Lettre *
L'air du temps
Je pleure cet instant dédié au risque
de la disparition, ce vol irrésistible en sauts, m'esclaffant que
rien ne vaut ce regard en suspension dans la poussière de l'air
respiré. J'aspire au repos paisible qu'un train d'enfer rapporte du
fond des âges, par tant d'amertume, tant d'inexistence, et que ce
corps douloureux enveloppe. Tour de vis de la chair qui bloque,
fracasse, enferme par tous les temps, pour émasculer ma mémoire. En
feintes, l'air du temps me joue des tours, jusqu'à me couper la peau
en profondeur, pour laisser sortir le malin qui s'évertue à jouir
d'une probable diminution de mon amour pour l'autre. Je rase les murs
dehors, et dedans ma chair se remue pour essayer de passer outre en
sortant, pliée depuis le fond, pour me laisser jouir l'éternité
que ce corps fatigué m'interdit. J'ai mal aux mots jusqu'à les
faire sauter, il faut bien encorder pour tenir bon, c'est la seule
façon d'extraire la vérité de cette inépuisable intensité du
drame de la vie. Relique du désespoir, je crois de plus en plus à
cet appel du dedans qui m'indispose, me rétracte, m'emporte depuis
la fournaise du clapotis du sang, debout, pour me risquer à une autre
parole ; serait-ce un schisme avec "ce croire" ? Outrage d'entrer
dans l'exacte opposition avec un regard amoureux qui immole mon âme,
jusqu'à noyer mes certitudes sur la mort. Depuis les débuts de la
vie osée, je « crois » à courir après ce qui montre la
mémoire pour identifier le nœud la « sortie » d'un
présent sans fin. Pleurs de l'inséparable ouverture au monde du
corps qui me hante, m'esclaffe, m'introduit dans la noirceur inventée
d'un lumineux départ de l'envie en frasques fistés par
l'écartèlement des membres jusqu'à la douleur extrême de la fin.
De cette foutue fournaise qui m'inocule la mort en catimini, j'ergote
sans arrêt, sous l'emprise d'une autre servitude ; la
reconnaissance de l'autre, pour m'immerger dans l'indifférence du
même. Pouvez-vous m'interdire de croire, ma peur est immense, croire
serait au bout, cette chute dans l'immensité de l'infiniment vrai,
de la détermination à n'être qu'à condition de n'exister qu'en
paroles raccourcies par l’œil de l'étreinte. Sachez que mon mal
est ce tremblement interdit depuis l'os qui frôle la cassure.
Thierry Texedre, le 22 avril 2016.
*Ce texte est supposé être une fiction.