mardi 13 octobre 2009

Penser

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Donatello fend de sa pierre l'enterrement, par l'entremise de la coupe. Coupe de tête, n'est-ce pas là comme un retour sur notre siècle qui tourne tête sur pieu, l'exposant au nombre grandissant des songes imaginés sans tête? L'enterrement en tête qui vaut pour toute pensée, en moins sa corporéité, sauf à la sculpter? ouvrage à produire comme fin de tout objet ayant un lien (son lieu) avec la représentation. Cette matière par enlèvement, manque son temps à vouloir penser, à sculpter et scruter cet horizon mis en perspective. Pourtant ce pouvoir de penser sans tête est un pouvoir d'existence. Notre siècle invaliderait-il le corps, sauf à le couper? Vision partielle ou visitation de l'esprit mis sous la tutelle de sa matière? L'esprit contemporain ne pense qu'à «dépenser» et soustraire du nombre cette osmose hors du temps qu'est l'acte même de penser. Le nombre consommé, comme on aurait dit consumé, pour avoir cru penser en un temps: celui de l'identique. L'étirement du temps de la Renaissance est le même que celui du XXIe siècle, coiffé au poteau par l'inertie de l'unique, trempé et traqué par le nombre: celui des corps humains déshumanisés pour avoir préféré la jouissance à la loi. L'enlèvement de la tête humaine passerait par un pouvoir lié à l'hypostase. L'effacement récurent de l'esprit de chair au profit de la chair eschatologique. Enterrement intrinsèque à la chose absente, celle dans la tête de laquelle dort l'enseigne d'une pensée/action. Penser serait donc une liaison entre ce corps mis en discours, clos, entier, et un corps sans tête, corps obtus.

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Est-ce une vérité que ce risque d'altération de la pensée mise à sac par une protubérance incommensurable de l'image/ dépense; exorbitée l'image taille, coupe, sape, retire, vide pour mieux boucher sa raison. La décollation, elle, n'a de symbolique que sa mise en vraisemblance du délire mis en étirement dans un autre délire, cause d'une vérité autre, tentative de sortir de la psychose. La peur, engendrement d'un autre récit, va couper court à la jouissance, pour tenter une transsubstantiation L'être n'est être qu'à consumer sa terreur, de prendre en chasse la dépense. Tentation de restituer à cette subjectivité la dérive de son fou vers la lettre. Lettre/ analyse, écriture/sémiotique, dire/ questionnement, pour opérer une une sortie en deçà de la voix: pluralité du corps livré au retranchement du commun, à sa mise à niveau par le sujet comme identification en temps réel de l'infini, réserve de la mémoire mise en tampon. Début d'une histoire où l'autre pluriel va fournir au sujet matière à vivre. Les réseaux liés au cortex vont s'expanser, la vie trouve ses marques dans la résolution de tentatives d'évitement de toucher la mort cellulaire, celle-ci va exister ultérieurement pour clore le débat interminable de la raison face à l'hétérogène immensément touché par les sens du corps en chair: schisme qui confère au commun une vraie autorité sur le sujet trop occupé avec la corporéité mise à nu. Il est à noter que le sujet va disparaître au niveau du temps vécu, pour vouloir penser, et que penser ici, ne sera pas structuré comme le langage écrit. L'oral y puisera son être, mais pas la pensée. La pensée mord à pleine dents pour se maintenir en tant que fonction d'interception, dans des réseaux complexes, de la dopamine, parmi les neurotransmetteurs actifs dans le cerveau. Point de lien avec le plaisir, mais une déferlante de signaux qui vont innerver et irradier l'organisme tout entier, le mettant en catatonie partielle. La motricité du sujet est alors pour le moins mise en "temps libre", évanescence apparentée à quelque chose qui ressemble à un état de dysfonctionnement motriciel. Penser coupe tout rapport avec le réel, sauf à le construire avant son apparition, construction qui n'est déjà plus intuitive, puisque soumise au manque de plaisir, réalité du lien social avalisé en expulsé/oralisé. L'action est l'indice/signe que le sujet se met en état libre de conduite commune, en conductibilité pour rompre avec une fiction, rompre la chaîne parlante reconnaissable, et saper toute institutionnalisation de son fou.
Texte mis en signe distinctif: que penser n'est pas encore de l'ordre de la perception.
Thierry Texedre, le 13 octobre 2009.