samedi 16 juillet 2022

Paupérisation virtuelle de la pensée












 



























Paupérisation virtuelle de la pensée

ou du déplacement de la peinture


Il y a comme une lutte, une certaine forme de guerre chez cette artiste. Lubaina Himid nous ouvre la voie, l'artiste a le regard du spectateur. Ses peintures font appel à la scène de genre de la période baroque en Europe. Mais pas seulement, et c'est là peut-être où se cache cette lutte, l'entreprise de révolte qui s'ouvre à la rencontre de deux cultures, le choc de deux mondes. Si Lubaina a su déclencher cette révolution (son origine africaine a montré la voie.), mais c'est surtout de la douleur qui rôda au Royaume-Uni, dans les années 1980, au moment de l'instauration des lois anti-immigration instaurées par Margaret Thatcher alors première ministre. Lubaina Himid, en réponse aux révoltes populaires dans les banlieues, entraînera dès l'origine le Black Art Mouvement. L'artiste mêle peinture classique et volumes découpés en contreplaqué dans sa pratique, pour revisiter dans un même lieu les cultures africaines et européennes. Le rapport est alors devenu plus physique. La peinture est iconique et théâtrale, par la mise en scène des volumes, collages et contours bien dessinés comme ceux de Pablo Picasso. Les personnages représentent la bourgeoisie du XVIIe siècle et les esclaves africains, mais aussi dans un mélange, un agencement de l'époque contemporaine et de sa bourgeoisie requalifiée.



Sur ce risque inusité

de la pauvre langue

émasculée ventre à terre

rebelle au corps

elle s'empare du coin de l’œil

de l'illusion démographique

dans les synapses exponentielles

l'illuminée celle qui s'étale

se redresse s'éventre se dilate

lentement la paresse de ses songes

gronde c'est l'esprit entrain de s'en sortir

de la digression de la langue à rebours

juste le temps de chercher pourquoi

ce corps pense s'il joue à l'inconnue

s'il jouit s'il jubile du trou du monde

d'un corps abstrait c'est l'autre inventé

pour que le rêve se soulève et s'envole

au plus loin dans les abysses étoilés

jusqu'aux origines de l'univers désinvité

la pauvreté s'éloigne à mesure

que la chair danse pour exister

tu bandes l'irruption

de ces ecclésiastiques

pluvieux parce qu'ils

font semblant de croire

à cause de la pensée

controversée par le corps

renversant la chair

sur le lit de l'absence

où est la richesse

sinon dans ce sac

pour partir l'esprit

à la recherche du mal

le mal de la monstrueuse

poussière du temps

qui assèche les larmes

d'un corps aux extrêmes tyrannies

de la démesure existentielle

le trou occulté de la disparition

le contraire enchanteur de la division

voyez l'inclusion le retournement

de ce corps escamotant la vie

sous les feuilles desséchées du vertige

pompeux de la discrimination

de ces béatitudes devant le vide oculaire

la vérité qui souffre et s'enfuit

là où une perspective s'avance

sort du cadre suranné

tout près du peintre qui fend la toile

d'un geste allègre et empressé

trace d'un trait noir la révolte

il se penche résolu et spectateur.



Thierry Texedre, le 16 juillet 2022.


 Lubaina Himid (1954)

née à Zanzibar en Tanzanie

artiste britannique et tanzanienne

vit et travaille à Preston, Angleterre