mercredi 20 avril 2022

Le temps et la dilatation de la peinture

 























 Le temps et la dilatation de la peinture 

 
 

On rencontre de nombreux peintres dont l'art se souvient d'une figuration, mémoire à rebours, vers cette imprégnation qui permet à une peinture de naître soit orientée dans la figuration soit comme abstraction. Un va-et-vient intemporel, puisque tout se génère dans un subconscient voué à réapparaître dans le réel d'une façon ou d'une autre avec une fusion mentale qui parfois dévie, en structurant ainsi l'usage d'une certaine usure de la mémoire. Le peintre remonte dans l'histoire de sa pratique pour assimiler le paysage temporel d'une dilatation passée, mais aussi de cette dilatation du sujet présent, pour peut-être défaire la narration passée, la reconsidérer avec la langue présente, de la narration qui aura fait jouir ce présent.  

Monique Frydman traduit en toute quiétude de nombreux peintres, s'en nourrit, s'en imprègne discrètement, pour que quelque chose soit en train de naître, et se dilater, s'évertuer à reconnaître, de montrer qu'il est toujours question de temps. Frydman travaille en séries, pour que la perception, la vision et le ressentiment explorent la lumière des couleurs sur la toile présente, les formes se dessinent selon une rencontre avec De Kooning, Rothko, Sassetta, Le Greco, et le temps les vibrations d'un paysage qui entoure son atelier et ses voyages. L'artiste s'évertue à pousser l'innovation et rendre aussi l’archaïsme délibérément présent sur la toile. Pour Sassetta (1392-1450), peintre narratif du XVe siècle, tout semble démontrer qu'il y a une plus grande intimité dans le traitement des personnages. Les couleurs intenses sont subtiles. « Les figures presque diaphanes se détachent sur une architecture complexe d'une grande fluidité. » Perspective ici plus marquée chez Monique Frydman qui tente l'abstraction en s'essayant au temps qui se dilate, « perspective » qui s'origine peut-être comme langage à Lascaux ! Le peintre utilise le pastel, des pigments et liants sur toile de coton, la tarlatane, le papier Fabriano...  

 

 



Thierry Texedre, le 15 avril 2022. 

 



Monique Frydman ((1943-)

artiste peintre française

née à Nages, Tarn.







samedi 9 avril 2022

L'oeil au regard musical

 

























L’œil au regard musical


C'est une retombée, milieu du baroque, le temps qui s'ouvre double, étirement d'un manque parfait ; celui de l'ellipse. On entre en rédaction. De celle qui s'applique à la peinture qui occulte le discours quand on la voit, pour faire parler cette économie de l’œil qui serait imparfait à regarder une peinture. Le monde baroque est un monde où ce qui apparaît du peint est une « représentation des contrastes et de l'éphémère de l'existence, c'est l'apothéose de la splendeur, de la mort et des ténèbres ». Le physique et la pensée sont dissonants. L'origine de la musique se mesure aux senteurs sexuées de l'hyperbolique reproduction humaine, puisque devançant toute trace, tout signe, toute création, dans une grammatique posturale. On rencontrera donc dans la peinture moderne quelque chose qui semble « musiquer » chez Le Greco, Vassily Kandinski, Piet Mondrian, Robert Ryman, Jackson Pollock qui danse sur la toile contextualisant ses drippings, ou ouvrant au tragique chez Vladimir Velickovic aux sons de la chair, au corps en suspension au-dessus de la toile chez Fabienne Verdier, et tant d'autres peintres qui font courir les couleurs dans une sensualité indescriptible, forçant les couleurs à vibrer, à chanter, telles que ces surfaces colorées zébrées d'un « zip » vertical chez Barnett Newman. Deux mondes décentrés et hypertrophiés, et un centre, celui qui appartient à l'espace du regardant perturbateur, celui qui fait résonner la parole de la tension, musique à contrario, qui fait monter les couleurs comme la pression de l'inconnaissable.

Et Hansina Iversen me direz-vous, qu'en est-il de ses peintures ici, dans ce démembrement charnel du paysage contemporain ? Si le baroque exulte, la nature, l’exauce, les couleurs semblent courir inexorablement vers l'extensionnalité, là où on ne les attend pas ; soit dans une formulation des formes sans conteste invoquant l'anamorphose. Hanzina peint accompagné par la musique. Beethoven provocateur de puissance, de tension entre douceur et exacerbation de temps forts, dans un maniement elliptique de la composition musicale, voilà le rapport, la posture baroque qui va se transcender chez Hanzina Iversen. Et l'on devine une peinture de paysage qui ne sait pas ce qui se passe ni ce qui se montre.


« Chaque tableau pris isolément n'a pas de titre. Le plus souvent je travaille à plusieurs toiles en même temps sur une durée plus ou moins longue. »

« Les toiles comportent plusieurs couches, et chaque couche est sèche avant l'application de la suivante. Ainsi, bien que je peigne à l'huile, les couleurs se superposent sans se mélanger, formant ainsi de nouvelles couleurs et de nouvelles formes... Je préfère ne pas savoir ce que je vais faire. »




Thierry Texedre, le 6 avril 2022.


Hanzina Iversen (1966-)

artiste peintre, vit et travaille à Torshavn, Iles Féroé.