AVERTISSEMENT
CE TEXTE PEUT HEURTER LES ÂMES SENSIBLES
Méduse
Ah!
Ah!! Jette-moi ce corps par la fenêtre... Non! Non! Je veux le bouffer (dévotion ou domination?...déportation...). L'avaler, le couper dans mes mains, malaxer sa chair et son sang encore chaud, juste pour voir
mes doigts trempés, et voir ce dégénéré se vider (plus de liquide, que de l'inerte, et par là se voir perdre tout, se voir disparaître dans la possession, l'être possédé, boire le corps et le sang, ne plus faire qu'un avec l'abjection);
le sang me monte à la tête!! Les deux horrifiques
êtres, sans foi ni loi, se mirent à rire, jusqu'à
s'époumoner, leur voix devenant méconnaissable. Les
yeux énormes sortaient de leur orbite, ronds et injectés
du sang douloureux d'un corps déchiqueté. Les morceaux
étaient éparpillés, partout autour des deux
compères. Sur un sol encore humide, trempé par les
giclées du sang du mourant. On s'empressait de rassembler les
bouts, dans un air détaché, vaguement absent, comme
illuminé par quelque chose d'intérieur pressant tous
leurs os, jusqu'à la peau qui avait la chair de poule. Un
tremblement semblait les rassembler tels deux frères jumeaux,
leurs gestes saccadés perdaient le sens des choses, ils
sombraient dans une folie lyrique, où le passé allait
rattraper le présent pour l'annuler dans ce néant
vertigineux du jeu avec la mort. Tiens! J'ai trouvé la tête!!
La tête! C'est pour moi! Je vais lui coller les bras sur les
oreilles, avec le sang qui sort encore du cou... Le sang s'était
coagulé et donnait des idées plus sauvages à
l'un des deux locataires. L'autre, plus réservé, ne
pouvait qu'apprécier ou éviter de donner son avis, de
peur de finir lui aussi dans de multiples morceaux décharnés.
Le jeu allait bon train, l'un rassemblait des morceaux des viscères,
délicatement, en apprenant au fur et à mesure les bons
emplacements avec une revue sur les écorchés dans la
peinture classique. Les pages froissées devenaient illisibles
et opaques à cause des doigts rougis par le dépeçage.
L'autre s'amusait avec la tête, les bras, en méduse, se
balançaient de part et d'autre du crâne rasé. Les
trous des yeux disparus avaient reçu des touffes de cheveux,
en guise de pleurs, d'une rivière de larmes. Les acolytes,
dans une verve d'irrationalité, folie du présent
impénétrable, du temps insupportable, tournaient dans
la pièce, l'air égaré, le visage blanc, taché
de coulées sèches et pourpres, en se balançant
des bouts de chair désossée. Des cris, puis des
hurlements, traversaient les murs jusque dans la rue où des
passants s'empressaient dans la direction de l'entrée de
l'immeuble. On eut dit un incendie tellement le sang recouvrait les
carreaux des deux fenêtres, au premier étage...
Thierry
Texedre, le 9 juin 2012.