samedi 30 janvier 2021

De la fuite comme blessure

 









De la fuite comme blessure



L'art de peindre prend acte de l'impossible réquisition de la couleur du temps. Une peur s'installe, se situe, se montre devant la toile, plus que dans ses plis ( ceux de l'improvisation de l'acte même de peindre), trempe et tremble d'une opération entre le discernement et une faille : où aller quand du dessin on entre pour affronter les ténèbres. L'univers s'entend, s'étire, se marque, tel un feu venu de cette feinte, soi de reconnaître la loi. La loi qui régit les couleurs dans leur ontologie du sacré. Un sacré qui donne « sens à la nuit » du temps fantôme.

Chez Arnaud Martin, l'art du traitement de toute figure passe par l'insoumission à l'histoire, celle d'une peinture figurative. La figure est exhaustive ou exsangue de tout réalisme ou interprétation symbolique qui vide le temps de ses archaïsmes (fissure de la mémoire). Ici, des « créatures » (non archaïques) sortent ou rentrent de leur figure (la pesanteur du corps humain devant ses peurs), pour affoler le schème symbolique (le squelette d'une action, son dessein), le retirer ou l'interner dans l'impensable

risque d'une résolution picturale. Le peint met en avant un état hybride où l'ombre et la lumière blessent la couleur, jusqu'à montrer la forme, une sorte d'existence qui nous peuple.

Un rêve affronte l'animal, celui qui jaillit d'un « soleil noir », le rêve d'animaux oubliés. C'est le sexe d'un nouveau monde. Arnaud Martin poétise la peinture. Il lui libère cette lumière au bord du réel, pour contourner le format défini par le peintre. De ces contours sort l'improvisation de l'être et son contraire. C'est cet œil qui fait souffrir un corps qui naît. Ni humain ni animal. Un nombre inconstant de corps-animaux qui dévie d'une mémoire l'observant. Des créatures qui ensemencent le vide dans les cendres du présent amer. Dans un effondrement des ténèbres. Les couleurs sautent à l’œil, elles semblent nous parcourir dans les sables dissous de nos paroles indistinctes.

On comprend mieux cette blessure qui se dresse au retour de ces corps ancestraux.




Thierry Texedre, le 2 janvier 2021.