mercredi 30 novembre 2011

Première station












Départ chez Barnett Newman peintre, passage chez Thierry Cauwet aussi, visite chez Judit Reigl peintre; dans un envol du sublime chez l'homme, partagé entre cette "expérience éclairante" de la couleur, et d'un corps qui martèle ce cri incessant d'une parole toujours "déjà" en devenir. Histoire de bien voir que ce qui se trame ici est loin de ce départ, mais avec comme symptôme la peinture - celle d'une dépense à venir - ou comment sortir la parole de son dire?


Un court instant ce ciel s'ouvre pour laisser passer une ode, un chant, une certaine altération de nos sens. Ivresse de cette usurpation du temps par l'homme éteint. Étreinte de l'éternité, un cœur envoûté par les chants de ces envolées, anges gardiens peut-être, gardiens du temple, lumière du crépusculaire humain. On s'évanouit du réel quand ce silence vient à manquer. Solstice d'hivers, grands froids de la parole, parabole du dire enfouit sous une myriade de feuilles rouges. Le sanctuaire de l'homme rencontre une autre invalidation de la mort, jusqu'aux confins de l'univers. De ces corps extasiés devant l'infiniment grand de l'univers, sort cette secousse de vie, illumination en d'autres lieux, lieu de l'étreinte de l'âme avec l'au-delà du corps dédié au mal de l'être, l'être s'élève dans un redressement de l'incontournable bestiaire de l'homme. Le très aimé rituel de la dévoration de l'être occulté, pour s'être mis en posture de jouir dans l'infini dedans du corps. Excommunié pour avoir vu, de l'image, vu en cris du fond cadavérique du corps, en mots. De la décomposition de l'être, s'éprend le redressement du corps en image. Juste retour d'une croyance hautement mise en couleur par ce redressement. Zip du corps tombé en étreinte avec cette somme découpée dans la couleur, passage de Dieu vers l'infini pénétration dans l'ultime jaillissement de la pluralité des corps. Traversée d'un lieu social astreint, occulté par cette séparation de la matière. Les cris s'évadent du fond coloré pour venir dramatiser, en râles obscurs, l'éventration du temps. Le temps être n'est plus qu'une demeure, passage austère du vide vers cette nuit d'un tracé noir, forcé dans l'ocre jaune du carré découpé et posé sur ce vide: celui de la présence, de la représentation. On aime parce que ce corps pressé n'a pas encore été, de l'être remonté à l'origine de la vie, de la mémoire qui fait défaut, jusqu'à manquer ce parlant. L'être parlant c'est le corps dédié. Corps de la résurrection, celui de l'imploration, zip en retour, pour se poser devant. Cathédrale que cette peinture qui vous emplisse de joie. Béatitude que ce temps de l'envol de l'homme déplié dans l'infini. L’œil n'est plus maître, mais faille. Le jour se lève, les bras tendus, le corps espère encore revoir, mémoire de l'avant, le corps n'est pas fait pour vivre la chose, mais pour s'éloigner d'elle. Choc de l'être et de la Chose. La chasse à l'homme est lancée. Damnation du temps qui use le corps vers une mort annoncée, celle de l'éternité. La peinture s'y pose, nous met dans quelle posture? Une irrecevabilité de la conscience, première station de l'enterrement de l'esprit.

Thierry Texedre, le 30 novembre 2011.

samedi 26 novembre 2011

Sommeil en temps réel




De cette somme athéologique dont nous héritons, somme toute ne faudrait-il pas revenir sur le sommeil que présentement nous n'avons de cesse d'altérer?
Faute de mieux, les inconditionnels de la veille, vont de loin, échafauder un élogieux parcours temporel propre à mettre un ersatz identitaire, collage-exutoire, sur ce faux-semblant qu'est le sujet parlant. Aucune vérité sous ce chapeau, sinon de temps à autre un salut un peu indifférent du revers de la main qui prend le chapeau pour aérer le sommet de l'indifférence.
On serait loin alors du sommeil, qui lui, sauf à prendre acte de la dormition, n'a plus l'ombre d'une écriture possible vers l'accès au rêve nocturne. Une signifiance autre qui prend alors pour écriture cet accès à l'écriture automatique, plus hétérogène, puisque peinte (voir les écritures de Judit Reigl). Le corps est pensé (mort et montée du rêve-instauration d'une présentation de la chair comme pré-pensée), dans une élévation qui serait parallèle à l'inconscient du sujet de l'introspection.
Le rêve diurne lui, est une transition d'états d'âmes vers un pôle du réel qui n'est transposable qu'à rencontrer plus avant le travail analytique du peintre. Le peintre voit ce qu'un sommeil vaut de dormir vers cette fin immémoriale qu'est la mort mise à «plat» par le peintre.
Un autre peintre range ce corps livré au sommeil permanent, dans un relèvement de cette peinture, qui pour être vue, n'en est pas moins prise dans la transparence d'une veille arythmique; je veux parler de Thierry Cauwet. L'étreinte en tant que lien avec cette peinture exposée, est celle du corps de la dormition. Notre jeu balance entre veille et sommeil, pour penser ce corps en sommeil. Plus important encore que le dire saturé de notre contemporanéité, le sommeil prend une part dévorante de la représentation du vide/plein d'un corps exposé à ce double dilaté du voir/aveuglement, comme perception d'une transparence.





Thierry Texedre, le 26 novembre 2011.

mardi 22 novembre 2011

Strates



1


Soulèvement du court instant, trépassant, se régénérant une fois les coups passés. Coup du pendant, de ce temps qui monte, se met en place, se souvient, s'évertue à vivre. Quelle grande carcasse peut sonner aux portes du temps, de cette secousse du temps qui se referme sur la lecture du texte, écriture sous un autre temps. Tempérée, l'écriture devient vite exorbitée, rivée sur un corps dépoli, passé sous silence. L'infection s'empare de quelques feuilles, couches du temps apostrophé par le bras. Couvert par quelques irruptions sous la peau, le corps s'évide peu à peu, pour se découper, se coller se souvenir peut-être. Peut-il se rétracter à ce point pour que la mémoire ait lieu? Possible, risque d'altérité du dire à rebours ou en devenir? Le corps s'évade, s'élance au dire de sa monstruosité d'être. La musique ne peut apporter, au vide qui traverse la surface peinte, que ce risque inexploré d'exister, pour taire un corps plein.


2

De quelle mémoire parle-t-on? Mémoire qui touche à l'infini ou celle antérieure qui ondule dans un risque social, risque d'un enfermement dans la Loi, objet d'improvisation du dire enfermé dans un fini illisible. Le temps présent, lui, représente la chose illisible et transparente. Une imposture de l'image qui se tord, se déforme, se rétrécit en songes. Qu'il rétrécît en songes, si le temps du corps n'a pas encore de lieu. Le lieu du corps serait celui d'une altération de la mémoire. Un sujet soudain, serait pris dans l'emportement d'autres corps croisés (identification liée au reflet dans un miroir de son propre corps), pour visiter ce rien, du dedans d'un corps, pour y rencontrer un nom, puis une identité, mais découpée (le temps ici passe, pour interpeller le lieu ouvert d'une succession de présent, vitesse de l'image, Futurisme?). Virtualité du temps et de son corps mis en transparence. La mémoire se met à construire des lieux opérant comme dans la construction d'un lieu-offrande. La pensée se manifeste alors pour ordonner ces formes, peintures aux contours découpés dans la couleur (on entend par là une rencontre avec l'espace déjà représenté derrière la peinture actée, en vues multiples, pour inventer une suspension du temps). Cette peinture est une suspension, poursuite d'une multiplication des errances, pour trouver à un moment indéterminé, l'hystérie (la parole manque son objet), rencontre recto-verso d'un même temps, le présent (ce temps est un temps découpé). Le présent est une imposture, sa Loi est une mise en demeure de la mémoire dans un vréel usurpateur. Le réel remonte jusqu'au fond transparent du corps plein, pour en sortir vraisemblable, et atomisé. La parole s'évacue, par un dire impuissant à rencontrer sa vérité, celle de l'écriture spéculaire, acte manqué du temps évacué par l'apparition de l’œil introspectif qui se relève de la peinture.


 

Thierry Texedre, le 22 novembre 2011.

jeudi 17 novembre 2011

Carnaissance



Je ne nommerai jamais assez l'excellence du travail de Thierry Cauwet, comme l'un de nos très grands peintres de cette première moitié du XXIe siècle, période contemporaine qui ferme celle du "corps plein".



Sans se compromettre, le temps pousse à jouir, quand le corps se vide de sa chair; état de la détention de la peau par ce fond dur, os impossible à traverser. Impossible visitation du temps dans cette dureté ordinaire. Décomposer les oblitérations du corps, en un traitement transparent des vestibules. La chair se met en état de vie, pour emporter ce corps dans sa transparence. Le corps est dépossédé de la chair puisqu'il pense. Penser pour l'homme c'est contourner le fond, pour rencontrer la transparence d'une déploration du temps: la vie finit par traverser ce corps plein, pour le couper du cœur incessant du battement de la transparence. Le va-et-vient du dedans du corps, soudé à ce durcissement temporel contre lequel la chair se colle, va se magnifier en une peau transparente, celle du dehors qu'un corps peut penser en un dessin: destin de l'homme qui met en perspective la multitude de lieux de la chair jouissante. La peau tire parti de ce rapprochement du temps et de la transparence du corps. Pour exciser, trancher, couper, dépecer le corps qui pense: pour avoir oppressé ce désir insoutenable, et  cette trouée, découpe incessante du corps en peintures-mémoires de la pensée emportée dans l'infini: retournement de ces surfaces transparentes. Arrière, devant, coté livré à cette suspension du temps qui pense, pour toucher ce mystère: quelle jouissance peut exister dans un corps en creux? Sinon quand celle-ci se livre à d'insoutenables exactions de la chair mise en peinture. Rencontre et attraction de ce corps suspendu, pour qu'un désir infini aie lieu: le lieu de telles surfaces recto-verso. On rend compte de ce qu'un corps peut de penser, sauf à reconnaître ce corps peint. Le corps ici serait une mise en acte de la mémoire à rebours. Comme quelque chose qui est représenté, et qui n'a pas encore lieu, sauf dans une coupe du corps peint. Tranche de vie à venir. Naissance future qui augure un nombre infini de corps. Collages en hystérie, raisonnement en tracés et gestes imprimés, pour tourner la surface du corps peint vers cette pensée, qui parle du corps en volume: rationalité du temps de l'homme vu en coupe. Implosion de l'intérieur: la chair rompt avec le temps quand la peinture du corps existe. Le corps pensant est un corps en coupe, un être s'y dessine lorsque ce corps est un corps infini. Un sujet pensant n'est reconnaissable qu'à rencontrer cette multitude de coupes peintes en surfaces transparentes: la chair touche ce fond impossible à inventer, sauf dans l'informelle exploration des couches peintes en temps réel. L'homme s'évanouit quand son corps est livré à d'authentiques extractions du temps découpé dans sa peinture. L'attention feutrée du corps est une caresse des sens, sur le temps immuable de la peau éruptive, en chants éternels du corps dédié à la vie, en songes insondables, en une soudaine soustraction au présent. Là se souvient ce corps "plein", pour entrer dans un "autre" enfin "plaein". Séparation des pouvoirs entre la plainte et ce plein, pour un autre corps démesurément infini par sa capacité à ne jamais être Un que dans un changement perpétuel de plan, du même à l'autre, et de l'autre à la démesure de l'étrangeté d'un corps de la dépossession, de la déposition.





Thierry Texedre, le 17 novembre 2011.

mardi 15 novembre 2011

La chute














Trop de litanie pour un jour
poussé par la fenêtre à la
tombée de la nuit histoire
d'en avaler les images nues
pure fantasmagorie que ce
risque d'envol du geste né
de cette nudité de l'image
imminente et retroussée pas
si faux que ça l’œil se glose
de moins voir à mesure que
la chute s'accélère il retient 
comme essentiel souffle ce
qui remonte plus loin en
amont vieille histoire du vide
qui s'invite dans l'imaginaire
pour ensanglanter cet œil
maltraité par le vertige noir
de la déflagration du jour
dernière jouissance avant
l'éclatement en choc frontal
du corps du défi doucement
perdu pour passer par dessus
ce léger embrun emblématique
de la vie victorieuse vociférée.





Thierry Texedre, le 15 novembre 2011.

lundi 14 novembre 2011

Enterrement













Macabre enterrement du corps vissé sur sa chair quelle chair quel temps pour la nommer risque de feindre la peau ouverte ouverture sur un champs fécondé au coeur de cette tête dramatique damnée par les oppressions de la respiration suc vital absorbé par cette langueur amoureuse mort d'une parole en vertébrale redirection répétition de cette marche en saccades rythmes impuissants de la respiration le corps se délite se retire s'enfuit s'éteint au loin état de la chair châtrée on la coupe du reste extériorité d'autres corps mis en locution par l'être et l'étant de la parole dévisagée par la rageuse déflagration de la chair sous un gonflement de la peau éclat de rire quand la peau s'écarte se ride se fripe se plisse pour former un autre dessein destin oratoire d'une parole défigurée sous-produit de la mémoire verbale atomisation de l'image en mille facettes sens montrés comme possédés altérité du temps futur pour un autre regard une autre vie à rebours celle en gestation à l'aune du très sanctuaire nom de l'homme acétique tout pense à croire que cette tête diurne vit à trop gratter ce sol durci peau vieillie par l'action vite répétée police du corps joué à vivre regard tourné vers cette marche usée du tremblement terrestre en tournement de tête la terre tourne sur le risque de croire carré pour une courte durée l'espace s'étend partout où l'homme n'est pas l'effet prend forme l'effet d'une fin soudaine du corps parce que l'homme a voulu penser et que penser n'est que l'apparition- disparition du corps vidé de sa substance la chair liquéfiée en déglutition liquide rouge au sortir du corps liqueur de la possession eau de ces cavités tubulaires en musique à vent souffle de deux corps en sang et en eau en air et en chair l'improbable éternité de la vie vient réitérer celle de la mort aussi l'articulation des corps se ponctuent avec cette superposition des temps humains mémoire d'une découverte d'une traversée de l'au-delà en hiatus fuite en avant de la Vie qui tombe dans ce Vide à temps.




Thierry Texedre, le 14 novembre 2011.

samedi 12 novembre 2011

Tatoué











Trou
tourbillon
touché par
la grâce ce bel
aspirant l'air de
la parole se souvient-il
de cet avant de la
mémoire qui pèse
sur l'esprit ascétique
de la volonté du corps
réserve du temps pressé
qui s'évanouit dans
d'infâmes aspirations
ramassées en un lieu
hauteur du temps pressé
par les cieux obscurs
de la divine unité
se souvient-il que Dieu
est à couper le souffle
assomption
respiration sous
ces rêves animaux
d'une injection tétanique
en intraveineuse
pour entendre les anges
inventer quelques
sonorités partout où
le verbe a lieu
tranche de vie coupée
secousse du dire tombé
en trombes évoquées
tempête des sons sous
le couvert d'un coup
du sort des mots en vrac
vacuité du sombre songe
enterré dans des tête folles
dans d'imposantes
oppressions de l'écho
des sens ruée vers quelle
sortie du dire cloaque
distendu le dire semble
effrayé par ses mots
articulés en double
double du doute du
double glacé en raison
raisonnement du sens
sans dessus dessous
renversement de la pensée
qui jouit immanquablement
de sa terreur du désir
d'apparition l’œil éteint
se referme sur l'infini
du songe gestation du
redressement d'un corps
né mortellement chair
de la croyance en cette
chair qui en conclave
s'évertuera de tourner
ce corps infecté en
une grande manipulation
du temps le temps serait
le rescapé d'un drame
celui d'une reconnaissance
fichée dans la peau
comme mémoire
l'incommensurable
mémoire du corps
pensant pendu
et perdu sous
une peau celle
de la prière
des cieux
indolores
Dieu est
un tatoué.





Thierry Texedre, le 12 novembre 2011.



dimanche 6 novembre 2011

Fugue












Tressautement des notes sous les doigts posture qui soulève l'érosion de cette envolée lyrique pour laissée une vision dévastée des voix ensorcelantes voltige des notes sur le vif enterrement récréatif de l'attraction pour un refrain ferme empoignement des sons austères sous ce long soulèvement des instruments endiablés on tire sur les cordes en vivacité dans un frontal jeu joué pour ouvrir le temps en représentations irréelles les silences opulents se dressent pour couper les violons faire que ceux-ci assombrissent l'écoute pieds et mains sont tendus tels ces cordes pincées puis subitement relâchées on entend ce lointain désir d'expiation de la musique sur une fantomatique explosion du désir qui inonde ce corps dépossédé de toute raison corps en musique corps en rythmes guerre des sons pour rendre au corps toute sa vivacité son entrée en fractionnements de ses sens direction imposante des sons syncopés répétition d'accords espacés d'accords plus forts dans le drame sourdement on croise une fugue qui couvre tout le corps dans une lamentation divinement étendue dans un étourdissement dramatique lame de fond qui vous emporte vers ce final imposant impromptu de la saisissante exploration du corps caverne en jets expulsés sous une éternité réveil de la passion sous ces cieux en brillant désespoir étoilé autour de l'audition encore et encore dans une transgression permanente du corps en sons atomisés des sons qui en fugue soulèvent l'esprit extraction détenu en syncope en douloureuse apparition dans un temps percé livré à d'insondables renversements début du temps sous d'infâmes ossements hospice pour après danser en sourdine l'esprit en diffraction on se prend dans les fils dévastateurs des notes qui s'accélèrent la vie vitesse du temps sort du son en une musique naissante de l'esprit en une longue défloration des notes vibration des cordes possédées dans un grand fracas intérieur des ondes qui déclament et claquent pour monter pour toucher à là fin des sens sempiternelle retour sur le  corps déjoué on part pour sortir de ce sacerdoce passation de pouvoir en blocs grammaire de l'amour à découvert en filigrane du désert de cette fin du temps douloureux.



Thierry Texedre, le 6 novembre 2011.



mardi 1 novembre 2011

L'oeil nu







Ne me regarde pas comme ça! Tu traînes ton regard salace, sortilège de la dépression, pour me déshabiller. Nulle part, pour ne pas partir dans la désespérance, où aller. On est vite rattrapé par le monstrueux même. Et si on se délite petit à petit, c'est bien là que les choses commencent. L'intérêt se coupe de l'extérieur pour finir sa course sur un corps d'élection; une coupe dans la bienséance du temps. Si tout a été fait dans les délices de ces corps vautrés, il n'en reste pas moins une charge émotionnelle, un regard, plus anonyme, plus tempétueux, en violation avec l'insoutenable légèreté de l'emphatique reconnaissance de soi. Une emphase d'une telle régression, qu'on ne saurait, dans la plupart des cas, s'y soumettre, sans sombrer dans d'horribles douleurs. Le regard de l'autre tient bon pourtant. Il vous emmène, imperturbable, vers d'autres contrées, sujettes à caution, mais pleines d'envies, pour rassasier ce court instant tourné vers l'anonymat et de l'affranchissement de la douleur. Si ce regard s'en donne à coeur joie, c'est pour mieux déverser sur cet autre, comme un empressement à rattraper l'incompatible de deux corps vers le lieu unique où la peau décharnée jouira, sous l'oeil émacié du devenir. Fragile consistance du corps de l'autre devant. Déshabillé, le propre corps se noie dans l'oeil-jachère de l'autre. Tu m'enveloppe, tu me prends, me saccage, je te soumets mon insignifiance, je me terre en toi, tu trembles sur mon devenir entrain de succomber. Tous ces délices sont à portée de ma grande délivrance. Instant photographique du geste omniprésent, et de la réverbération de la chair sur ce fond d'oeil irrité. L'oeil est plus rapide que le déclic du rendu photographié. Il opère une saisie d'ensemble, osmose du risque de perte d'un membre, décollation du sujet en blocs de chair à découvert, on veut entrer, rencontrer ce qui derrière se tisse, trame de l'immanence de la vie qui dorénavant n'a plus d'hétérogénéité que l'histoire vue en coupe: sujet à rebours vers ses gestes et ses allitérations grotesques. Tes yeux se posent sur le bas du ventre, vois ce sexe repoussé par tes avances. Il se retire un peu, le pantalon baissé jusqu'aux genoux. Le slip serre la peau, remontant les bourses, on devine sous le tissus la forme allongée du sexe, relevé comme pour mieux se positionner le pantalon attaché. Tu me caresse la partie de tissus enflé entre mes jambes écartées. Une vive réaction s'empare de moi, je sens gonfler ce sexe endolori par ces attouchements à répétition, ta main me serre le membre raidi, tuméfié par l'incendie qui monte en moi. Pas le temps pour que j'exulte! Ma queue sort déjà de ce lieu mouillé l'instant d'avant. Mes jambes se raidissent. Je relève le bas du dos pour t'aider à descendre ma culotte complètement. La peau de mon gland se retire à mesure que tu retires lentement le slip collé. Tu t'empares de l'instrument désiré, tu t’empales sur ma main, comme si de cette découverte allait dépendre la suite. Tu ricanes. J'en ai les yeux humides. J'ai peur de ta réaction. Tu insistes sur moi. Tes mains allongent le phallus dans l'Histoire, dans cette mémoire qui rompt avec le présent. Je m'attends au pire. Le membre s'évade presque d'entre tes doigts. Tu te risques à le serrer plus fort avec tes ongles longs. Je te prend à bras le corps, avec force. Nous partons en arrière, balancés de tous  côtés. Le sol nous reçoit. Le parquet résonne sèchement. Les deux corps glissent jusqu'au bord du lit défait. On s'empresse de quitter nos dernières fringues. Les vêtements sont éparpillés partout dans la pièce. Un grand désordre règne. On s'embrasse, les lèvres chauffées, par l'ardeur de ces ébats, sont ouvertes et inséparables. Les deux corps tournent sur eux-même, roulent, et reviennent près du lit. Une musique semble accompagner tous ces gestes. Tout tourne, tout disparaît, on est un centre, les corps ne font plus qu'un. Le temps passe, j'ai trouvé ce point g, elle est secouée, et tremble, de vives allitérations sortent de sa gorge. Je prononce à de rares instants des mots crus, ceux en de telles circonstances. Nos souffles plus courts, se prennent à violer la respiration. Elle tire sur les grandes lèvres de ce con indescriptible. Les poiles autour, font comme un contraste entre le rose et le noir. Peu de chance de m'en préoccuper. Elle m'a dirigé vers ce trou béant, ma main aussi, accompagne cette queue recourbée. La douleur laisse place à un émoi, je ressens monter en moi ce trauma du plaisir, vibrante extase des membres électriques. Je laisse aller ce corps raide dans un va-et-vient chaud. Un jet doux éjacule au moment où le sexe est durci, au fond impétueux de la chatte resserrée autour de sa dévoration. Nous avons jouit impérieusement. Tous les mots ont été sommés de s'arrêter sur un psaume, domination de cette errance retrouvée des corps en chair, de la chair avortée en dépliement de ce deuil; ce qui se trame en nous, pour l'amour d'une disparition, plus rien des sens n'est extérieur, et n'est plus érogène que le souvenir. Lentement les corps s'évanouissent dans un coin de la pièce, peut-être dehors, en rêve dedans, de cet intérieur sans lieu. Le grand saut dans une chair hypostasiée. Jouissance de ce parcours infini dans l'infinité des langues, dans ce noeud indéfectible de la vie qui rend la fin de la vie impossible. Un suicide de la mort en apothéose dans mille feux tournoyant au dessus de nos têtes: être coupé du monde dans la tentation. Sortilège de ce dévisageant regard sur les parties désirantes de ce corps en extase, devant l'étrange machine du corps possédé. Possédé par le crépuscule des dieux arrachés au temps.


Thierry Texedre, le 1 novembre 2011.