jeudi 29 mars 2018

Le doux tremblement de l'inadéquation des corps

                       
                        Stéphane Mandelbaum (1961-1986) peintre néo-expressionniste belge

















Le doux tremblement de l'inadéquation des corps

« Dans quelle danse des corps s'étalent et côtoient l'esprit délibéré ? Dans une rature de la face, celle cachée du fond inintelligible. Pour passer par ce sexe clos, c'est-à-dire sa mise en abîme de l'action d'exclure la transgression sexuelle en touchant à la rhétorique de la pénétration. Corps multiples qui se soudent en un trauma, trop illuminé par cette feinte, celle de la mise en lumière de cette chair grande-ouverte, en passant par tous les états de la gloire d'une jouissance trompée par la vue qui touche à la mémoire (à y regarder de trop près, semble-t-il), et défigurer par une pluie incessante de larmes collant au visage de la grande mort mise en boite, ce sacré bon sang de con, cavité carnassière. »


Thierry Texedre, le 29 mars 2018.










samedi 24 mars 2018

Frottements

                                                    Pia Fries (1955-) Corpus transludi E4, 2015
































Frottements

Pars 1

Tourbillon incandescent
la descente aux enfers
remonter le fil du temps

l'essai la tempête libre
force l'origine pour lire
la plaie du recentrement

placer le vol lumineux
jusqu'au jour du cours
d'un particulier départ

entrer dans la danse
de ces corpuscules
assermentés du jeu

tension des corps
sur leur volume
sur leur idiome

Part 2

Poussé par l'horreur
la gangrène épuisée
la chair souffre l'os

l'os tant attendu
ici revient au fait
pour se risquer

pour sauter sur la vie
en coulures de sang
du sang en gouttes

étranglant de la sorte
la voix qui sort
étrangeté en remords

si les plaies sorties
du corps dressé
se foutent du fond

Part 3

Lente détention
de la matière
qui traîne sa ligne

pour ravager le blanc
le redoutable vide
qui feinte l’œil

qui l'ignore aussi
dans ces frottements
ces arborescences

sur la toile raclée rayée
et mise en musique
l'onde colorée envahit

jusqu'aux limites
du visuel incarné
le temps d'enlèvement.


Thierry Texedre, le 24 mars 2018.












lundi 19 mars 2018

Esquisse




Esquisse

« Retirer ce surmoi homogène en taraudant la langue jusqu'à cette unité de l'élocution qui se risque à la vitesse pour trouer le soulèvement du signifié, le maltraiter, le martyriser, l'encercler, l'ôter, le remettre dans la course, fracasser les sens sur son fil, raccourcir le souffle aussi. La liberté de dire cette interversion, l'insertion dans une autre langue qui apparaît et disparaît autant de fois que se libère la parole. Lentement les espaces se raréfient, le vide s'écourte, les sons tremblent dans un tintamarre inaudible, inhumain, improvisation de l'action vite rentrée, cachée, remontant à la surface comme pour s'exercer à la lecture, lueur de l'après-coup, la peinture sent bon le visage de l'esprit retors, une musique rencontre sa peinture trop vite, supplétive, pour une lecture qui pousserait jusqu'au véridique, lecture qui ressemble à ces bribes d'espace insignifiant qui force l'esprit trop attaché, libéré dans l'inconscient qui travaille la langue, plus rapide que la liqueur qui coule dans les veines du temps. »

Thierry Texedre, le 19 mars 2018.

Sur « Messagesquisse » de Pierre Boulez (1976-77)








samedi 17 mars 2018

Mots




Mots 
« De l'indifférence à la déférence, voilà le saut distant du corps qui continue à parler sans l'interpellation de la parole sur l’innocuité d'un dire atomisé, parce qu'il contient déjà et du corps et du pensant. Entrer dans la danse des corps maudits parce qu'ils volent leur chair à la communauté du parlant, la chair n'étant par là que la conséquence d'une douleur qui s'ouvre à la jouissance d'une parole faite chair. »

Thierry Texedre, le 17 mars 2018.


Claude Duvauchelle (1953-)
écrit et les maux V technique mixte sur toile, 245 x 200 cm, 2015






vendredi 16 mars 2018

Flottements


Adrian Ghenie – The Storm, 2016















                                                                                                                                                               
 Flottements

Tiré du tremblement incestueux de la chair, logique insupportable qui frôle l'altération des transmetteurs du corps érotisé (le corps coupé de tout acte pervers), et qui va vers ce qui le pense ; par quelle paralysie le corps triture-t-il sa foi (une croyance indiscutée ou tirée par une vérité inextinguible)? Par cette polémique qui gronde dans les yeux de l'inventaire de l'inconscient qui pousse la parole dans les derniers retranchements de l'inexplicable temporalité de la vie. Voilà l'austère reniement de la parole, invitée à masquer sa folie, la réminiscence d'un état d'impossible repliement de la chair sur la pensée. Une très grande dispersion vient écourter tout discours ; il s'impose aux flottements de ce qui force la pensée, pour jouer avec un corps qui veut sortir de sa pesanteur. La mort du texte serait alors la mise en abîme de tout corps qui pense son commencement vers ce qui peut encore montrer qu'il pense.

Thierry Texedre, le 16 mars 2018.











jeudi 15 mars 2018

Sirènes


Agnès Martin, "Untitled#1," 2003



Sirènes

Seins de la sainte enceinte
orgasme répété en transit
diurne est la raie du creux
qui tiraille l'invasive sueur
pénétrant l'autre l'écueil
le ventre par dessus tout
de tous les jours alignés
au rendez-vous amoindri
par l'envie de rencontrer
part d'un coup parcours
une ectasie si le membre
monte indigeste en berne
depuis les hostilités divines
pointant ce reste du temps
au reste du monde narrant
l'avantage de caresser l’œil
le milieu rose qui pointu
se met en quatre pour pisser
le jus sirupeux de l'envie
la chaude frayeur du début.

Thierry Texedre, le 15 mars 2018.





mercredi 14 mars 2018

Arrangements


H Craig Hanna (1967-) Arrangement of Figures and Chairs, 2016 encre et acrylique sous perspex, 200x300 cm


























Arrangements

Sur quelle douleur
le temps futur
sera dédié
à l'attentat
du désir décrié
par ce nombre
immatériel
ce nombre qui
nous arrange
d'être nés en moins
en touchant au jeu
de l'irréelle contusion
qui fait sortir
le temps du réel
pour entendre ce cri
ce futur cri qui souffre
souffrance de l'existant
face au futur
de ces corps étalés et nus
sortant du lourd état de l'être
dans cette extrême surface
des choses hors de cette levée
hors des songes endémiques
frottés par le sang en sursis
le corps irrésolu s'étreint
dans les rides de la peinture
qui continue à peindre
tout en se risquant à foutre en
l'air l'être de ses vicissitudes
écornées par la chair
le temps tombe
il tombe de haut
pour faire croire
à une renaissance
le jour s'éteint
jusqu'aux assises
de la peinture
éternelle
où des arrangements
sonnent le glas
la fin de l'être
la fin de la parole
passée sous silence
pour avoir manqué
l'étirement peint
qui montre l'être et
son recommencement
dans l'évitement du corps.



Thierry Texedre, le 14 mars 2018.