samedi 17 novembre 2007

Plaisir et dépression 4, question de couleurs
















Sollers, Pleynet, Kristeva, Devade



De Marc Devade et de sa dernière période à la fin des années
7O Marcelin Pleynet dit: "Ma conviction profonde était, et reste,
que chez un artiste pour qui la couleur et l'ordonnance
chromatique est importante, voire déterminante, seule l'huile
offre cette disposition, dans ses transparences et dans la sorte
de rapport au temps qu'elle implique."


Marc Devade (1943- 1983), membre du groupe supports-surfaces,
membre du comité de rédaction de Tel Quel, l'un des fondateurs
de Peinture, cahiers théoriques, a laissé une oeuvre décisive
pour le XXIe siècle quand à la structuration du sujet parlant.


Philippe Sollers:"... Il faut aller à l'art er se soucier de l'aveuglement
dont tant font preuve à l'égard du surgissement catholique appelé
baroque...
...La vérité dans la chair et l'esprit, "dans une âme et un corps", c'est
cela qu'il nous faut comprendre avec la musique, comme guerre
secrète, contre ce qui ne veut pas que cela puisse s'incarner..."



Plaisir et dépression 4, question de couleurs.

- Qu'advient-il de la couleur aujourd'hui, doit-on reformuler d'autres
règles à travers les courants qui ont dominé l'avant scène culturelle?

T- La toile ne va pas sans couleurs, et pourtant dans certains cas nous
nous trouvons face à l'absence totale de luminosité: tel un Ad Reinhardt
(1913-1967) peintre théoricien précurseur de l'"art conceptuel". Connu
pour ses peintures "noires" commencées dans les années 60, et qu'il
continuera à peindre avec déterminisme, intensité, et rage d'avoir cru
bon défendre l'extrême limite de la peinture icône de l'insaisissable
lumière pour l'oeil en mal de croyances (l'analyse psychanalytique
n'en est-elle pas le reflet d'un temps court que son fou règle et
nomme?), L'Infini, l'Absolu, profondeur ou perspective minimum au
regard, il apparaît à ces peintres qui ont structuré le pensant, comme
plus proche d'un Barnett Newman (1905-1970) pourtant combattu par
Reinhardt en tant qu'expressionniste abstrait. Mais il faut dire qu'à
cette époque les peintres prenaient de grands risques, mais que la
culture américaine voulait vois s'élever au dessus d'un monde où tout
n'était devenu que consommation d'un roman social clos et achevé
par les écrivains au XIXe siècle. De ces peintres réfugiés aux
amériques face à une europe qui doit se relever culturellement (cela
demandera presque trente ans après la seconde guerre mondiale pour
qu'on retrouve des peintres, des écrivains, des musiciens, théoriciens,
dans la surenchère du délire paragrammatique), voulant que le social
dépense son sujet. Imprimant le "nom", l'"identité", d'une nouvelle
pensée d'une nouvelle "idéologie" plus pertinante que celle des
constructivistes-futuristes-surréalistes encore trop empunts de social:
la fonction sociale n'a pas à appartenir aux artistes en tant qu'espace
de vie ou accompagnement matériel minimal. Construction comme le
veut l'architecture du XXe siècle avec Le Corbusier (1887-1965) qui
a inventé "l'unité d'habitation", réflexion sur le logement collectif;
concept qui ayant oublié l'origine lieu/pensant créé des états préconçus
qui plus tard auront comme incidence "la cité de banlieue", urbanisme
sans âme qui n'est pas réglé pour autant dans l'habitation
"pavillonnaire". Ou d'un Walther Gropius (1883-1969) fondateur du
Bauhaus en allemagne, mouvement et école de l'art européen de
l'ente-deux-guerres. Théoricien, enseignant et inventeur de grands
ouvrages industriels, d'habitations à usage fonctionnel mais toutefois
plus harmonieux pour l'usage commun. Mais l'espace restera encore
une fois muet quand à "ce qui habite" tout sujet pensant: [ croire/lieu/
penser ]. Et ce intrinsèquement. Ce qui a cessé avec les cathédrales,
sauf à s'y reprendre à deux fois par Newman, et Marc Rothko (1903-
1970), voir la chapelle de Rothko à Houston. Puis Pierre Soulages
reprend l'espace en un point laissé énigmatique: la lumière/
architectonique que l'architecture ne peut pas encore transgresser.
Avec ses "noir-lumières", "outre-noir", peintures monopigmentaires
fondées sur la réflexion de la lumière/couleur/volume sur les états de
surface noir. Voir le musée Fabre de Montpellier avec 20 tableaux
de 19521 à 2006. Pourtant l'architecture ouvrira la voie à un travail
sur l'espace "coloré" d'un "savoir" vivre l'intérieur à défaut
d'intériorité. Mais pas sur le rapport sujet/architecture qui sera vidé
de sa substance durant tout le XXe siècle. Si la toile ne va pas sans
un minimum de couleurs (Reinhardt, Soulages), la lumière en en
prenant le relais semble rendre au visible sa somme, le blanc comme
chez Marc Devade (1943-1983) passant au dessus du spirituel d'un
Vassily Kandinsky (1866-1944): "s'il n'est plus possible d'exprimer
le monde au moyen des anciennes conventions picturales" comme
chez Ad Reinhadt à propos de ses peintures noires; ou le chemin de
croix chez B. Newman qui annonce la question du sujet (soulevée en
France par Catherine Millet en 1974 dans un texte charnière pour
l'Europe acculée dans une impasse idéologique à redéterminer. Ou
encore les toiles de la dernière période peinte de Marc Devade qui
endosse une palette sombre mais riche en qualité harmonique et une
réapparition du sujet dans un travail de la matière aux moyen des
"anciennes conventions picturales": la peinture à l'huile/chair et la toile
tendue sur un châssis. Peinture d'un sujet pensant, retour du lettré.
Le caractère d'effondrement de la couleur pure sort (avec un Henri
Matisse malade, il est atteint d'un cancer et est hospitalisé à Lyon)
chez Matisse qui est obligé de découper en plein dans la peinture/
couleur avec une lutte de tous les instants contre la représentation:
c'est une nativité (que Cane viendra interroger, question de
génération, non?), remémoration qui remonte d'un sujet sans nom,
dans son espace: le temps court/présent/autre/retour/invention). Il
"tombe" dans la couleur avec ses gouaches découpées affaibli par
la maladie dés 1941et meurt à Nice en 1954 où il sera enterré.
Robert Motherwell en rencontrant Matisse et le surréalisme,
ouvrira une autre grande voie à la peinture pour s'ouvrir:
la proposition colorée donne à lire que "ce n'est pas le dessin
qui ouvre dans la couleur, c'est la couleur qui se dessine, qui
se qualifie, qui s'ouvre de son dessin; et encore plus près de son
sujet, avec Dominique Thiolat dans le qu'est-ce qui fait figure
en peinture, début d'un délit du stade social via la peinture.
Un autre peintre entretiendra avec la couleur une relation plus
irrationnelle, où un travail sur l'inconscient collectif le dirigera
vers l'invention d'une peinture où le corps du sujet-peintre sera lui
"immergé" dans la couleur par un tournoiement technique (dripping)
action, mouvement, dessin danse sur la toile (action painting). En
peingnant à plat, "subversion des traditions en vigueur", il peint
revisitant les arts primitifs de son pays: Jackson Pollock (1912-1956)
transformera radicalement la vision de la peinture en occident. La
suite ira en s'accélérant en France dans les années (voir les travaux
de Louis Cane datés de 1970 où "le support de toile découpée
retombait et était étendu sur le plancher." Comme d'un élément de
connaissance où on pénètre la peinture comme connaissance,
"comme on l'a aussi bien sous les pieds que sur la tête". L'irrationnel
de la couleur se traduit par un virage à la lecture de l'espace des
corps découpés, le corps de l'acteur lui-même (le peintre-visiteur),
allant jusqu'à habiller celui-ci du découpage dans la peinture, pour
faire sortir l'image rendue plate de son isolement: retour au sujet de
la langue. C'est certainement avec Thierry Cauwet que tout devient
possible dans ses espaces/couleurs/découpages de ses "descorps"
de 2001/2002, les volumes vont prendrent enfin forme comme
centre incontournable que l'architecture ne peut prétendre régler.
Des empruntes qui vont trouer ce social à travers des peintures qui
en passent par un Yves Klein (1928-1962) dont la carrière artistique
n'a durée que huit ans! Mais combien retournant le terreau bleu de
la "mère"("à la mère il faut y toucher!" dira Motherwell). Si Cauwet
montre "le corps des vivants à travers le vide qu'ils ouvrent dans le
monde"dira Catherine Millet, c'est plus par un effacement du
traitement du sujet qu'on va découvrir le vrai sujet, majeur et
baigné d'une vrai présence pensante. Là est le recul, que ce peintre
opère, pour inventer la suite "réflexive" qu'une lecture qu'une telle
invitation au réel va permettre. Le corps s'en sort mieux que prévu!
L'infini de la couleur confrontée à ses limites formelles même à y
tenter son volume par l'envol de l'homme-solaire face au fond bleu
de la femme-image. L'archaïsme religieux dont l'un est l'autre
entrée va tenter un retour catholique avec la troisième dimension
ou espace mental et la peinture numérique. Les lois changeront
déplaçant le sujet à nouveau vers l'écriture-chant, remettant à plat
toute la peinture du XXe siècle.


Thierry Texedre, le 18 novembre 2007.

























Cher Thierry Texedre,

J'ai lu avec beaucoup d'intérêt votre texte.
Il n'est pas facile de voir le nouveau en art comme ailleurs, surtout quand ce nouveau n'est pas recherché pour lui-même comme une fin en soi, mais qu'il est le moyen donnant possibilité au corps de s'immiscer une fois encore dans la problématique de la peinture. Ce que je peux vous dire concernant mon travail actuel, et que vous avez brillamment pressenti, est que tout ce qui en fait la spécificité et en fera j'espère la valeur, a trait à la DÉCOUPE.
La découpe comme allégorie et retrouvaille étymologique de l'individu (en effet le mot individu vient du latin individuum, « ce qui est indivisible »).
Chaque forme découpée est un corps. Mais aussi un organe qui, ajouté aux autres, forme un ensemble dont l'agencement, le montage, l'assemblage dans sa complexité (sa complexion je crois serait-il plus juste de dire) tend vers le corps ( ou peut-être plutôt vers le monde ?). Le corps du "tableau" dirions nous si le mot n'était à ce point fatigué. Le corps de l'image peinte plutôt ou le corps de la "peinture" (mais ici sans majuscule comme on dit "une peinture").
Je pense beaucoup en ce moment au geste de Matisse des gouaches découpées et à la fois ce qui diffère entre nos deux découpes est très important :
Je découpe rarement dans la couleur "pure". Découper dans un aplat de couleur revient à créer de la forme uniquement par la découpe. Ce n'est pas mon cas, je découpe ce que je suis obligé de nommer par un terme assez inélégant des "paquets" de formes, des zones de concentration visuelles qui ont besoin d'être décollées, découpées de leur fond. Ce que sera la silhouette de la découpe dépend de plusieurs facteurs. Le paramètre de la forme en elle-même n'est pas forcément le paramètre essentiel. C'est souvent l'outils et le geste de découpe qu'il conditionne pour cerner le "paquet" qui est le facteur décisif ayant souvent l'avantage sur un projet de découpe "idéaliste" (opposé au matérialisme du processus de fabrication).
C'est au fond le terme d'"opération" qui convient le mieux, qu'elle soit chirurgicale, mathématique ou informatique... (voir ci-dessous lien sémantique opérationnelle)

Voilà, je me suis permis de placer votre texte sur mon blog et je vais placer cette réponse en commentaire sur le votre. Ainsi nos échanges d'idées auront une tribune plus large.

Bien à vous

Thierry Cauwet




http://fr.wikipedia.org/wiki/Sémantique_des_langages_de_programmation

En informatique, la sémantique opérationnelle est l'une des approches qui servent à donner une signification aux programmes informatiques d'une manière rigoureuse, mathématiquement parlant (voir Sémantique des langages de programmation).

Une sémantique opérationnelle d'un langage de programmation particulier décrit comment chaque programme valide du langage doit être interprété en termes de suite d'états successifs de la machine. Cette suite est la signification du programme. Dans le cas d'un programme fonctionnel, l'état final d'une suite qui termine donne la valeur de retour du programme. (Dans le cas général, il peut y avoir plusieurs suites de calculs et plusieurs valeurs de retour pour un seul programme, parce que celui-ci pourrait être non-déterministe.)

Un des moyens les plus courants pour définir rigoureusement une sémantique opérationnelle est de fournir un système de transition d'états rendant compte du comportement attendu du langage considéré. Une telle définition autorise une analyse formelle du langage, permettant l'étude de relations entre les programmes. Parmi les relations importantes, on trouve : les pré-ordres de simulation et les bisimulations, qui sont très utiles dans le cadre du parallélisme.

Définir une sémantique opérationnelle au travers d'un système de transition se fait habituellement en donnant une définition inductive de l'ensemble des transitions possibles. Habituellement, cela prend la forme d'un ensemble de règles d'inférence définissant les transitions valides du système.

La sémantique opérationnelle est reliée à la sémantique dénotationnelle au travers du concept d'abstraction.



Envoyé par Thierry Cauwet à scription le 18 novembre 2007 17:07