Lucy Bull entre abstraction et perception
Lucy Bull est une artiste peintre américaine, née en 1990 à New York et basée à Los Angeles, reconnue pour ses toiles abstraites à la fois denses, évocatrices et organiques. Vit et travaille à Los Angeles depuis 2014
Abstraction
Lucy Bull crée des œuvres abstraites, souvent saturées de couleurs mouvantes et d’entrelacs de formes fluides. Ce ne sont pas des images que l’on "comprend", mais plutôt que l’on "traverse". Elles évoquent une sorte d’hallucination sensorielle — des "états" plutôt que des "objets". Son abstraction est moins géométrique que psychédélique, organique, hypnotique. Elle évoque ce moment où la perception devient instable, où l’œil ne sait plus ce qu’il voit — et c’est précisément là que quelque chose d’inconscient, de corporel, se manifeste.
Points d’entrée, états de conscience
Lucy Bull évoque des "points d’entrée" que l’artiste perçoit — cela semble très juste. Bull parle souvent de sa peinture comme d’un espace où le spectateur est invité à entrer, non pas pour y trouver un sens, mais pour faire l’expérience du temps étiré, du trouble, du flux. On peut voir cela comme un état de conscience altéré — un seuil, entre veille et rêve, entre corps et image, entre langage et silence.
Langage et corps, désir et manque, perception
« remettre la langue dans sa dépendance au corps, celui du désir quand le plaisir y fait défaut ».
C’est là que l’on peut peut-être approcher l’œuvre de Lucy Bull avec une lecture psychanalytique ou philosophique, à la Lacan ou à la Barthes : ce que je dis, c’est que l’image (ou la langue) ne tient plus sans le corps, que la signification se délite quand le plaisir n’est plus là pour la soutenir. Ce que Bull peint, c’est peut-être ce manque — ce lieu sans mot, sans sens, où le désir persiste mais sans objet. C’est un espace de désorientation jouissante, qui pourrait évoquer justement la perte du paradis — non pas comme mythe religieux, mais comme expulsion du sens stable, de la représentation rassurante. Lucy Bull passe de longues heures, voir des jours à peindre plusieurs toiles, sa perception, sa vision est immersive : toiles vastes, souvent hors cadre conventionnel, créant un extension de l’œil, une tension périphérique de celui-ci. Dans cette descente dans les arcanes de l’infini, dans cette tension obsessionnelle, la peinture transcende sa matérialité, son objet impossible, comme si le temps était dépassé, sans présence ; Lucy Bull alors nous montre qu’il est inconcevable de résister face à un réel qui plie le plaisir pour faire respirer un corps encore capable de rêver. S’il y va de la transe , c’est parce que la transe devient une « relique » à l’indéfinissable déclinaison du corps en tension ; dans les mains du peintre qui doit mettre un coup d’arrêt à la conscience , de sa perception.
Lucy Bull est aujourd’hui une figure montante de l’abstraction contemporaine : formée au painting gestuel, elle mêle rigueur et intuition pour créer des mondes visuels hypnotiques.
Sa peinture explore la liminalité entre chaos et forme, invitant chacun à une lecture personnelle – comme une expérience presque chamanique.
Thierry Texedre, le 14 juillet 2025.