce que je suis obligé de nommer par un terme assez inélégant des "paquets" de formes, des zones de concentration visuelles qui ont besoin d'être décollées, découpées de leur fond. Ce que sera la silhouette de la découpe dépend de plusieurs facteurs. Le paramètre de la forme en elle-même n'est pas forcément le paramètre essentiel. C'est souvent l'outils et le geste de découpe qu'il conditionne pour cerner le "paquet" qui est le facteur décisif ayant souvent l'avantage sur un projet de découpe "idéaliste" (opposé au matérialisme du processus de fabrication).
C'est au fond le terme d'"opération" qui convient le mieux, qu'elle soit chirurgicale, mathématique ou informatique... (voir ci-dessous lien sémantique opérationnelle)

Voilà, je me suis permis de placer votre texte sur mon blog et je vais placer cette réponse en commentaire sur le votre. Ainsi nos échanges d'idées auront une tribune plus large.

Bien à vous

Thierry Cauwet




http://fr.wikipedia.org/wiki/Sémantique_des_langages_de_programmation

En informatique, la sémantique opérationnelle est l'une des approches qui servent à donner une signification aux programmes informatiques d'une manière rigoureuse, mathématiquement parlant (voir Sémantique des langages de programmation).

Une sémantique opérationnelle d'un langage de programmation particulier décrit comment chaque programme valide du langage doit être interprété en termes de suite d'états successifs de la machine. Cette suite est la signification du programme. Dans le cas d'un programme fonctionnel, l'état final d'une suite qui termine donne la valeur de retour du programme. (Dans le cas général, il peut y avoir plusieurs suites de calculs et plusieurs valeurs de retour pour un seul programme, parce que celui-ci pourrait être non-déterministe.)

Un des moyens les plus courants pour définir rigoureusement une sémantique opérationnelle est de fournir un système de transition d'états rendant compte du comportement attendu du langage considéré. Une telle définition autorise une analyse formelle du langage, permettant l'étude de relations entre les programmes. Parmi les relations importantes, on trouve : les pré-ordres de simulation et les bisimulations, qui sont très utiles dans le cadre du parallélisme.

Définir une sémantique opérationnelle au travers d'un système de transition se fait habituellement en donnant une définition inductive de l'ensemble des transitions possibles. Habituellement, cela prend la forme d'un ensemble de règles d'inférence définissant les transitions valides du système.

La sémantique opérationnelle est reliée à la sémantique dénotationnelle au travers du concept d'abstraction.



Envoyé par Thierry Cauwet à scription le 18 novembre 2007 17:07


vendredi 16 novembre 2007

Plaisir et dépression 3, le format aujourd'hui, quel espace?














Espace,Temps, Matière 1993 Jean-Pierre Luminet 65 x 50 cm



"...Dans cette lithographie intitulée "Espace, Temps, Matière",
j'ai voulu symboliser la nouvelle vision physique du monde
issue de la relativité et de la mécanique quantique. La
cathédrale délabrée traduit l'effritement du monde classique,
statique et déterministe, au profit d'un monde relativiste,
dynamique et probabilistique..." Jean-Pierre Lumineau


Plaisir et dépression 3

- Vous semblez donc esquisser un travail à venir qui
serait celui d'une peinture solidaire de l'écriture, comment
cela se peut-il matériellement, comment un peintre peut
espérer travailler dans cette trajectoire et répondre à ces
schémas d'organisation dans sa pratique instituée?

T- La langue est ouvertement reproduction des corps pris
en écharpe, reconstruits dans la cursivité de l'alignement
horizontal proposé avec l'écriture occidentale. Mais cette
descente aux enfers de la langue dans une analyse
interminable de ses effets, tend à se rompre, sur un bord,
celui du format inséparable de celui d'une peinture dont la
représentation est celle de l'individu pris dans l'humanité
et retiré dans l'Animalité par ses états pulsionnels
privilégiés. Ce dire ne viendrait pas en addition ni en
complément sur le dit format, mais dans le cadre
résurrectionnel qui lui est obligé. Une division est donc
inévitable pour régler le sens d'une telle confrontation. Le
cadre sera divisé dans sa verticalité et produira une
situation où les deux champs feront volume en glissant
l'un devant l'autre, annulation de l'un au profit de l'autre,
dans une vue décentrée, puis en "deux temps", par
"l'enfouissement et le surgissement du temps", question
que le texte de l'un des champs clôturera dans la
matérialité infinie de la toile divisée. C'est une relance
que la couleur au niveau pulsionnel rend possible dans
ce zip central et hallucinatoire; le païen n'est pas plus
vraisemblable que la croyance monothéiste dans cette
lecture de la peinture que la musicalité enrobe lentement,
à se dresser devant ce format de biais, ce volume couché.
Le cadre se verra divisé dans l'horizontalité textuelle,
division dans la largeur dont une surface semble traverser
son propre champ pour absorber et contenir l'autre espace
retenu seulement par la ligne qui les sépare, pour enfin
s'accentuer l'un l'autre. Le texte ici verra son addition
augmenter, ouvrir le volume de la figure par un
morcellement des corps. C'est tout le débat de la jouissance
et de la mort.

- Vous disposez ainsi des énoncés aussi bien dans ce qu'ils
ont d'oral que leur évolution dans le registre scriptural.
Comment en êtes-vous venu à dire que la peinture doit en
arriver à une harmonie de l'écrit et du pictural dans un format
auquel ils seraient liés, et ce, pour ne plus s'y soustraire et
former un "support" à une pratique que vous avouez être celle
de la dépression.

T- En ce sens, en effet les énoncés se doivent d'apparaître en
clair, et ce au profit de l'oralité. Celle-ci dénonce plus que toute
signification le non dit du corps, à travers les rythmes, les
intonations, en tant que phonétique ou sons entrecoupés de
silences ou des gestes de la corporéité alors révélée à elle-même.
Du non dit ou de la vacation des corps pris à leur langue, dans
la culture qu'ils traversent, mais toujours en s'y soustrayant au
regard de l'infinité du désir. De plus l'aspect oral et la prise en
compte du corps se retrouvent dans l'inscription pour évacuer la
logique qui n'est qu'un moment de l'emprise scripturale. Pour
en venir à la peinture, ne plus s'en tenir à la critique Esthétique
revient à faire le vide pour un temps, au lieu qui était jusqu'au
XIXe siècle investi des figures religieuses et mythiques, aussi
dominé au XXe siècle par l'analyse des contradictions qui sont
en jeu, dans l'acte même de la picturalité, à travers d'autres
pratiques sociales qui la traversent. Puis dans les années 70,
nous avons dédéclarativement une nouvelle force qui monte,
et qui redonne du pouvoir (n'est-ce pas le manquement au
massacre du corps, après les deux grandes guerres, du point de
vue de l'inconscient collectif, de son lieu collé au social, qui
pousse à jouir et ferme l'intellection?) à la peinture en tant
qu'elle devient objet de connaissance par forçage des corps à
penser, à dépenser; à rebours avec la psychanalyse d'où se déploie
la sémiotique qui est une théorie générale des modes de signifier.
Pour ne citer que deux peintres ayant eu recours à de tels procédés
d'analyse: Devade et Cane.
Encore une fois ce qui saute aux yeux avec ces peintres c'est
l'analyse qu'ils font des moyens mis à leur disposition pour
peindre. Moyens où connaissance? Certainement aussi le plaisir
que le sujet porte en lui à reproduire de la langue, et par là,
l'exploite virtuellement.

lundi 12 novembre 2007

Plaisir et dépression 2, le dire cannibal.
















Le radeau de la méduse, 1819 Théodore Géricault ( 1791-1824)

Le dire cannibal

2-
- Pardon, n'évoquez-vous pas à travers ces sauts
culturels un certain interdit du dire homogène,
d'une pensée qui n'aurait de contradiction que celle
de la génération passée, au regard de la suivante,
qui prévaut déjà dans les travaux d'écriture
actuellement, ainsi que ceux plus universitaires?

T- Non si ce n'est dans un intérêt purement
démonstratif de la tendance actuelle à entretenir l'état
de jouissance permanent comme autre versant du
corps-Artaud. La différence avec ceux qui sont en bas
et en qui "la force d'éruption" est la même que ceux
pensant l'économie sociale forcément placés en haut,
c'est que les premiers pensent l'état et le représentent,
le reproduisent livrant un inconscient perturbateur par
manque de vision ou plus précisément par manque de
picturalité (le temps de a peinture est celui du pensant),
via la psychanalyse et ce qui en elle fait structure:
l'état pulsionnel.
Il faut aller plus avant et relancer le sens, et le discours
dans a peinture. Pas sûr, mais bien entendu dans ce
qu'elle a de retirer de l'image sa charge émotionnelle, et
aller au plus fragmenté: la figure immaculée celle qu'on
laisse à la place d'une autre ce qui structure en double
tout sujet (peintre/observateur, voir les Ménines de
Diégo Vélasquez). Car c'est bien dans la peinture que se
passe une éventuelle prise de sens, à travers bien sûr le
discours que l'humain pense, de ne pas s'y arrêter, et de
ne pas s'arrêter de croire penser. Cette prise de sens
c'est cette autre trace qui est "déplacée": l'écriture,
qu'aucune autre injonction ne pourra soustraire. De
soustraire ce qu'il en est de l'annonciation des formes .
Par soustraction la peinture fait apparaître ce qu'il en va
de l'écriture dans sa scription, et en retour l'écriture peut
d'écouter une musique que la peinture dément n'avoir
jamais vu. C'est cela qui fait avancer la peinture chez
certains découvreurs. C'est ainsi que les grands formats
picturaux sont plus une affaire de maltraitement
(immersion du corps), et les petits formats eux, jouent
sur l'aveuglement qu'une pureté prendrait à parti.

Thierry Cauwet























Les fonctions du repentir (1996/1997) Thierry Cauwet



Sur la peinture de Thierry Cauwet par Raphaël Monticelli


http://web.mac.com/thierrycauwet
http://profile.myspace.com/index.cfm?fuseaction=user.viewprofile&friendid=200326387



I - Le support

"peindre sur le lisse, le brillant..."

Le support de Thierry Cauwet n'est pas la toile. Il peint sur des surfaces aussi lisses que possibles ; il a choisi d'abord de peindre sur des plaques de mélaminé blanc qu'il remplace, depuis quelques années, par un épais papier couché brillant blanc, plus aisé à travailler et manipuler que le mélaminé.
Le choix du support est fonctionnel. La surface est choisie en fonction de son adéquation à l'ensemble des procédures envisagées.

II - Apprêter

De la polychromie comme apprêt

La première phase de toute peinture, le moindre bricoleur le sait, c'est préparer les fonds. Dans la peinture classique, cette phase d'apprêt a pour but de transformer le tissu, souple, irrégulier, plus ou moins rugueux, plus ou moins épais, peu apte, en fait, à recevoir de la peinture (toute projection liquide y diffuse, y fait tâche), poreux, et riche des colorations des fibres tissées (beige, bistre, blanc cassé, couleurs du coton et du lin). L'objectif, c'est d'en faire une surface lisse, tendue, blanche, neutre sur laquelle les couleurs, les formes vont venir s'ajouter et se combiner comme sur un mur. L'originalité de Thierry Cauwet, c'est de remplacer toute cette phase d'apprêt et de mise à blanc par une phase de recouvrement et de coloration polychrome.

Remplacer l'apprêt, la neutralisation et la misa à blanc de la surface à peindre par un recouvrement polychrome, c'est, pour l'artiste, dire qu'il y a équivalence entre le blanc et la polychromie, ou encore que le blanc est plus bavard, moins neutre qu'il n'y paraît, que la surface blanche sur laquelle nous inscrivons nos signes et nos traces est moins insignifiante qu'on ne le croit, et même qu'elle est la condition préalable de tout déploiement de signes et de traces dont elle oriente le sens pratiquement, plastiquement et symboliquement.

On voit que cette phase d'apprêt est essentielle dans la mise place du dispositif plastique de Thierry Cauwet. Il nous apprend simplement à ne pas faire abstraction du fond matériel du tableau.

III - Effacer

Du blanc comme révélateur de formes

La polychromie initiale de Thierry Cauwet ne se confond toutefois pas avec un simple traitement du fond : classiquement, le support, rigide ou souple, toile ou bois, une fois apprêté, reçoit une première couche colorée dont l'objectif est de masquer l'apprêt. La polychromie de Cauwet se confondrait avec cette opération classique, si elle devait recevoir des formes. Or Thierry Cauwet n'ajoute pas des formes à la surface peinte, il enlève de la couleur pour faire apparaître des formes.

Cet effacement est encore un de ces geste simple et décisifs qui font les oeuvres fortes : l'artiste ne peint pas, il dé-peint, si l'on veut bien prêter au préfixe "dé" une valeur privative. Curieusement, en dépeignant, il fait jouer au blanc le rôle de cerne que nous faisons jouer au trait noir pour délimiter les formes.
Il inverse, une nouvelle fois, les pratiques habituelles de la peinture et, ce faisant, nous ouvre des espaces imaginaires inédits.

Que l'on songe... Le renversement pratique (sortir les formes par l'effacement du fond classique) n'est possible d'abord que si l'on considère la surface préparée comme contenant déjà, potentiellement, les formes possibles. Il n'est possible ensuite que si l'artiste accepte de donner au blanc un rôle de révélateur et d'organisateur de formes. C'est ainsi que s'accomplit le premier renversement, celui du traitement de l'apprêt, le support n'est plus ce sur quoi l'artiste inscrit ses formes mais le lieu dans lequel il découvre, dévoile, des formes potentielles. Ce qui veut dire très pratiquement que l'artiste ne considère pas que les formes à peindre sont d'abord dans sa tête, son esprit et son imagination, mais très concrètement, dans la surface colorée, dans la réalité matérielle de la peinture. Ainsi Thierry Cauwet nous apprend que peindre ça n'est pas proposer au regards des spectateurs les rêves dont l'artiste est porteur, mais soumettre son regard au formes qui prennent naissance dans une rêverie des surfaces. Incidemment, cette démarche permet de traiter les questions de formes et de figure à l'intérieur d'une démarche qui ressort plutôt de ce que l'on appelle communément "l'abstraction".

On reconnaîtra ici l'écho des rêves d'autres artistes. Le souvenir le plus marquant est celui du Matisse des gouaches découpées. On connaît cette technique initiée par le maître à la fin de sa vie : il peignait uniformément des surfaces, dans lesquelles il découpait ensuite des sujets qu'il collait et composait sur les supports. L'idée de départ est la même : la surface colorée contient toutes les formes possibles, de toutes ces formes l'artiste retient celles qui poussent de son regard sur les surfaces. De ce point de vue,Thierry Cauwet relit la leçon de Matisse. Il s'inscrit dans une problématique analogue, où la forme naît d'abord du fait et du faire plastique, et il l'interprète pour les besoins de nos regards post-matissiens : à la place de la découpe et des ciseaux sculpteurs de formes, l'effacement à l'éponge : à la place du support sur lequel on ajoute les formes à voir, une surface à laquelle on enlève pour donner à voir des formes...

On n'est pas loin non plus des questions posées par Yves Klein, et c'est très lucidement et à juste titre que Thierry Cauwet situe l'artiste du monochrome et des anthropométries parmi ses références.

IV - Effacer 2

Quelques leçons de l'effacement

Voici encore une vertu du travail de Thierry Cauwet... Peindre, nous apprend-il, ce n'est pas ajouter, c'est enlever. Mais considérons la peinture, considérons, du reste, toutes les oeuvres de l'esprit... Nous nous apercevons que créer, faire du sens, produire du sens ou des oeuvres, ça n'est, d'une façon générale, que faire un tri, c'est choisir dans les possibles celui-là seul qu'on va montrer, choisir parmi l'infinité des pistes, celles-là seules qu'on va explorer. (Et n'y a-t-il pas aussi là comme l'écho d'une vertu morale : l'oeuvre n'apparaît aux regards qu'à l'issue d'un travail d'effacement et de dépouillement.)

Il faudrait ajouter que dans le cas de Thierry Cauwet, le possible se donne comme tel. Il n'y a, dans son oeuvre, aucune affirmation de vérité définitive : les formes qu'il propose, celles qu'il détache de la surface, ne sont, à l'évidence, que quelques formes possibles dans l'infinité des possibles. Elles gardent du reste, de leur naissance au sein des pellicules colorées, quelque chose d'incertain et de trouble, elles incitent le regardeur à un constant questionnement sur leur identité et sur le fonctionnement de la reconnaissance. Formes, elles sont toujours proches de l'informe d'où elles ont surgi et où elles tendent constamment à s'effacer à nouveau.

V - Du surgissement des formes

Peindre : comme un travail de mineur

Voici des questions inévitables quand on a prétention de peindre, de "créer"... L'une des toutes premières : qu'est-ce qui nous y autorise ? Qu'est-e qui nous en donne le droit ? Savons-nous seulement ce que nous ôtons du réel quand nous lui prenons des éléments de ressemblance? Savons-nous seulement ce que nous ajoutons à l'ordre du monde quand nous versons à la totalité du visible quelques fragments de visible de plus?

Une autre question qui reprend la même sur un autre mode : quelle relation devons-nous tisser avec le monde et les choses du monde pour avoir besoin de les figurer ? Et comment la peinture pourrait-elle nous donner l'accès à autre chose qu'à la superficialité du monde, à ses simples apparences ? Et quel est l'intérêt d'une activité qui ne nous donne du monde que ce que nous en voyons ?

En voici une autre encore, qui tend à inverser les deux premières : qu'est-ce qui se travaille d'autre dans la peinture qu'un rapport symbolique au monde qui prend forme visible ?... Qui prend forme. Et quel serait l'intérêt d'une peinture qui ferait oublier qu'elle est peinture et qui se ferait prendre pour le monde ? L'intérêt de la peinture n'est-il pas d'aller au plus profond de ce que la peinture permet, pratiquement et symboliquement ?

Et si on relisait toute la démarche de Thierry Cauwet à la lumière de ce questionnement ? De quel rapport au monde l'apprêt polychrome est-il le symbole ? Comment se joue le va-et-vient d'un fond disons "in-forme" aux formes qui s'en dégagent, qui en naissent, ou que l'on y fait naître ? Impossible, en effet, de produire du visible qui puisse demeurer du chaos... Ou encore... Impossible de tenir pour du simple chaos ce qui parvient à nos regards... Dès lors qu'il y a du visible, nous le regardons comme organisé ou, à défaut, l'organisons.

Relisons le questionnement plastique de Thierry Cauwet : quelles sont les formes contenues dans l'informelle surface initiale... ? Quel ordre puis-je instaurer dans le désordre apparent du monde ? Peindre, comme on extrait un minéral de sa gangue... (Peindre comme on mine un terrain ?)

Peindre : et d'abord préparer sa gangue

Il est clair que la rêverie du regard, la richesse des formes possibles, dépend de l'apprêt polychrome. Thierry Cauwet se refuse aux séductions des matières et des épaisseurs. Le support est lisse, la peinture est passée non en masse mais en pellicules, les procédures et les gestes sont réduits au minimum. On retrouve ainsi, dans la simplification - et l'identification- des procédures, la même volonté plastique : de la même façon que les formes vont se définir par effacement de surfaces polychrome, ces surfaces elles-mêmes naissent après effacement de la plupart des techniques qui les rendent possibles. La surface initiale n'est ainsi travaillée qu'avec deux procédures : l'aplat et le dégradé - dont le rôle est de produire un effet de volume- est lui-même produit avec un seul coup de pinceau chargé de toutes les nuances nécessaires.

VI - Peindre et dé-peindre...

Question de temps

Entre le moment de peindre et celui de dé-peindre se joue un petit paradoxe technique qui conforte à mes yeux la cohérence esthétique de Thierry Cauwet. Voici un artiste de la rapidité d'exécution, du brio, de l'urgence :dé-peindre, enlever de la couleur que l'on vient de passer sur un support papier ça n'est pas gratter ; c'est aussi rapidement que possible, passer l'éponge tant que c'est frais. A cette seule condition on retrouvera un blanc pur, à cette seule condition la netteté des contours, la précision du geste. Et la surface polychrome aura dû être aussi rapidement préparée. Nous sommes donc bien dans des procédures de la rapidité, en train de travailler, donc, sur l'un des problèmes majeurs de la peinture moderne, dans une de ses dramaturgies de l'instant qui se sont d'autant plus développées depuis un demi-siècle que sont apparus les colorants de synthèse dont la rapidité de séchage permet la rapidité d'exécution.

Voici l'un des paradoxes de Thierry Cauwet : la multiplication des étapes l'oblige à une plus grande rapidité, mais le fait que tout doit se jouer tant que la peinture est fraîche l'oblige à l'emploi de l'huile. C'est ainsi qu'en parcourant son atelier je me suis retrouvé plongé à la fois dans les odeurs et les reflets des ateliers classiques et dans la furie et la scénographie de notre modernité.

VII - Faire naître des corps de la gangue

Ce qui apparaît d'abord, dans les formes de Thierry Cauwet, c'est le corps. Depuis le tout début des années 80, avec la série des Tableaux vivants, jusqu'aux emblématiques Tarots, aux Pornographie ou aux Visages, ce que l'artiste voit dans le désordre coloré, ce qu'il tire de l'in-forme, c'est des corps.

A vrai dire, on pourrait formuler les choses autrement : aux yeux de Thierry Cauwet, c'est le corps humain seul qui peut donner forme et organisation au chaos qui nous apparaît d'abord. Symboliquement, au moins. Il y a, en effet, dans la démarche de Thierry Cauwet, une sorte de fonctionnement symbolique interne.

La démarche est double ; première phase : peindre- préparation de la surface initiale ; deuxième phase : dé-peindre - surgissement des formes , dégagement des corps. La surface sur laquelle intervient l'artiste est, de fait, comme telle, un espace du déploiement symbolique, première intervention symbolique, l'artiste dispose sa couche polychrome ; et cette deuxième couche produira par effacement les formes humaines, deuxième intervention symbolique. Or la présence du corps, si elle est formellement visible dans le résultat final, est effective depuis le début des opérations. La dernière phase du travail se présente donc comme la représentation symbolique de ce qui est à l'oeuvre dans les autres phases.

Le corps humain est ainsi un élément structurant du travail. A y regarder de plus près, la surface initiale est le résultat d'un réel corps à corps , on y voit, très précisément, un corps agissant qui prend la mesure plastique d'un espace à recouvrir, mais on y voit aussi, déjà à l'oeuvre, des représentations constitutives du corps. Evidemment, les recouvrements disent presque explicitement, les gestes, les mouvements, les postures... Dans cette phase se fait ainsi jour toute une relecture de la peinture des années 50-60. Se note aussi , dans telle portion de geste maîtrisé, des échos des maîtres du XX ème siècle. Tel passage pourra rappeler Picasso, tel autre Rouault. Le fait le plus probant dans ce sens est le choix du dégradé sur un pinceau pour produire des effets de volume. Emprunté à Fernand Léger, il renvoie à toute la réflexion que ce peintre a mené sur les échos formels entre représentation de l'homme et monde industriel. Choisir ce "volume Léger" comme élément de la surface initiale, c'est clairement signifier que l'on situe un travail du côté de d'une réflexion sur la figure de l'homme et de sa présence au monde, par truchement d'une interrogation sur les moyens plastiques de sa re-présentation.

Le corps humain structure cette oeuvre du point de vue de ce qui le constitue plastiquement (trace d'un mouvement ou d'un geste, trait significatif, forme suggestive...) Il la structure aussi du point de vue d'une sorte de réflexion sur les "genre visuels". La série des visages ou celle des Pornographies s'apparentent clairement à des genres plastiques bien répertoriés : portrait ou peinture érotique. L'étonnante série des tableaux vivants, qui occupe toute la la période de 1981 à 1986, mêle, dérisoirement, la nature morte et l'autoportrait, la peinture et la photographie. Plus récemment, la série Tarots ré-interprète une représentation symbolique particulière de l'homme et de son rapport aux éléments, au monde, à l'art... et au jeu.



Deux autres approches

En guise de conclusion

I - Ecrit sur une vitre embuée

Qu'est-ce qui se cache sous la buée de la vitre ? Selon que j'y appuie la tête ou y trace, de l'ongle ou du doigt, des arabesques, s'y dévoilent des bribes du monde en éclats colorés qui prennent la forme de mon geste ou celle de l'impact de mon front. J'ai d'abord cru , en voyant les oeuvres de Thierry Cauwet au milieu de mes bouffées d'enfance, qu'il peignait un peu comme on désembue, et comme on embue du souffle, pour désembuer... Mais je me rendais compte, au fur et à mesure que je poussais ma comparaison, qu'elle n'était pas vraiment adéquate, bien que le travail du peintre, par bien des aspects, l'appelât. Désembuer, c'est faire sortir de l'opacité une réalité préexiste derrière la vitre et qui survivra à la buée de la vitre elle-même.. Le peintre dont j'ai le travail sous les yeux ne fait pas apparaître ce qui est derrière la vitre, mais ce qui est dessus, il ne montre pas le paysage qui se cache derrière la buée, mais les formes possibles que contient la buée même. Il ne montre pas ce qui est derrière un masque, mais le pouvoir de rêverie du masque lui-même, qui, évidemment, ne lui préexiste pas, et qui survit dans la forme qui naît de l'éffacement de ce qui l'entourait...

II - Inverser, inverser encore

Me revient en mémoire ce texte où Vasari parle de Michel-Ange... "Rien de ce qui lui venait à l'esprit ne pouvait être exprimé par les mains...", commençait-il. Je l'inverserais bien pour parler de Thierry Cauwet et dire ce qui me retient sur ce travail... Je dirais donc...

"Nous voici incapable de nous figurer par l'esprit tout ce que les mains peuvent faire... L'artiste veut que l'on sache que la peinture n'est que le mal qu'on se donne, et qu'elle ne vaut que par les tâtonnements qu'elle nécessite. Ainsi seulement sera reconnu, pense-t-il, ce qui fait notre grandeur : notre capacité à gérer notre imperfection, à faire de l'art avec nos insuffisances, à donner, sans trêve, forme à nos errances dans l'atelier étroit de la fabrication"
Raphaël MONTICELLI mai 1997



Envoyé par Thierry Cauwet à scription le 12 novembre 2007 04:42

mardi 6 novembre 2007

Plaisir et dépression 1, d'un temps à l'autre.












plaisir et dépression, 2000 Thierry Texedre

D'un temps à l'autre, dans un temps culturel,
plaisir et dépression dans une refonte de
l'imaginaire, comme structure des espaces mentaux.


1

- Voila maintenant plusieurs années que vous n'écrivez
plus vos textes avec la ponctuation qui marque le
tempo de tout le texte, la reconnaissance dans une
phrase de l'état psychologique de l'énoncé. Et pourtant
vous passez dans vos textes de l'état musical en
suspens, à une respiration, le souffle opérant comme
une sortie de l'image pure, pour parer au plus pressé
avec l'audible.


T- Un temps qui serait plein, un temps culturel n'existe
pas. Seul l'objet traverse ce temps court, donc plein,
par son lien avec un social qui s'altère au fur et à
mesure que l'image invente son objet, son discours
analytique. C'est pour cette raison difficile à tenir, pour
être vrai, que cet être nouveau (le sujet comme toupie/
folie) doit en passer par l'abolition de la ponctuation,
afin que le corps de l'écriture fasse un avec son sujet.
Nous avons, pour plus de conscience, pour plus de
clarté, à mettre en avant une textualité libre des signes
de ponctuations, pour placer le sujet face à son
illumination, c'est-à dire devant reconsidérer le texte/
image comme s'il remontait avant le verbe, au plus près
de la musicalité d'une parole qui ne sort qu'à perdre son
écriture. Une autre raison tient au fait que l'écriture
n'est pas le seul registre qui prend forme au fur et à
mesure de son énonciation, mais le signe comme indice
qui se répète, prend lui aussi forme, de la forme peinte,
de la forme musicale, plus largement d'un registre
artistique. Et que la jouissance y tient un rôle majeur en
associant ce qu' un plaisir ne peut résoudre, et ce qu'une
économie peut forclore dans la loi. L'économie est celle
du marché mais encore celle d'un sujet et son fou. Le
marché est lié au social dans une impression constante,
une pression que libère l'inconscient du sujet. Pourtant
on ne peut trouver le sujet du temps long dans
l'économie de marché mais une tentative commune de
faire pression dans un temps court sur l'hétérogène.
Ce qui gêne les gènes c'est le nombre inventé pour faire
de la loi. Le vrai sujet est un sujet qui libère les gènes,
la résurrection de la chair montre la voie que doit
renverser un temps long. Pour peu que cette voie en
appelle au Christ père de sa mère, ça inonde toute la
pensée du temps court, au profit de la liberté d'une
temporalité de l'immanence, de l'intériorité. Ici la
transcendance vient se heurter au corps qui pense, qui
se pose en connaissance. L'espace se tient de l'esprit
dont ce qui se conçoit est objet, extériorité qui dépasse
toute chose, c'est aussi le lien que la jouissance
entretient avec le corps, au passé. Ce passé est la mise
en forme révélée en peinture, dans la dépense qu'un
plaisir ne peut occulter. C'est là la seule subversion
possible en dehors des courants de la peinture qui
peint aujourd'hui. Seulement quelques peintres auront
l'audace de démêler leur position de pensant face
aux flux migrants et grossissants de la peinture/écriture
qui prend le devant de la scène contemporaine. Le
grand refoulé de cette apparition est le corps dans sa
spatialité, dans sa parole; que la musique savante sait
si bien sonder depuis quelques décennies et qui le
martèle à la peinture pour qu'elle se livre au même
effort: le nom du père ressuscité de son assassinat par
son fils né d'une loi de la parole signifiante. Pour en
revenir à la ponctuation dans un texte, sa "texture" doit
être lue comme si on imprimait l'image du Nom des
auteurs; ceux-ci composent l'alignement réflexif de tout
texte, même analytique. Ils sont "l'ombre"de ce qui
colle au corps qui veut penser! Eh oui, qui veut s'en
donner la peine, mais hélas rien ne tombe du ciel sauf à
sonder l'entre-jambe féminin, pénétration-érotisation
pas encore pornographique, sauf à le prendre à la lettre,
à l'écriture. C'est dans cette situation inconfortable (le
sexe est-il confortable?), que la question s'est posée de
savoir s'il fallait reprendre les pinceaux après
l'éclatement du temps court en peinture. Des réponses
sont possibles par coups de la conscience qu'un travail
devenait urgent dans 'espace fermé de la peinture qui
culpabilise de peindre des images, parallèlement à la
photographie et aux multi-médias (musique-son-vidéo).
Pourtant déjà en décalage, quelques peintres se sont
donné les moyens de changer les choses. C'est à travers
"l'évasion icarienne" dans les années 1971-73, soulevée
par une femme peintre Judith Reigl réfugiée en France
(née en 1923 en Hongrie, elle réussira à traverser le
"rideau de fer", elle s'installe à Paris en 1950) et la série
des "homme"1966-72, écriture anthropomorphique liée
u pouvoir religieuxrevisité dans la structure mentale,
problème de résurrection avant l'heure. Judith Reigl
préfigure l'économie en peinture, et restera hantée par
la figure humaine. Sa peinture reste consciente du
pulsionnel proche d'une impossible vie en dehors de la
représentation. Ce qui donnera par un détour sur le sujet
de la langue (avec "l'art de la fugue" 1980-85) un corps
visible et en perpétuel crucifixion (..." [Les écritures
d'après musique], rapprochent jusqu'à les confondre les
temporalités et les formes si proches du dessin, de
l'écriture, et de la musique, ce qui répond aux rythmes,
tempi, vitesses, et tensions de l'harmonie musicale"...),
mais aussi en suspension dans l'ouvert/fermé du
macrocosme. Un état de tentation apparaît alors en
peinture, chassant dans les plis la peinture prise dans les
filets de la couleur jusqu'alors découpée par un Matisse.
C'est le choc Simon Hantaï. Celui-ci, issu de l'école
surréaliste (qui soulèvera la problématique de
l'inconscient instrumentalisé dans le Tout social),
sera pertinent en abordant la peinture sous la forme
d'une "abstraction concrète" empruntant à l'écriture
automatique surréaliste sa consistance gestuelle en
épandant de la peinture sur une toile posée au sol après
avoir été pliée mécaniquement. Le déplié de la toile
révèle alors une surface où toute subjectivité est réduite.
Dans cette histoire, la couleur revient à Matisse qui
curieusement substituera celle-ci au profit d'un
anthropomorphisme qui laisse apparître l'état biologique
à sa source: le religieux. Religion et fécondité,
féminité et déroulement d'un savoir par la jouissance
d'une production de corps; d'où langage. Là encore
nous sommes amenés à voir parce que nous plongeons
dans la couleur, et un autre peintre joue sur la feinte
de cette vue: Louis Cane. Celui-ci articule les corps
mais aussi leur geste après un Cézanne et un Pollock.
L'articulation c'est ce que l'âme aurait été dans une
autre vue un autre temps. C'est dans un engendrement
spatial "de ce qui ne peut s'abstraire -- dans la
défiguration des collages du savoir euclidien -- pour
engendrer les espaces mentaux du corps dans lesquels
le langage lui-même se reproduit et s'aménage dans
la topologie de ses morceaux". C'est ainsi que
Christian Bertaux dessine le travail de Cane en 1981.