mardi 3 mai 2022

L'anorgasmie du peint

 























[L'anorgasmie du peint]


Ali Banisadi (1976-)

artiste américano-iranien


L'envers du décors s'étend lentement, comme si la peinture devait se retourner telle une peau, pour montrer l'apparence d'un chaos ; c'est la chair dans tous ses états.


Un récit semble s'éterniser, se déterminer puis se dissoudre, comme si de regarder les peintures de Banisadi nous montraient l'envers devant, le devant de la scène s'entend. Tout porte à croire qu'une peinture se renverse, se replie quand son devant se trouble à poster le regard dans un va-et-vient incessant afin de faire reculer, de refouler l'instant d'une scène qui offre un ultime récit. Ne faut-il pas chercher à comprendre le chaos dans cette agitation, la polymorphie (multiples dimensions) d'une expérience intérieure ? Dans la peinture d'Ali Banisadi, il n'y a pas de perspective, ou de point « d'organisation de l'espace ». L'ensemble propose une certaine musicalité, point d'orgue d'une narration (l'abstraction) avec une symphonie de couleurs et de formes hybrides permettant peut-être une reconnaissance (figuration). Procès interminable de l'éloignement virtuel d'un impossible orgasme, ou du rapprochement sans cesse réactualisé de l'excitation, de la stimulation devant cette synesthésie des aires couleurs/sons d'une peinture programmatique. De probables personnages peuvent apparaître telles de fantomatiques créatures nous livrant à notre inconscient ce que le rêve transporte et transpose pour contourner un réel impropre, démontant la frénétique érotique que le peintre ici va détourner, profitant de l'anorgasmie de la peinture pour soulever un nouvel érotique. Si on retrouve une musique telle qu'un Kandinsky proposera une audition colorée pour exprimer la sonorité des couleurs, la nuance des formes interconnectées aux couleurs ; il semble aujourd'hui que la peinture n'a plus guère un intérêt pour une imitation de la musique.


Ali Banisadi, lui, interagit avec la musique dans ce qu'elle a du temps comme espace structurant, ce qui dépasse la peinture quand elle touche au musical par une contraction des gestes et des coups de pinceau (casser le geste qui va dessiner) traversant la perspective d'une formalisation picturale.




Thierry Texedre, le 3 mai 2022.