mardi 10 janvier 2017

Le bain



«  La Suzanne de Rembrandt est peinte dans une pose suggestive, l'un des deux hommes est penché sur elle. Une tension psychologique palpable est créée par le jeu de l'ombre et de la lumière. Dans le visage de Suzanne, le regard est clair et perçant comme le rayon de lumière qui fait ressortir sa silhouette de l'ombre ; dans celui des vieillards, un désir sombre monte comme l'obscurité ambiante dont ils émergent. »



  
Rembrandt – Suzanne et les deux vieillards, 1647


Le bain

Paroles poussées par la sortie. Pourvu qu'on s'en rappelle, et que ça serve à quelque chose ! Porte insouciante, surnaturelle et visible en songes, d'une ouverture qui montre le bain, dans ce qu'il a d’excitation quand on entre dans sa liquidité, lueur d'un fond qui appelle ; le fond encore flou et dépourvu d'une image qui fourmille, jusqu'à ce qu'une marque, un pied, se soulève, pour qu'on y voie le mystère de l'eau. Vague à l'âme, étreinte avec le soulèvement du fond astringent et soudain défait ; qui serait lié au thermique, au resserrement de l'eau sur la peau qui joue malgré elle aux bras de la belle demeure insoumise, se laisser envelopper, encore lascive, par des caresses, liquide qui brasse les états sulfureux de sa masse transfigurée. Femme au bain du ravissement, d'une nudité, d'un ensorcellement, d'un regard autre. D'un regard tourné vers l'autre rivage, pour se laisser amarrer à une indiscrétion, un amas d'herbes folles juxtaposées, entourant le corps lumineux. Lumière d'un mystère, lentement qui émerveille, qui montre ses attributs, en se redressant à moitié, dans l'eau qui reflète le ciel et des arbres dessinés, comme penchés pour saluer du regard la belle insidieuse. Le regard blême du condamné semble encore courtiser la lumière, jusqu'à ce point de non-retour de la nudité ; puisant dans la prostration du corps nu, et l'autre, entiché d'habits sombres, reluque une dernière fois avant de disparaître dans l'ombre masquée du bord de l'eau. La femme à la nudité se retourne soudain, prise d'effroi, pour jeter son regard tendre sur la surface de l'eau. Une forme, entourée de ronds qui s'écartent, se montre à elle, comme plissée ; le visage est reconnaissable un court instant.



Thierry Texedre, le 10 janvier 2017.