dimanche 22 avril 2012

Passe-temps/temps passé




Quel bruissement léger devant soi, quel ordre des choses anime le vent, lentement nous envahissant? Ronde des enfants sur l'asphalte, juste le temps d'avant le déjeuner. Ils se donnent la main, traversant la grande étendue noire, encore chaude sous leurs pieds chaussés de petits escarpins. La journée est étouffante, le vent réchauffant encore plus l'air, et ça dure depuis plusieurs jours. Quel été, quelle étrange atmosphère, le ciel est lourd, de grands nuages épais avancent au loin, comme pour envahir et avaler le ciel trop clair pour résister. Nous étions une bande de copains, un jour sans la classe, peut-être le début des vacances. Les parents nous avaient permis de jouer dehors. a petite place du village était goudronnée, autour, quelques voiture garées, nous permettaient de jouer à cache cache selon que notre imagination le permettait, ou que l'un d'entre nous en eut l'idée magistrale. Et les jours passaient dans la plus grande insouciance, nos vies valaient plus que tout au monde. Les adultes devenaient de simples soldats, ou poupées de chiffon, ou encore des hybrides moitié humains et moitié animaux, un peu pour nous faire peur. Nous devions rentrer soudainement, comme nous inventions des jeux, pour passer le temps, pour faire les grands, pour faire semblant, jusqu'à l'épuisement de notre enfance, recul du temps, saisons de notre mémoire? On n'imagine pas ce que le passé peut laisser comme trace dans la mémoire, on entre là dans un tricotage, on fait une pelote, juste pour conforter un présent pris dans une spirale; vérité? invention? composition entre ce présent et ces remontées? On tend vers l'absurdité de la vie quand on recompose. L'innocence vient se mêler à l'imprudence, pour, dans un méli-mélo, exposer un photo-montage, un collage, de ce passé-présent inconséquent et improbable dans le temps qui défile, le temps des autres, un autre temps? Si l'enfance permet une foule de souvenirs tous plus intriqués les uns les autres, c'est pour autant impropre de parler de souvenirs, nous devrions parler plutôt de lecture, et d'inventaire pour inventer une langue à venir, Traquenard de la langue dans un éternel recommencement. Posture insoutenable de l'enfant face aux ivresses insignifiantes mais faisant loi de la langue qui tombe sur ce soi pour l'asseoir dans l'inéluctable erreur de la lecture d'une infinitude de l'existence, vers une enfance-offense de son lien social. L'outre-tombe de la fiction de ce lieu commun qu'est l'enfance.



Thierry Texedre, le 21 avril 2012.