samedi 13 octobre 2012

Le sang désordonné










Peur de ce silence! Quelques paroles s'en échappent. Longues litanies sur une musique à venir. Celle du rétrécissement du son, dans sa plainte. Plainte de la pleine foi qui vient à mesure que la musique s'évertue, se lance à trop attendre que ces voix cessent; taire la voix qui vocifère. Un lent appel au vide s'érige, droit devant, dans un brouillard dense, drainant d'interminables forçages de la langue; de la langue parlée. Duo entre musique et chant, les orifices donnent dans l'ouvert, la déviance, la démence propulsée au plus haut point de la rétractation sexuelle du corps. On comprend que ces mots horrifiques se mettent en phrases, pour raccorder le corps à son souffle, en phase d'expulsion. Une montée en cœur, dépression, déambule dans un cloaque vertigineux; course vers l'intemporel. Rires intentionnels, déraison du dire qui se moque de sa phraséologie, jusqu'à rencontrer une musique en cris répétés pour extraire mots et sens dans l'altération monumentale de la tête traversée en tous sens, dérangée par d'impressionnantes allitérations. Pointu le corps au chapeau pointu se déplace au milieu de ces femmes vêtues d'un blanc linge vaporeux. Soulèvement orageux des ténèbres, au moment où la musique embrasse les voix, pour les empaler, leur faire rendre les sons qui montent, jusqu'à l'avènement d'un lieu commun; circonstances qui sonnent au milieu de nulle part, lieu maudit. On s'empresse on sonne le glas on croit au danger imminent de la terrible élocution qui s'insinue au milieu de ces communs désordres. Un polylogue de ces voix s'évertue à rendre la peau en renflements, addiction du désir d'irréalité, songes sonnants, suintement des pores de la peau qui claque et danse. On se rallie au plus franc, au franc- parler, au parlant à découvert, on croise ces paroles incendiaires dans la densité des commentaires. Un jeu interminable voit s'installe entre les sons graves de l'homme indifférent, et la prolifération des sons aigus qui sortent de ces corps féminins en résistance. Quelle paix s'ordonne, si ce n'est celle de la compassion, croisement vocal de l'impossible traduction de ces phrases mises en musique pour trouver le temps, recherche du temps dépensé, en chantant sa venue imaginée lentement pour tenir la distance avec la mort. On récite, on s'occupe, on s'adresse, on tue le temps qui compte les heures, on s'apitoie, on cherche en résistant jusqu'à quelle oppression des sons prononcés, dramaturgie de la dépression comme infection, on tait le verbe, on montre la voix qui monte; la couleur du sang semble surgir dans un envoûtant désordre mental. L'art de la dialectique s'essouffle, se raidit, s'affaisse, on mêle les voix à la musique, phonétique et enfermée dans une découpe, coupure, un cisaillement des mots qui enflent vers cet infiniment lent redressement des corps oubliés; la vie s'éloigne des corps en coups de gongs horrifiques; le corps devient céleste, dans une cécité des paroles rayées par cette omission du temps suspendu.



Thierry Texedre, le 12 octobre 2012.

in cauda venenum










Vous voici dans les griffes du verbe, vestige du corps. Poussez la porte et vous entrerez en diffraction, résolution de ce que le verbe peut quand son corps d'écriture s'éloigne de ce corps occulté. L’œil en coin, ne peut qu'être dans l'expectative de ne pas y voir une forme distincte. Seulement une vague opalescente et opaque, irisée et disgracieuse. Informelle obtention de cette représentation défaite, désirante mais prise dans un délire, une obsession. On croiserait ce sens insensible du regard qui se tourne telle une toupie qui vrille avant de s'arrêter. Regard moqueur, regard faussé, regard de cette déformation de la face, forçage du nom vers sa folie, sa manipulation inopportune et improvisée. Travers de ce manque de parole, de cet abaissement vers un non-lieu, une force du bas qui pousse pour évacuer le dire du haut, de la parole malhonnête. Parole qui chante pour ne pas entendre ce corps qui touche à son nombre, pour jouir pleinement de ce qu'un rire a de tentation dans sa descente vers le dire su, le forçage d'une naissance encore à venir; celle du lieu de la chair qui crie le désespoir de sa peau en surface. Érotique peau d'une impossible vérité du corps qui jouit sans passer du dedans vers l'extérieur; là où la plainte joue. Cris exténuants qui ont à faire avec la naissance de deux corps, pas encore un, et déjà plus quatre. Traquenard de la voix qui inonde le corps de ses invectives, ondes porteuses de maux qui irradient l’œil pour le toucher dans sa grande impression: celle de la résurrection de la chose, du dire ontologique, de la transgression somatique dans cette réverbération verbale qui tonne, qui donne le ton, la couleur rougie par la souffreteuse apparition de la vie, à rebours. On transgresse alors cette réalité du temps qui vous énumère, qui vous ricane au nez; quel temps pour une horreur de ce dire désabusé et inondé par une surimpression de sens, dans une représentation devenue tétraplégique? Ce suc social qui perpétue tout dans un possible du rien, juste pour s'y renvoyer, s'y soumettre au temps, juste pour toujours imprimer ce nom, nom de l'impression qui vous hante, annonce que ce vertébré ira plonger dans les enfers de la grande musique atomique dans un bref sursis, souffle de la vie qui s'assourdira instantanément, fraction de seconde de la fin des temps du nombre en-corps émasculés et décousus; chut! vous n'allez quand même pas croire à cette fin? Paradis artificiels sinon? Paradis d'enfer, pourquoi passer par le purgatoire? On retombe toujours sur cette pesanteur, cet effort-forçage qui vous plie les membre dans de douloureuses extensions. Trauma du désir imminent de quelque chose qui a à voir avec la vérité? Vous en avez encore pour longtemps à comprendre que ce dire doit vous servir de fiction pour nourrir l'absence de Dieu, se serait-il enfui pour nous laisser pénétrer dans la parole de l'intraduisible frustration du corps vide? Je n'aime pas ce dire qui vous emporte dans d'infinies épiphanies, vertige de la chair qui s'ouvre pour laisser apparaître son dur, sa lourde existence, la farce du monde! L'ignorance du dedans qui par ses frasques, fornique infatigable pour l'éternité, poing g de la détention dérivant dans les eaux glacées du dehors. Lettre à l'aveugle qui étreint son audition pour ne pas tomber dans les entrelacs, racines insidieuses qui vous hantent. Missive à ce raccourci, vestige de la lettre, pourrissement de la lecture dépassée, mémoire entrecoupée par ces leurres, ces atonales informations illimitées, comme si le temps était une abstraction, mais le temps presse, ce qui s'y dit est de la plus grande importance, poussé par le grand empressement de la reproduction linéaire du désir inassouvi de ce caressant corps parlant.


Thierry Texedre, le 29 septembre 2012.