vendredi 3 août 2007

le sexe noir abandonné















Tajemnice Rozkoszy 2006, 70 x 95 cm


le sexe noir abandonné

Elle traverse à toute vitesse la rue qui
longe les vitrines, toutes éteintes, la nuit
s'empressant de réserver sa noirceur aux
indécis aventureux dehors. N'est-ce pas
la peur qui la fait aller bon train ou de
savoir qu'elle est belle, et qu'elle risque
l'agression, vêtue telle une femme des
quartiers chics. Mais aussi de sa démarche
élancée, campée sus des talons hauts au
dessus desquels se dressent de grandes
jambes bien faites, où les cuisses se devinent,
se fondant à même avec une jupe très courte et
moulante. Peut-être a-t-elle des bas qui laissent
visible le haut des cuisses, la chair plus pâle,
plus intrigante? Un blouson foncé recouvre en
partie un chemisier très clair ouvert sur une poitrine
avantageuse. Sa chevelure est longue et sombre,
peut-être est-elle brune? Son regard est plutôt
difficile à voir, comment décrire la précision
des traits d'un visage dans la noirceur de la nuit?
Sinon de rendre l'invention possible, de faire
exister ce qu'une vérité a de prise sur l'image.
Pas d'image vraie sans invention, sans l'impossible
contraste ici possible donc vrai. L'image n'en est
que plus plausible à la lecture de la marge
érotique, et trop peu pornographique.
Elle semble essoufflée, pourtant elle s'arrête
un moment et s'appuie sur le bord d'un mur,
pas assez éclairé pour qu'on y distingue son
expression. Elle se dégage de l'ombre pour
avancer un peu, cette fois elle est visible, sous
une enseigne qui clignote d'un hôtel de quartier,
isolé dans cette grande rue qui n'en finit pas de
s'allonger à mesure qu'on avance. Elle prend
appui sur le mur vétuste et sali par le passage
véhicules. Le trottoir est très étroit. Elle se
penche en avant comme pour provoquer quelque
action illicite. Dans le même instant elle écarte
les jambes. Son regard se pose d'un côté et de
l'autre du bout de la rue pour y détecter la
présence de quelqu'un, ou une voiture peut-être?
Elle se passe une main, la droite sur le bas du
ventre, ayant remonté son corsage, et le plaçant
froissé juste sous sa poitrine visible en partie.
Elle se frotte contre le mur le bas du dos, et
en vient à remonter sa jupe un peu plus de la
même main. De l'autre elle se positionne, se
colle, se cale, se met en situation. Elle n'a pas
de culotte, sa main sombre maintenant dans
l'antre jambe, se pénétrant plusieurs doigts dans
la chatte, le pubis rasé. son sexe est douloureux,
comme le corps de la femme se déplace
maladroitement. Elle se branle vigoureusement
enfonçant les doigts plus loin encore. Elle
aime cet exercice de masturbation en plein air.
Elle se sent libre, au moment où les gens dorment.
Elle se sent bien se sachant sous leurs fenêtres,
ou tout n'est que passage, vide, et irréalité dans
la nuit profonde d'une rue anonyme. L'éclairage
de l'hôtel vacille et s'éteint pour quelque temps.
Le risque d'être vue s'éclipse, c'est plus facile de
jouir pour elle. Elle le sait, et continue de se
caresser l'intérieur, elle semble en trembler, et
pousse de petits cris étouffés qui ne peuvent
attirer l'attention du gardien de l'hôtel. Elle ne
veut pas se faire surprendre. Son sexe est humide,
et elle jouit maintenant, tombant sur le sol, à
cheval entre le trottoir et le caniveau. Ses bas
sont descendus et en mauvaise posture. les genoux
sont entrain de prier le ciel pour que ça ne s'arrête
pas. Elle se redresse brusquement comme si
rien ne s'était passé. Elle se reprend, se ressaisit,
elle se ravise très vite, se revêt, enfonçant
maladroitement son corsage dans la jupe replacée.
Elle passe la main d'un geste élégant sur celle-ci,
pour la défroisser, machinalement. Comme par
habitude. Maintenant elle guette pour voir si
rien ne la dérange autour d'elle. Peut-être a-t-elle
encore peur d'une inconscience passée? Tout va
trop vite, elle n'est pas en état de décider quoi que
ce soit de cohérent, peut-être plus tard? Elle marche
et repart dans le sens où elle est venue. Reprenant
un rituel, traverse un carrefour, une avenue plus
loin. Elle marche encore et s'arrête près d'une
voiture sortant de la poche du blouson une clé de
la voiture. Elle appuie, les portières se débarrent.
Ouvre la portière côté conducteur et s'assied au volant.
Referme la porte et démarre aussitôt. Déboîte sans
mettre un clignotant et disparaît dans la ville à
toute vitesse. C'est qu'une nuit dans Paris elle a prit
son pied dans l'immensité du désir.
Inconnue, peut-être brune, qui ne reviendra jamais
sur ces lieux qu'elle choisit au gré de ses envies
et de ses rêveries nocturnes...

Thierry Texedre, juillet 2007.