samedi 9 juin 2012

Méduse

Je crois que peu de gens vont adhérer à ce texte, et pourtant il faut le révéler en toute conscience: là où le sens se perd dans la bacchanale démente du possible humain, c'est l'alerte qu'un possible a bien lieu dans cet impossible, dans l'interdit du lien social. Les signes d'une barbarie toujours prête à remonter de ce fond funeste de la nature humaine. Serait-ce un état de ce que le rêve peut, lui, comme rêve double: rêve nocturne/diurne? Quelque part il y a du "désir de ne pas savoir", mais cette douleur dans l'abomination de l'acte démentiel du meurtre dans la "joie" va mettre le nom du "père" sur un "épuisement de la mort", dans un sadomasochisme du soulagement de ce "parlant", traversé par une "béatitude" du corps morcelé, puisque né d'une singularité sexuée.











AVERTISSEMENT CE TEXTE PEUT HEURTER LES ÂMES SENSIBLES


Méduse

Ah! Ah!! Jette-moi ce corps par la fenêtre... Non! Non! Je veux le bouffer (dévotion ou domination?...déportation...). L'avaler, le couper dans mes mains, malaxer sa chair et son sang encore chaud, juste pour voir mes doigts trempés, et voir ce dégénéré se vider (plus de liquide, que de l'inerte, et par là se voir perdre tout, se voir disparaître dans la possession, l'être possédé, boire le corps et le sang, ne plus faire qu'un avec l'abjection); le sang me monte à la tête!! Les deux horrifiques êtres, sans foi ni loi, se mirent à rire, jusqu'à s'époumoner, leur voix devenant méconnaissable. Les yeux énormes sortaient de leur orbite, ronds et injectés du sang douloureux d'un corps déchiqueté. Les morceaux étaient éparpillés, partout autour des deux compères. Sur un sol encore humide, trempé par les giclées du sang du mourant. On s'empressait de rassembler les bouts, dans un air détaché, vaguement absent, comme illuminé par quelque chose d'intérieur pressant tous leurs os, jusqu'à la peau qui avait la chair de poule. Un tremblement semblait les rassembler tels deux frères jumeaux, leurs gestes saccadés perdaient le sens des choses, ils sombraient dans une folie lyrique, où le passé allait rattraper le présent pour l'annuler dans ce néant vertigineux du jeu avec la mort. Tiens! J'ai trouvé la tête!! La tête! C'est pour moi! Je vais lui coller les bras sur les oreilles, avec le sang qui sort encore du cou... Le sang s'était coagulé et donnait des idées plus sauvages à l'un des deux locataires. L'autre, plus réservé, ne pouvait qu'apprécier ou éviter de donner son avis, de peur de finir lui aussi dans de multiples morceaux décharnés. Le jeu allait bon train, l'un rassemblait des morceaux des viscères, délicatement, en apprenant au fur et à mesure les bons emplacements avec une revue sur les écorchés dans la peinture classique. Les pages froissées devenaient illisibles et opaques à cause des doigts rougis par le dépeçage. L'autre s'amusait avec la tête, les bras, en méduse, se balançaient de part et d'autre du crâne rasé. Les trous des yeux disparus avaient reçu des touffes de cheveux, en guise de pleurs, d'une rivière de larmes. Les acolytes, dans une verve d'irrationalité, folie du présent impénétrable, du temps insupportable, tournaient dans la pièce, l'air égaré, le visage blanc, taché de coulées sèches et pourpres, en se balançant des bouts de chair désossée. Des cris, puis des hurlements, traversaient les murs jusque dans la rue où des passants s'empressaient dans la direction de l'entrée de l'immeuble. On eut dit un incendie tellement le sang recouvrait les carreaux des deux fenêtres, au premier étage...





Thierry Texedre, le 9 juin 2012.