jeudi 25 août 2022

L'orifice bleu

 


















L'orifice bleu


Sur cette plénitude du corps visité

la pensée qui trousse et se trempe

à satiété de n'avoir envie de rien

le rien est la dépendance au tout

voilà la rencontre du corps caverne

qui s'ouvre lentement aux plaisirs

usés de la couche froissée du temps

l'incendiaire du désir de l'autre éludé

par l'apparition sucrée jeté sur le sacré

hors du secours escamoté par l'envie

entrant dans l'impensable raisonnement

d'un grand tremblement des os rongés

par l'effervescente descente aux enfers

du corps médusé par le pouvoir intime

sur la vue de ses ivresses tantriques

lente agonie de l'indécidable pensée

pour fuir le temps malhonnête du vide

au loin qu'en est-il du carnage vital

de la détestation de la peur de la fuite

aussi vers ces opportuns festins

charniers qui frôlent la jouissance

ça joue donc et ça jubile gentiment

avec l'esprit comptant la mémoire

et les os et la chair et le tout dépecé

jusqu'au sang versé dans les grandes

rivières d'un coup pour occulter le trou

l'orifice bleu de la vue naissante

le commencement n'est pas encore résolu

le déluge a encore de beaux jours

à supputer à inventer cet objet tant désiré

d'un esprit trop indolore pour penser

sa sortie en coin chassant les effluves

du tableau qui récite les sacrifices

d'une peau délibérément occultée

à cause de sa misérable disparition

montrant par ce petit œil incertain

la licencieuse pose la poésie occulte

dans les profondeurs de l'anus solaire.




Thierry Texedre, le 24 août 2022.


dessin de Gaël Davrinche (Fillette 01 technique mixte sur papier 17, x 22 cm 2019)

peintures de Thierry Carrier (Sans titre, série L'enfer 1,3)







samedi 20 août 2022

Histoire d'une migration









































Histoire d'une migration


Ne pouvait-on pas se résoudre à tenter d'entrer en communion, dans ces espaces en apparence familiers, et au demeurant toucher nos esprits en les peuplant de senteurs olfactives enivrantes, pour ne plus raisonner une fois, un temps passé à reconnaître quelque chose d'autre peut-être, ici, pourquoi pas d'en montrer un peu d'une perspective intelligente, d'une peinture qui figure, se figure devant nous comme d'une certaine liberté qui déconcerte, un engagement sur des voyages imaginaires qui rencontrent notre divertissement à jouir autrement de ces paysages métamorphosés.


Daniel Gibson nous promet un voyage dont on pourrait croire qu'il fut sans histoire, alors qu'en entrant dans les méandres de ces reconnaissances visuelles, aux portraits énigmatiques et où aucun récit n'aura de sens qu'à le montrer autrement, pour l'écouter se reconstituer en histoires d'un autre usage, celle peut être d'une iconographie autre, moins aride que de celle qui nous importe, occupant nos pupilles, nos oreilles et nos goûts invulnérables à l'inconnu, au vertige de ces natures vivantes devant nos yeux, ici exposées.


L'enchantement résiste au temps, la peinture s'occupe du temps, elle le libère de ces artefacts dont la puissance n'a d'égale qu'à désenchanter la parole, la rendre caduque puisqu’elle ne peut plus rencontrer que le « même ». Entouré de paysages désertiques, l'artiste sort de sa réserve en nous emmenant dans ces plages où des fleurs, des feuillages, des animaux, des humains, se mêlent telles les imbrications de Pablo Picasso saisissant notre vision pour la détourner du centre, de ce point focal qui met en perspective nos illusions. Dépassant le surréalisme, morcelant l'expressionnisme de la peinture allemande, Gibson s'en remet au langage pour démonter la visualité de l’œuvre créée, dans une mise en mouvement du concept de rétroaction en peinture ( « Cette fleure, a-t-elle des bras et des jambes », exemple de contournement du réel).


Si nous ouvrons grand les yeux sur les couleurs ainsi exposées des peintures de Daniel Gibson, c'est pour y découvrir ces couleurs vives, mais jamais agressives, poussant une reconnaissance certaine des formes peintes, justement, à l'instant précis où de ces couleurs naît l'irréalité marquante de ce qui questionne alors la vue jusqu'à celle d'un déchiffrement qui musique et peuple notre aptitude au langage parlé. Il y a comme une lutte. Les couleurs migrent jusqu'à « décentrer » les neurones de leurs aptitudes à inclure.


« Il y a toujours trois histoires dans un tableau. L'histoire que vous voulez que les gens voient, l'histoire que vous cachez pour la révéler plus tard, et la vraie histoire étant la vérité. »

« Les terriens deviennent plus forts grâce à la lutte. C'est comme ça qu'on a réussi à ne pas s'éteindre. Nos masques ont aidé. Et les enlever est difficile. »




Thierry Texedre, le 20 août 2022.



Daniel Gibson (1977-)

né à Yuma, Arizona

artiste peintre américano-mexicain

vit à Los Angeles, Californie







 

mercredi 3 août 2022

Les voyages fantômes de Francisco Sepùlveda

 


































Les voyages fantômes de Francisco Sepùlveda


Si vous rencontrez un artiste qui vous plonge dans les abysses de ses peintures, et que vous vous laisser emporter et voyager et sombrer, allant d'une source à un autre espace sans jamais vous y retrouver ni reconnaître quoi que ce soit; ne cherchez pas plus loin, vous êtes bien chez Francisco Sepùlveda !


L'artiste conjugue dans ses peintures certaines références à ses racines sud-américaines et ses voyages allant des contes et légendes aux rivages des rêves et d'une réalité trop hallucinante pour ne pas l'avoir recueillie sur la toile. La palette est pour le moins sobre et pourtant exubérante, conjuguant la magie et le mystère du temps présent que nous dépossédons à mesure que la mémoire s'invite au refus. On devine devant chaque toile un certain apaisement rythmé par des contrastes gradués. Certaines surfaces montrent des aplats recouverts de pointillés, ou encore des parties hautes décomposant le spectre d'une microscopie indéfinissable. C'est un monde qui éclaire du dedans, développant une musicalité contemporaine, car c'est dans cet instant instable de la dilution et de la perturbation des rituels que s'ordonne un monde éclairant et illusoire, ici démontré par Sepùlveda. Un monde d'animaux collés, attachés, ou arrachés aux humains comme par magie, pour saisir cet espace de l'esprit retors qui nous gouverne. Le regard du spectateur lui, tremble à calquer son réel à celui du tableau. Une insécurité s'ouvre et se referme sur une mémoire différée, allant plus loin un temps après, vers les songes réparés de nos livraisons, au-delà de ce que nous a donné à voir l'artiste.

C'est une peinture qui voyage ainsi, nous proposant de fantomatiques perspectives, pour nous permettre peut-être de toucher à cette réappropriation d'une croyance addictive, une certaine drogue inconsciemment réparatrice, dénouant de nos injonctions euclidiennes toujours en vigueur par notre équation quotidienne du temps, sans cesser de nouvelles légendes.



Thierry Texedre, le 22 juillet 2022.


Francisco Sepùlveda (1977-)

artiste peintre et graveur chilien

né à Santiago du Chili

vit et travaille à la frontière Suisse








L'oeil induit de la lumière




























L’œil induit de la lumière


Ce qui conduit quelqu'un à faire quelque chose ici, ce n'est certainement pas une action (celle du peintre qui veut s'en sortir du traitement de la chose peinte), mais un effet déplacé de sa primitive induction. L’œil de quelqu'un, l'artiste qui trouve dans ce quelque chose qui n'a plus à voir avec l'objet de la peinture, et qui pourtant s'en remet à la rétine, au risque de la lumière qui diffuse devant soi, dans l'espace, plus largement s'en sort mieux peut-être, dans une réticence à l'espace rétinien qui structure l'objet d'un regard temporellement projeté. Projection d'un état de dépendance du regard au peintre qui va sortir du signifiant cette matérialité de l'acte de peindre, pour en extraire par bribes, projections, une lumière qui définira alors la représentation comme temps de la production en perspective de la lumière, là, un travail avec la lumière électroluminescente.


James Turrel nous montre alors une direction (parenthèse que l'histoire de la peinture nous offre quand cette lumière prend une part plus importante dans la mise en forme et la perception des couleurs dans l'espace du tableau ; mais la lumière ne prend-elle pas effet dans une inscription de l'ombre portée de tout corps dans la représentation picturale ? ), accentuation de la mise en lumière jusqu'à l'excès, transmutation de la fin de l'objet en surface dont la profondeur n'aura d'égale qu'à prendre en charge ces lumières LED pour inonder un corps devenu volumineux, néant. Absence reconsidérée dans une inclusion de l’œil, une expérience éclairante qui s'ouvrira au sublime dans le risque qu'une peinture expressionniste abstraite américaine ne cessera de traduire au début du vingtième siècle. Aujourd'hui, de nombreux artistes sont sensibles à ce travail de l'excès dans la lumière, mais encore, on traverse d'un pas, je dirais de biais, ces interrogations pour n'en garder que l'expérience projetée (par ces lumières inondant l'espace tridimensionnel et celui du réel inclusif, laissant au risque philosophique de la toile tendue l'étrange destin de sa mise en suspension du réel, de le déterminer à partir de son sujet peintre et de sa translation sur un objet, en l’occurrence le tableau.). Point d'ancrage que James Turrel nous montre quand ses espaces réservés semblent attirer le spectateur comme dans un monde où l'espace matériel est devenu irréel, tendant à nous rappeler par instants la peinture, son histoire, mais encore une mise en mémoire du réel qui pourtant inonde nos va-et-vient dans l'espace recréé par Turrel. L'artiste troue tout lien avec l'espace (le lieu) dans ce qui nous est donné [objet/lumière], pour mettre l'esprit au centre de la polémique qui présente l'incidence que l’œil exerce comme excentrique, puisque sans espace, l'esprit dérivant vers ce que la peinture traduit de la lumière (à cause de l'espace déterminant toute action de l'esprit).


Notre esprit n'a de cesse d’interpoler la lumière qui ne demande qu'à être éclairé par les espaces colorés de James Turrel.




Thierry Texedre, le 1 août 2022.


James Turrel (1943-)

artiste américain né à Los Angeles

vit et travaille en Arizona et en Irlande