mercredi 28 septembre 2022

Katherine Bradford et le détournement



















































 Katherine Bradford et le détournement


Tout chez Bradford nous montre une alternance, quelque chose qui a à voir avec l'impropre. Il s'agit d'un détournement des saveurs, de la représentation humaine, du regard imposé dehors ; c'est « le hors de soi » qui gouverne encore et toujours.

L'artiste montre ce qui monte en chacun de nous, cet espace dont on sait qu'il ne sera visible qu'en rêve (notre réel est révélé intérieurement, comme pour remodeler celui extérieur qui avec le temps n'a de cesse de se dissoudre.), si les rêves reconstruisent l'espace intérieur, à cause de nos invectives qui coupent l'espace parsemé d'atomes ; en ce qu'un corps fragmenté aura d'identifier par la chair, le sus rêve (qu'il soit diurne ou nocturne). Si la palette de l'artiste est pleine de ces couleurs acidulées qu'un Mark Rothko rendait possible au regard, ici, la profondeur de Rothko ( « ses champs rectangulaires planant sur fond broussailleux » ) se retrouve plus existentielle chez Katherine Bradford, plus traduite, tout en restant émotionnellement en communion dans ses champs de couleur lumineux, au risque de perdre son origine abstraite dans des représentations de figures souvent « aplaties » et travaillées dans la simplicité formelle qui les caractérisent. C’est en ces termes que va apparaître la chair, la peinture nous plonge dans la profondeur (le terme de la chair passe du côté de l'espace, celui que le rêve inaugure, fut-il éveillé, dans un récit) que se juxtaposent les explorations de Bradford. Ses thèmes récurrents soulignent la solitude, les rôles de genre, la conscience et le rêve.

La peinture de Katherine Bradford est un choc entre l’abstraction de ses débuts et la figuration actuelle. Il y encore ce détournement opéré sans entrer dans une complétude figurative. C’est une peinture qui s’ensuit, se lit, sans pourtant interpeler l’origine qui fonde sa mise en lumière, sa programmatique visuelle. S’il y a lecture, c’est aussi parce que peindre nous renvoie aux origines de l’expansion de nos sens, dans ce renversement que l’inorganique a tenté, à un moment, de s’engendrer.



Thierry Texedre, le 26 septembre 2022.



Katherine Bradford (1942-)

artiste peintre américaine

née à Houston, vit et travaille à New York et le Maine, États-Unis