jeudi 17 novembre 2011

Carnaissance



Je ne nommerai jamais assez l'excellence du travail de Thierry Cauwet, comme l'un de nos très grands peintres de cette première moitié du XXIe siècle, période contemporaine qui ferme celle du "corps plein".



Sans se compromettre, le temps pousse à jouir, quand le corps se vide de sa chair; état de la détention de la peau par ce fond dur, os impossible à traverser. Impossible visitation du temps dans cette dureté ordinaire. Décomposer les oblitérations du corps, en un traitement transparent des vestibules. La chair se met en état de vie, pour emporter ce corps dans sa transparence. Le corps est dépossédé de la chair puisqu'il pense. Penser pour l'homme c'est contourner le fond, pour rencontrer la transparence d'une déploration du temps: la vie finit par traverser ce corps plein, pour le couper du cœur incessant du battement de la transparence. Le va-et-vient du dedans du corps, soudé à ce durcissement temporel contre lequel la chair se colle, va se magnifier en une peau transparente, celle du dehors qu'un corps peut penser en un dessin: destin de l'homme qui met en perspective la multitude de lieux de la chair jouissante. La peau tire parti de ce rapprochement du temps et de la transparence du corps. Pour exciser, trancher, couper, dépecer le corps qui pense: pour avoir oppressé ce désir insoutenable, et  cette trouée, découpe incessante du corps en peintures-mémoires de la pensée emportée dans l'infini: retournement de ces surfaces transparentes. Arrière, devant, coté livré à cette suspension du temps qui pense, pour toucher ce mystère: quelle jouissance peut exister dans un corps en creux? Sinon quand celle-ci se livre à d'insoutenables exactions de la chair mise en peinture. Rencontre et attraction de ce corps suspendu, pour qu'un désir infini aie lieu: le lieu de telles surfaces recto-verso. On rend compte de ce qu'un corps peut de penser, sauf à reconnaître ce corps peint. Le corps ici serait une mise en acte de la mémoire à rebours. Comme quelque chose qui est représenté, et qui n'a pas encore lieu, sauf dans une coupe du corps peint. Tranche de vie à venir. Naissance future qui augure un nombre infini de corps. Collages en hystérie, raisonnement en tracés et gestes imprimés, pour tourner la surface du corps peint vers cette pensée, qui parle du corps en volume: rationalité du temps de l'homme vu en coupe. Implosion de l'intérieur: la chair rompt avec le temps quand la peinture du corps existe. Le corps pensant est un corps en coupe, un être s'y dessine lorsque ce corps est un corps infini. Un sujet pensant n'est reconnaissable qu'à rencontrer cette multitude de coupes peintes en surfaces transparentes: la chair touche ce fond impossible à inventer, sauf dans l'informelle exploration des couches peintes en temps réel. L'homme s'évanouit quand son corps est livré à d'authentiques extractions du temps découpé dans sa peinture. L'attention feutrée du corps est une caresse des sens, sur le temps immuable de la peau éruptive, en chants éternels du corps dédié à la vie, en songes insondables, en une soudaine soustraction au présent. Là se souvient ce corps "plein", pour entrer dans un "autre" enfin "plaein". Séparation des pouvoirs entre la plainte et ce plein, pour un autre corps démesurément infini par sa capacité à ne jamais être Un que dans un changement perpétuel de plan, du même à l'autre, et de l'autre à la démesure de l'étrangeté d'un corps de la dépossession, de la déposition.





Thierry Texedre, le 17 novembre 2011.