Ne
me regarde pas comme ça! Tu traînes ton regard salace,
sortilège de la dépression, pour me déshabiller.
Nulle part, pour ne pas partir dans la désespérance, où
aller. On est vite rattrapé par le monstrueux même. Et
si on se délite petit à petit, c'est bien là que
les choses commencent. L'intérêt se coupe de l'extérieur
pour finir sa course sur un corps d'élection; une coupe dans
la bienséance du temps. Si tout a été fait dans
les délices de ces corps vautrés, il n'en reste pas
moins une charge émotionnelle, un regard, plus anonyme, plus
tempétueux, en violation avec l'insoutenable légèreté
de l'emphatique reconnaissance de soi. Une emphase d'une telle
régression, qu'on ne saurait, dans la plupart des cas, s'y
soumettre, sans sombrer dans d'horribles douleurs. Le regard de
l'autre tient bon pourtant. Il vous emmène, imperturbable,
vers d'autres contrées, sujettes à caution, mais
pleines d'envies, pour rassasier ce court instant tourné vers
l'anonymat et de l'affranchissement de la douleur. Si ce regard s'en
donne à coeur joie, c'est pour mieux déverser sur cet
autre, comme un empressement à rattraper l'incompatible de
deux corps vers le lieu unique où la peau décharnée
jouira, sous l'oeil émacié du devenir. Fragile
consistance du corps de l'autre devant. Déshabillé, le
propre corps se noie dans l'oeil-jachère de l'autre. Tu
m'enveloppe, tu me prends, me saccage, je te soumets mon
insignifiance, je me terre en toi, tu trembles sur mon devenir
entrain de succomber. Tous ces délices sont à portée
de ma grande délivrance. Instant photographique du geste
omniprésent, et de la réverbération de la chair
sur ce fond d'oeil irrité. L'oeil est plus rapide que le
déclic du rendu photographié. Il opère une
saisie d'ensemble, osmose du risque de perte d'un membre, décollation
du sujet en blocs de chair à découvert, on veut entrer,
rencontrer ce qui derrière se tisse, trame de l'immanence de
la vie qui dorénavant n'a plus d'hétérogénéité
que l'histoire vue en coupe: sujet à rebours vers ses gestes
et ses allitérations grotesques. Tes yeux se posent sur le bas
du ventre, vois ce sexe repoussé par tes avances. Il se retire
un peu, le pantalon baissé jusqu'aux genoux. Le slip serre la
peau, remontant les bourses, on devine sous le tissus la forme
allongée du sexe, relevé comme pour mieux se
positionner le pantalon attaché. Tu me caresse la partie de
tissus enflé entre mes jambes écartées. Une vive
réaction s'empare de moi, je sens gonfler ce sexe endolori par
ces attouchements à répétition, ta main me serre
le membre raidi, tuméfié par l'incendie qui monte en
moi. Pas le temps pour que j'exulte! Ma queue sort déjà
de ce lieu mouillé l'instant d'avant. Mes jambes se
raidissent. Je relève le bas du dos pour t'aider à
descendre ma culotte complètement. La peau de mon gland se
retire à mesure que tu retires lentement le slip collé.
Tu t'empares de l'instrument désiré, tu t’empales sur ma main, comme si de cette
découverte allait dépendre la suite. Tu ricanes. J'en
ai les yeux humides. J'ai peur de ta réaction. Tu insistes sur
moi. Tes mains allongent le phallus dans l'Histoire, dans cette
mémoire qui rompt avec le présent. Je m'attends au pire.
Le membre s'évade presque d'entre tes doigts. Tu te risques à
le serrer plus fort avec tes ongles longs. Je te prend à bras le
corps, avec force. Nous partons en arrière, balancés de
tous côtés. Le sol nous reçoit. Le parquet résonne
sèchement. Les deux corps glissent jusqu'au bord du lit
défait. On s'empresse de quitter nos dernières
fringues. Les vêtements sont éparpillés partout
dans la pièce. Un grand désordre règne. On
s'embrasse, les lèvres chauffées, par l'ardeur de ces
ébats, sont ouvertes et inséparables. Les deux corps
tournent sur eux-même, roulent, et reviennent près du
lit. Une musique semble accompagner tous ces gestes. Tout tourne,
tout disparaît, on est un centre, les corps ne font plus qu'un.
Le temps passe, j'ai trouvé ce point g, elle est secouée,
et tremble, de vives allitérations sortent de sa gorge. Je
prononce à de rares instants des mots crus, ceux en de telles
circonstances. Nos souffles plus courts, se prennent à violer
la respiration. Elle tire sur les grandes lèvres de ce con
indescriptible. Les poiles autour, font comme un contraste entre le
rose et le noir. Peu de chance de m'en préoccuper. Elle m'a
dirigé vers ce trou béant, ma main aussi, accompagne
cette queue recourbée. La douleur laisse place à un
émoi, je ressens monter en moi ce trauma du plaisir, vibrante
extase des membres électriques. Je laisse aller ce corps raide
dans un va-et-vient chaud. Un jet doux éjacule au moment où
le sexe est durci, au fond impétueux de la chatte resserrée
autour de sa dévoration. Nous avons jouit impérieusement.
Tous les mots ont été sommés de s'arrêter
sur un psaume, domination de cette errance retrouvée des corps
en chair, de la chair avortée en dépliement de ce
deuil; ce qui se trame en nous, pour l'amour d'une disparition, plus
rien des sens n'est extérieur, et n'est plus érogène
que le souvenir. Lentement les corps s'évanouissent dans un
coin de la pièce, peut-être dehors, en rêve
dedans, de cet intérieur sans lieu. Le grand saut dans une
chair hypostasiée. Jouissance de ce parcours infini dans
l'infinité des langues, dans ce noeud indéfectible de
la vie qui rend la fin de la vie impossible. Un suicide de la mort
en apothéose dans mille feux tournoyant au dessus de nos
têtes: être coupé du monde dans la tentation.
Sortilège de ce dévisageant regard sur les parties
désirantes de ce corps en extase, devant l'étrange
machine du corps possédé. Possédé par le
crépuscule des dieux arrachés au temps.
Thierry
Texedre, le 1 novembre 2011.