jeudi 29 septembre 2022

D'un corps ténu


 


D’un corps ténu


Vrille l’indécence du temps

sous les coups de l’attentat

sur quoi l’intérieur senti

face à terre s’efforce s’essouffle

se dissout inorganisable et fou

fragilité de la douceur trouée

dansant en rond pour jeter

pèle mêle l’inorganique orgasme

d’un corps martelé et aplati

afin d’apparaître dans l’ivresse

de l’absence tel un mort debout

sur le seuil de l’éternité

aux portes du paysage

tant dévisagé que croire

revient en course en vie

le corps entendu d’un son

bruyant et maternel matière

qui commence à se déliter

avant que ce corps interdit

par la loi ne vole tout en morceaux

du sang déversé aux plaies jetées

là est la chair calculée qui vit

et se concrétise la substance ténue

la lumière inaudible d’un jour fini

dans la noire possession du ventre

exécuté de ce monde étreint

pour toujours car c’est l’imposture

qui règne aux aurores de l’au-delà.



Thierry Texedre, le 28 septembre 2022.



*D’après la symphonie N°15 « Hommage à Mozart » de Gloria Coates

Deuxième partie d’un texte écrit le 27 octobre 2014 (D’un corps à l’autre)






mercredi 28 septembre 2022

Katherine Bradford et le détournement



















































 Katherine Bradford et le détournement


Tout chez Bradford nous montre une alternance, quelque chose qui a à voir avec l'impropre. Il s'agit d'un détournement des saveurs, de la représentation humaine, du regard imposé dehors ; c'est « le hors de soi » qui gouverne encore et toujours.

L'artiste montre ce qui monte en chacun de nous, cet espace dont on sait qu'il ne sera visible qu'en rêve (notre réel est révélé intérieurement, comme pour remodeler celui extérieur qui avec le temps n'a de cesse de se dissoudre.), si les rêves reconstruisent l'espace intérieur, à cause de nos invectives qui coupent l'espace parsemé d'atomes ; en ce qu'un corps fragmenté aura d'identifier par la chair, le sus rêve (qu'il soit diurne ou nocturne). Si la palette de l'artiste est pleine de ces couleurs acidulées qu'un Mark Rothko rendait possible au regard, ici, la profondeur de Rothko ( « ses champs rectangulaires planant sur fond broussailleux » ) se retrouve plus existentielle chez Katherine Bradford, plus traduite, tout en restant émotionnellement en communion dans ses champs de couleur lumineux, au risque de perdre son origine abstraite dans des représentations de figures souvent « aplaties » et travaillées dans la simplicité formelle qui les caractérisent. C’est en ces termes que va apparaître la chair, la peinture nous plonge dans la profondeur (le terme de la chair passe du côté de l'espace, celui que le rêve inaugure, fut-il éveillé, dans un récit) que se juxtaposent les explorations de Bradford. Ses thèmes récurrents soulignent la solitude, les rôles de genre, la conscience et le rêve.

La peinture de Katherine Bradford est un choc entre l’abstraction de ses débuts et la figuration actuelle. Il y encore ce détournement opéré sans entrer dans une complétude figurative. C’est une peinture qui s’ensuit, se lit, sans pourtant interpeler l’origine qui fonde sa mise en lumière, sa programmatique visuelle. S’il y a lecture, c’est aussi parce que peindre nous renvoie aux origines de l’expansion de nos sens, dans ce renversement que l’inorganique a tenté, à un moment, de s’engendrer.



Thierry Texedre, le 26 septembre 2022.



Katherine Bradford (1942-)

artiste peintre américaine

née à Houston, vit et travaille à New York et le Maine, États-Unis










 

lundi 5 septembre 2022

Andreas Eriksson et l'être































 Andreas Eriksson et l'être


S'agit-il de strates, d'encombrements de la nature en sous-sol, en terre, d'où émergerait cet instant tant attendu de l'exposition comme d'un supposé réel en mutation ? Une résurrection, un certain soulèvement du peintre contre l'attraction/distraction de la nature. Là où depuis sa transformation, sa remise en forme par l'humain, on se risquerait à chercher ce qui dans le réel se cache, par une mise à l'épreuve de son existence, comme d'un déplacement géologique dans l'époque contemporaine du vingt-et-unième siècle.


Une certaine visualisation des peintures d'Andreas Eriksson nous montre un avant de ces formes organiques que Barnett Newman nous offrait du regard par ses premières peintures encore dépourvues du « Zip » de la séparation. La peinture ici n'est pas encore abstraite, ni aussi figurative.Et pourtant, il semblerait qu'on se soit retourné sur ce qui ressemble à des superpositions temporelles, où l'inorganique pointe sous la forme de patchwork « intermittent », c'est-à-dire montrant une dualité qui explore un monde naturel sculpté par l'humain, un monde où l'on reconnaît une partie de cette nature.


Métaphore d'un paysage ontologique, depuis sa mise en tension au dix-septième siècle avec un déferlement d'extension de la nature au détriment des « figures » (les personnages) contrairement au Baroque le précédent. Dans la peinture d'Eriksson, on tend à passer d'un dessous à un dessus, sans montrer la ligne ; la perspective qui était oculaire avant, devient ici « éphéméride ». Il y a encore une échelle de temps, mais on y recense cette « censure » depuis un regard qui ne peut seul voir sans s'aider de techniques d'explorations du monde [organique/végétal/minéral]. La peinture montre ces passages en concomitance (Les arbres, la terre, les roches. De temps en temps on rencontre des totems, bribe d'un tronc, comme pour mieux nous dissuader d'un paysage voué à l'éternelle fixité, abstraction à-rebours.), telle une musique intérieure, une peinture « texturée », plus proche d'un paysage de l'étreinte des éléments entre eux, que la sédimentation réelle sous-jacente au paysage du dix-septième siècle !


Andreas Eriksson nous émeut quand d'un paysage il nous déconstruit l'être abscons, pour impulser une autre alternative à notre mémoire. Il ne tient qu'à nous de la rapprocher du paysage, de notre réel.




Thierry Texedre, le 3 septembre 2022.



Andreas Eriksson (1975-)

artiste peintre, sculpteur, photographe

né à Björsäter en Suède

vit et travaille à Medelplana en Suède