vendredi 18 mars 2022

La peinture est toujours abstraite

 
































































« Lorsque les  travaillent sur la peinture shan shui chinoise, ils ne cherchent pas à présenter une image de ce qu'ils ont vu dans la nature, mais ce qu'ils ont pensé de la nature. Il n'est pas important que les couleurs et les formes peintes ressemblent exactement à l'objet réel ou non. La peinture shan shui réfute la couleur, l'ombre et la lumière et le travail du pinceau. La peinture shan shui n'est pas une fenêtre ouverte pour l'œil du spectateur, mais plutôt un objet pour l'esprit du spectateur. La peinture shan shui est donc plus ou moins un véhicule de la philosophie. Le shan représente le "yang" ou les éléments forts, hauts et verticaux, tandis que le shui est le "yin", doux, horizontal et couché sur la terre. Les éléments verticaux et horizontaux doivent être maintenus en équilibre. »

« L’artiste recherche la rencontre. Chaque réalisation n’est faite que de couleurs enlacées, tressées. Il faut écouter la peinture pour former un corps avec elle, l’éprouver, rentrer dans la sensation pour, enfin, atteindre une couleur que l’on ne peut pas nommer, quelque chose qui a à voir avec le glissement du regard. »




La peinture est toujours abstraite




La peinture est abstraite. Les formats sont octogonaux puis deviennent rectangulaires. Un point nodal important, pour le regard, en quelque sorte une pénétration dans une profondeur, celle de l'intime qu'un sujet qui figure n'a pas encore enlevé de son raisonnement, celle d'une représentation en suspens. Seul risque d'un état perceptible d'une reconnaissance, les lignes horizontales de chaque peinture montrent cette « descente » qui nous arrive à lever d'abord le regard avant de le redescendre pour dessiner l'ensemble ouvert au format. Une « descente aux enfers » d'un temps de la suspicion. L'encre est appliquée au pinceau sur du papier qui est marouflé sur Dibon. On entre en relation avec la peinture comme si le toucher pouvait résoudre ce que l’œil n'a pas l’occurrence d'apporter, de résoudre. On pense beaucoup à Monet quand on regarde les fondus, les entrelacs de couleurs « photosensibles ». La lumière qui se dégage révèle une physique des couleurs qui irradient un certain traitement horizontal de la verticalité des peintures. Cette peinture est une présence du sujet parce qu'elle ose montrer ce rétrécissement figuratif qui fait frange à un sujet de la reconnaissance. Les couches colorées des glacis d'encre font penser à un autre peinture, celles d'un Marc Devade (ici, il y va d'une « politique » du visuel, plus ancré dans la subtilité du pan pictural), autre peintre lettré. Quelle poésie peut mieux révéler ces couleurs diffuses, aux tons de fines nuances, presque imperceptibles, aux vibrations dans un jeu d'alignements dans une verticalité, en coulées d'une verticalité qui coopère avec parfois des contrastes selon l'agencement des bandes et des transparences « sonores ». Si les couleurs sont en suspension, on tire le geste jusqu'à son fracassement coloré, matière colorée, matière qui pense l'absence du geste sous un œil altéré parce qu' atterré. Les couleurs varient dans leur agencement selon qu'une peinture. Faut-il ne pas encore nommer ces couleurs et y voir toutes ces coulées en fondus, laissant ainsi le spectateur s'emparer du mélange des tonalités qui s'imposent à l'imagination d'un regard ouvert au monde ?


Thierry Texedre, le 17 mars 2022.




Claire Chesnier (1986-) Francevit et travaille à Biziat dans l'Ain

artiste peintre, plasticienne.













samedi 12 mars 2022

Silence et cri

 





















































                                                                      

                                                                        Silence et cri



Oser le dépouillement

de la chair jusqu'à l'os

l'os reclus et invisible

quelque chose d'attentatoire

ce qui ouvre au risque

d'une cessation de la vie

sur quelle visitation

le temps humain

tombe pour se vider

entrer en communion

avec l'au-delà de la matière

cette fin du risque de crier

l'interdit du silence

l'immonde crépuscule

l'immoral l'étranglement

d'une voix qui sort

à trop peiner pleine

d'une étreinte avec

l'illusion le faux l'ordre

incestueux de l'os

agglutiné et debout

pour essayer de s'asseoir

sur l'éternité de la chair

on entend encore l'air

qui remonte du dedans

d'une chair couchée

entre les bras de l'os

démonté et orchestré

juste le temps de différer

la mort pour parler

lueur qui fait taire

le cri ostentatoire

balançant d'un va-et-vient

sa phrase en mémoire

jusqu'au fond qui danse

pour faire entendre

la souffrance sordide

du corps immuable

le corps incessant

d'une inhumanité

entrain de naître

d'une animalité jetée

au risque de la dévoration

quelle peinture peut

encore laisser entrevoir

cet avancement du temps

qui commence où le cri

et ce silence du peint

frôlent la cérémonie

cérémoniel de la nature

fil conducteur concentré

autour du jeu initiatique

d'un corps qui use

l'intériorité la vitale

la noire lueur qui sonne

celle du ventre et de la voix

et qu'aucune humanité

n'aura de l'existence

quelque chose

de sa mémoire une vérité

le risque voilà un lien

le lieu insensé de la marche.



Thierry Texedre, le 12 mars 2022.


Gastineau Massamba (1973-) Poto-Poto, Brazzaville

artiste peintre sculpteur performeur et poète

vit et travaille à Paris






mercredi 9 mars 2022

Enfants de la fiction

 







































Enfants de la fiction


Enfants de la désespérance, l'errance qui entre dans l'intermittence du temps, celle qui ondule le long d'une politique de discrimination de la natalité. Ce trop qu'une chine a intenté au risque de manquer cette féminité, ce double qui tombe sous les coups de l'idéologie étatique chinoise. Les peintures de Li Tiabing dénoncent ce manque contemporain de la féminité, allant jusqu'à exposer la politique de l'enfant unique sous Mao en Chine. Un aller et retour historique qui marque le sens d'un décalage entre les naissances d'hommes et de femmes encore aujourd'hui (malgré une reconnaissance plus large des naissances). L'artiste s'inspire de références contemporaines occidentales, tout en gardant une technique visuelle liée à son pays natal. Les couleurs sont parfois vives proches et/ou entourées de camaïeux, soit en monochromes de gris. Dans la représentation, Li transpose la vie des enfants sur une grande peinture où dominent encore le masculin. Subjectivités qui évoquent par un imaginaire collectif le même, l'identique, comme la solitude d'une société déconcertante, voir même fictionnelle.



Thierry Texedre, le 8 mars 2022.


Li Tiabing (1974-) Chine, artiste peintre, vit et travaille à Paris