mardi 21 avril 2020

La peinture comme vertige de l'architecture































La peinture comme vertige de l'architecture

Rare sont les peintres qui représentent cette matérialité dont on use, dont on explore toutes les faces tant pour notre bien-vivre que pour exploiter l'espace jusqu'à peut-être sa perte, et par lui-même une certaine perte d'identité ? L'espace ou cette reconnaissance d'un état déjà trop plein d'une tension à travers cette transversalité qui s'y insère, s'y montre ; serait-ce celle du nombre, de l'extension sans cesse, de ce nombre jusqu'au refoulement, jusqu'à l'interdit de l'espace trop restreint (n'y a-t-il pas un dépliement de l'espace dans ce qu'il a d'interchangeable, par exemple passage du figuratif à l'abstrait, du paysage à la géométrie), d'une demande d'entrer dans une autre géographie, un terrain vierge peut-être, une certaine peinture qui ici vient entrer en collision avec ce nouveau temps. La couleur tente alors une entrée en éviction, éventuelle certitude que ce qui s'y joue ira bien au-delà de ce qui se voit hors de la toile alors exposée pour mieux y voir une intelligence future. Une certaine contamination avec cette juxtaposition qui sied à la tentation d'exister : interchangeable avec une nature donnée à voir plus floue peut-être pour indiquer que cette charge émotionnelle nouvelle (la peinture) montre l'envers du décor, celui d'un réel en trop. La vertigineuse réalité de la mégalopole qui s'étend telle un virus, encre le drame d'un arrêt du jeu des points d'intersection des avenues aux pieds des tours, dont le peintre Piet Mondrian a su escamoter l'irréalité du temps de la « nature » humaine en signes prémonitoires. Ici, point de nature isolée ni de signes signifiant la tentative d'essoufflement de l'art de vivre, mais bien une peinture de l'extraterritorialité humaine (l'architecture en trop). 



Le plaisir qu'un regard peut porter aux toiles d'Ivana Minafra (1971-), sort l'espace figuratif inquiétant et angoissant (on y voit souvent une étendue de voitures peintes comme paysagers telles un champs) du regard, pour explorer un autre espace mis dans la peinture, celui d'une nature en trop ou en moins, pour nous montrer cette double réalité dont le regard imposerait de montrer seulement un paysage urbain. Un brouillage semble montrer une nature en devenir sur une urbanisation recouvrant littéralement la toile par « défaut ». C'est cette indifférence, l'oubli de l'infini, de l’extension totémique, de l'étalement anarchique en périphérie de la ville devenue ainsi une monstrueuse mégapole, qui font se rencontrer ces deux incompatibilités ; et tenter une vérité, celle d'oser faire voir avant de le dire une autre occurrence de la vie humaine. Une autre artiste semble aussi démontrer ce qu' une ville a d'empressement à s'extraire de la prégnance humaine pour l'architecture urbaine.





























 
Dans les peintures d'Anneke Wilbrink (1973-), on s'expose à l’expatriation. La temporalité de l'humain vrille à l'approche d'une distorsion du monde. Le chaos s'y insère, montrant une peinture qui s'éloigne d'un milieu où le réel s'efface, au profit d'une complexité dans un contrôle des contrastes, des oppositions, à cause de l'architecture rembobinée par ce qui du sublime entre en réserve, pour appairer le médiocre d'une urbanisation galopante à la trame d'une peinture entrain de montrer un océan, l'infini.
On se rapproche d'une autre vérité, se livrant aux marasmes de l'impossible expérience figurative, certainement à cause de ses effets dévastateurs, quand à ce devenir où une nature n'a de cesse de s’abîmer.

 































































Richard Diebenhorn (1922-1993) nous livre là une approche regroupant de nombreuses similitudes avec celles de Ivana Minafra, quand à cette mise sous pression de la nature, exposée au plus près des paysages urbains. Mais encore une nature qui entre dans l'architecture avec Anneke Wilbrink. Si la nature humaine en fait trop, c'est pourtant en différant cette tension vers ce que peut résoudre l'eau, l'océan, à l'approche des industries de Santa Monica sur la côte ouest des États-Unis. Pour subvertir au plus vite cette représentation de l'éphémère sans doute, dans une série sans fin aux peintures de « Océan Park », La submersion d'une réalité sourde à la nature, une fenêtre ouverte sur cet océan primitif, une emprunte abstraite qui figure un travail du paysage qu'un Matisse poussera à faire jouir par la couleur ce qui découpe le réel au présent, au temps qui recouvre l'imposture urbaine.
En tout cas, l'intensité d'une terre retournée (dans le blanc sommé), est au plus près d'un présent jeté au regard d'un coup de dé.


Thierry Texedre, le 21 avril 2020.