dimanche 23 juillet 2023

Les plages de la peau

 






























Les plages de la peau

Si ce n’est par enchantement que se soutiennent une peinture et la peau, quoi d’autre tente cet enfoncement du visuel, sinon ce qui se marque d’une attirance ; une parole, celle, peut-être d’un non-dit. L’artiste se fourvoie contre l’obscur désenchantement de la représentation. Martha Edelheit semble reconnaître l’insaisissable occurrence qui sourdement s’émancipe dans ses peintures.

Si l’artiste féministe dans les années 1960 en abordant le désir féminin au plus près du corps, de la peau, dans un retournement spectaculaire du corps à la peau, et de la peau à la toile, on entrait alors dans cette symbiose corps-toile en invisibilisant l’essentiel du raisonnement pictural ; c’est à dire sa représentation en utilisant des objets de la vie d’une femme au foyer pour ouvrir l’acte de peindre au réel en le doublant, en l’étirant vers l’extérieur. L’artiste se sera ultérieurement mise en défaut pour recentrer ce sujet de l’emprise en peignant des corps tatoués jusqu’à l’illusion d’une imagerie impossible, d’un dessein sans coupure avec le temps. C’est le temps du tatouage qui se dépasse dans la « scarification » visuelle. L’origine de tout art ou l’origine de son sujet qui parle un temps qui n’est pas le sien, et c’est pour ça que ce destin est celui du dessin sur l’intériorité en prise avec le désir et le plaisir par la douleur, jeux sadomasochistes du corps qui cherche un autre « esprit » pour poser sa « croyance », son temps de vie. Et puis maintenant on en arrive au plus près d’une déviance du temps présent dans une grande représentation des êtres possédés par la mise en lumière de l’animalité condescendante des corps étalés pêle-mêle entouré d’animaux domestiqués. Quelle porte de sortie de l’être parlant autrement que par cette chair embaumant tout l’air d’une peinture recouverte et/ou à découvert d’une peau, le peint qui dévisage celle ou celui qui regardent l’imposture de leur paraître.

D u corps à la toile, de la toile à la peau, il n’y a qu’un pas à franchir. C’est là que s’impose et s’interpose Martha Edelheit quand elle fonde sa remise en question du désir de la femme dans une vision, des plages sans fin du désir inapproprié de chacun sur l’esprit vacant qui sort, sortilège oblige, du ventre de ce « tout social ».



Thierry Texedre, le 23 juillet 2023.

 

Martha Edelheit (1931-) artiste peintre née à New York, vit et travaille à Stockholm, Suède