samedi 23 juin 2012

Du jeu













On passe à côté. Et de nulle part, se lancent les cordes, oreille mal intentionnée, haut bruit des violons agités autour de cette sonnerie du déficit mental. Là-haut sonnent et glissent, et les cloches et les archets, sur quelle onde porteuse; tête d'où les maux sortent, douleur irrationnelle d'une musique assourdissante. Température du dedans déconcertante, touchant au temps de la dépossession. Douleurs qui activent les images du passé, pas seulement, aussi celles plus déchirées, hachées et à reconstituer, plus tard, peut-être. On attend l'aurore, cette douceur des choses égales, une lenteur qui oublie l'essentiel de la vie qui se répète. On tombe par un hasard somptueux sur la beauté suprême. Une blancheur de la peau si lumineuse, qu'on eut dit un rêve en plein jour, on rêve le jour aussi. Peau toute en tendresse, presque ce que la mort apporte d'éternité. Quelle blessure résisterait à cette rêverie, mêlée aux digressions de cette musique qui tente de blesser mon âme. Un combat semble s'installer entre celle qui m'emporte dans ses grâces, et l'enfermement de ces maux de tête insupportables. Des coups tentent de me pénétrer, mon visage s'affaisse, se raidit et me retire en plis, en rides douloureuses - pendant que la musique envoûtante m'exaspère sans que je puisse l'arrêter. Mes yeux, encrés encore dans l'étreinte que cette colombe posée sur mes mains provoque, semblent le lieu d'un combat dont l'hypnose prendrait le dessus? Mon envol se résout à oublier par bribes la musique qui s'espace, s'éloigne; elle revient doucereuse pour me reprendre dans ses griffes. Mirages des sens, musique au refrain tenace; je m'écarte et reviens, j'aspire à la paix, mais l'esbroufe tremblant m'envahit plus que jamais. Le jeu entre la vie et la mort lentement m'use, m'interpelle pour sentir mes sentiments et se gausser de mes sens; de ma mémoire désarmée et touchée jusqu'à l'usurpation. Et vont se refermer les voiles de l'opacité du temps, le ciel aussitôt, se plie pour laisser l'image derrière, dans le trou, dans l'ouverture de la béatitude, où vont s'enfoncer les voix dans les ténèbres, pour rejoindre l'enfer de la parole d'où sortira le rêve qui habite ce corps de vie.




Thierry Texedre, le 23 juin 2012.