mardi 6 novembre 2007

Plaisir et dépression 1, d'un temps à l'autre.












plaisir et dépression, 2000 Thierry Texedre

D'un temps à l'autre, dans un temps culturel,
plaisir et dépression dans une refonte de
l'imaginaire, comme structure des espaces mentaux.


1

- Voila maintenant plusieurs années que vous n'écrivez
plus vos textes avec la ponctuation qui marque le
tempo de tout le texte, la reconnaissance dans une
phrase de l'état psychologique de l'énoncé. Et pourtant
vous passez dans vos textes de l'état musical en
suspens, à une respiration, le souffle opérant comme
une sortie de l'image pure, pour parer au plus pressé
avec l'audible.


T- Un temps qui serait plein, un temps culturel n'existe
pas. Seul l'objet traverse ce temps court, donc plein,
par son lien avec un social qui s'altère au fur et à
mesure que l'image invente son objet, son discours
analytique. C'est pour cette raison difficile à tenir, pour
être vrai, que cet être nouveau (le sujet comme toupie/
folie) doit en passer par l'abolition de la ponctuation,
afin que le corps de l'écriture fasse un avec son sujet.
Nous avons, pour plus de conscience, pour plus de
clarté, à mettre en avant une textualité libre des signes
de ponctuations, pour placer le sujet face à son
illumination, c'est-à dire devant reconsidérer le texte/
image comme s'il remontait avant le verbe, au plus près
de la musicalité d'une parole qui ne sort qu'à perdre son
écriture. Une autre raison tient au fait que l'écriture
n'est pas le seul registre qui prend forme au fur et à
mesure de son énonciation, mais le signe comme indice
qui se répète, prend lui aussi forme, de la forme peinte,
de la forme musicale, plus largement d'un registre
artistique. Et que la jouissance y tient un rôle majeur en
associant ce qu' un plaisir ne peut résoudre, et ce qu'une
économie peut forclore dans la loi. L'économie est celle
du marché mais encore celle d'un sujet et son fou. Le
marché est lié au social dans une impression constante,
une pression que libère l'inconscient du sujet. Pourtant
on ne peut trouver le sujet du temps long dans
l'économie de marché mais une tentative commune de
faire pression dans un temps court sur l'hétérogène.
Ce qui gêne les gènes c'est le nombre inventé pour faire
de la loi. Le vrai sujet est un sujet qui libère les gènes,
la résurrection de la chair montre la voie que doit
renverser un temps long. Pour peu que cette voie en
appelle au Christ père de sa mère, ça inonde toute la
pensée du temps court, au profit de la liberté d'une
temporalité de l'immanence, de l'intériorité. Ici la
transcendance vient se heurter au corps qui pense, qui
se pose en connaissance. L'espace se tient de l'esprit
dont ce qui se conçoit est objet, extériorité qui dépasse
toute chose, c'est aussi le lien que la jouissance
entretient avec le corps, au passé. Ce passé est la mise
en forme révélée en peinture, dans la dépense qu'un
plaisir ne peut occulter. C'est là la seule subversion
possible en dehors des courants de la peinture qui
peint aujourd'hui. Seulement quelques peintres auront
l'audace de démêler leur position de pensant face
aux flux migrants et grossissants de la peinture/écriture
qui prend le devant de la scène contemporaine. Le
grand refoulé de cette apparition est le corps dans sa
spatialité, dans sa parole; que la musique savante sait
si bien sonder depuis quelques décennies et qui le
martèle à la peinture pour qu'elle se livre au même
effort: le nom du père ressuscité de son assassinat par
son fils né d'une loi de la parole signifiante. Pour en
revenir à la ponctuation dans un texte, sa "texture" doit
être lue comme si on imprimait l'image du Nom des
auteurs; ceux-ci composent l'alignement réflexif de tout
texte, même analytique. Ils sont "l'ombre"de ce qui
colle au corps qui veut penser! Eh oui, qui veut s'en
donner la peine, mais hélas rien ne tombe du ciel sauf à
sonder l'entre-jambe féminin, pénétration-érotisation
pas encore pornographique, sauf à le prendre à la lettre,
à l'écriture. C'est dans cette situation inconfortable (le
sexe est-il confortable?), que la question s'est posée de
savoir s'il fallait reprendre les pinceaux après
l'éclatement du temps court en peinture. Des réponses
sont possibles par coups de la conscience qu'un travail
devenait urgent dans 'espace fermé de la peinture qui
culpabilise de peindre des images, parallèlement à la
photographie et aux multi-médias (musique-son-vidéo).
Pourtant déjà en décalage, quelques peintres se sont
donné les moyens de changer les choses. C'est à travers
"l'évasion icarienne" dans les années 1971-73, soulevée
par une femme peintre Judith Reigl réfugiée en France
(née en 1923 en Hongrie, elle réussira à traverser le
"rideau de fer", elle s'installe à Paris en 1950) et la série
des "homme"1966-72, écriture anthropomorphique liée
u pouvoir religieuxrevisité dans la structure mentale,
problème de résurrection avant l'heure. Judith Reigl
préfigure l'économie en peinture, et restera hantée par
la figure humaine. Sa peinture reste consciente du
pulsionnel proche d'une impossible vie en dehors de la
représentation. Ce qui donnera par un détour sur le sujet
de la langue (avec "l'art de la fugue" 1980-85) un corps
visible et en perpétuel crucifixion (..." [Les écritures
d'après musique], rapprochent jusqu'à les confondre les
temporalités et les formes si proches du dessin, de
l'écriture, et de la musique, ce qui répond aux rythmes,
tempi, vitesses, et tensions de l'harmonie musicale"...),
mais aussi en suspension dans l'ouvert/fermé du
macrocosme. Un état de tentation apparaît alors en
peinture, chassant dans les plis la peinture prise dans les
filets de la couleur jusqu'alors découpée par un Matisse.
C'est le choc Simon Hantaï. Celui-ci, issu de l'école
surréaliste (qui soulèvera la problématique de
l'inconscient instrumentalisé dans le Tout social),
sera pertinent en abordant la peinture sous la forme
d'une "abstraction concrète" empruntant à l'écriture
automatique surréaliste sa consistance gestuelle en
épandant de la peinture sur une toile posée au sol après
avoir été pliée mécaniquement. Le déplié de la toile
révèle alors une surface où toute subjectivité est réduite.
Dans cette histoire, la couleur revient à Matisse qui
curieusement substituera celle-ci au profit d'un
anthropomorphisme qui laisse apparître l'état biologique
à sa source: le religieux. Religion et fécondité,
féminité et déroulement d'un savoir par la jouissance
d'une production de corps; d'où langage. Là encore
nous sommes amenés à voir parce que nous plongeons
dans la couleur, et un autre peintre joue sur la feinte
de cette vue: Louis Cane. Celui-ci articule les corps
mais aussi leur geste après un Cézanne et un Pollock.
L'articulation c'est ce que l'âme aurait été dans une
autre vue un autre temps. C'est dans un engendrement
spatial "de ce qui ne peut s'abstraire -- dans la
défiguration des collages du savoir euclidien -- pour
engendrer les espaces mentaux du corps dans lesquels
le langage lui-même se reproduit et s'aménage dans
la topologie de ses morceaux". C'est ainsi que
Christian Bertaux dessine le travail de Cane en 1981.