De
l'invalidité naît cette occlusion, occultation de la vie
intérieure. Faut-il se remémorer, substantivement comme
si le poids de la mémoire devait transfigurer l'état de
déliquescence d'un corps dépassé? Quel songe
peut rivaliser avec ce corps-tronc qui saute de ces lieux invisibles
en temps réel vers d'autres incertitudes de la violence d'un
agir? S'agissant de cette lenteur, de celle qui est en état de
pesanteur, dans une réduction gesticulatoire telle qu'un viol
peut endommager un corps, le couper; mémoire du membre abîmé,
plus enfoui, celui manquant! Le temps passe et le corps effacé
draine une multitude d'empathie envers une interminable fixation sur
l'un, osmose irrésolue, pour inventer un corps d'amour, un
objet double: corps ossuaire et corps figural. Quel corps mort pour
être désarticulé va rencontrer la force éruptive
de celui inventé comme transporté par l'esprit qui
figure un corps lumineux, corps qui rencontre l'acéphale pour
l'inverser, le forcer, le renverser comme si la vie passait par son
envers, tête sans corps, corps voué à l'invention
d'une tentative d'extirper au tronc cet essentiel que la mémoire
reconnaîtra en faisant pousser ce corps hors de ses organes
abominables. Un passé déconstruit, pour chasser sur les
terres d'un présent illusion, mais présent qui ondule
sur les pas de l'affect. Terreur de l'image réelle, dans une
charge émotionnelle qui fabrique du sens, multipliant ainsi
les images de ce corps blessé, et guerroyant avec ses plaies
béantes, cicatrices de l'invulnérable essai de vivre en
coupe, de biais, œil plus ample que celui d'une normalité
désignée comme telle. Corps tenaillé corps
rescapé, corps de la résolution, de la dissolution des
maux dans l'anonymat d'un corps dramatique. L'envol de l'oiseau de
son nid, oiseau sombre au milieu des champs de blés, un jour
d'août, chaleur accablante, au loin on aperçoit quelques
corbeaux sur une ligne d'horizon rougeoyante. Ce corps qui tend les
bras dans leur direction, juste en imaginant ses bras, ce corps tronc
assis devant tant de beauté...
Thierry
Texedre, le 5 août 2012.