lundi 13 mai 2024

Incidence














 























 Incidence



Io Burgard nous met dans l’embarras quand elle laisse passer cette chose dont on sait déjà à qui ça s’adresse. Il faut que ça se passe avant. Et puis ça peut rester un peu dans notre mémoire, mais un certain délitement de la forme commence à dénaturer l’image qu’on s’en était fait. L’artiste n’a rien à entendre de ce qui se formalise ou non sur la toile. Pas plus que la chose peinte n’a à voir avec une présence, celle d’un réel qu’un corps qui peint n’a de cesse de se sortir, par quel souvenir, par quelle irruption de son devenir fragmenté.

L’artiste peint tout en dessinant. Je veux dire par là, qu’elle dessine ce qui est en devenir, d’un devenir qui s’en suit comme « plâtré » dans nos rêves ; et nos fantasmes incertains retranchés alors dans cette chose sans incidence pour un corps en volume, un corps déjà trop tombé dans ces incantations frivoles qui frappent. C’est l’encensement général de celui qui reconnaît. S’il s’agit ici de fiction, ce n’est pas pour déshabiller un corps, une chose, une insignifiante présence à découvrir, à reconstruire, à assembler, mais certainement pour partir d’un réel, le tisser, le hisser au plus près de ce que la vue tente de satisfaire à trop voire pour moins comprendre. Io Burgard innove puisqu’elle peint partiellement la chose peinte (Celle qui ressemblait au temps de la peinture figurative qui découvrait la perspective, ce qui s’en suit de l’impossible fixité de l’être.). Il ne reste plus qu’à montrer ces mélodies de fragments qui s’inviteront au bon vouloir de notre vision, à la reconstitution d’une figuration alternative et fictive. « Le dessin est un espace où l’imagination ne connaît pas de limites. La sculpture permet une matérialisation concrète de cet imaginaire. » Peut-on remonter jusqu’aux peintures pariétales ? Les cavernes ont figuré ce que la sculpture aujourd’hui dans sa saturation, son isolement, sa décollation même de la peinture, un transfert sur cette voie royale qui s’ouvre au publique, de ne voir qu’à la condition d’« a-voir » peur. De ne pas savoir ce qui s’y trame de ce destin, du dessein d’une peinture qui frappe à la vision d’un corps contemporain en train de passer par son propre volume comme référent, affleurement de la matière sur la question d’être lié au monde, à l’animalité du faire pousser par la peur d’une fin ; la faim commence à peine à naître.

Ainsi, Io Burgard parle une langue qui est en osmose avec un corps qui délite, délimite par sa représentation sculpturale un essai pour le destin d’un dessin sans incidence, et qui recouvre alors l’histoire de l’art ; où serait la conséquence de quelque chose qui pour le moment n’a plus à voir avec le corps ?



Thierry Texedre, le 13 mai 2024


Io Burgard (1987-)

artiste peintre dessinatrice et sculptrice française

née à Talence (Gironde, France)

vit et travaille à Paris