samedi 11 décembre 2021

Sur quelques peintures de Laurent Proux















Sur quelques peintures de Laurent Proux


Il y a comme une incidence, un questionnement sur ce qui fait télescoper, dans les peintures de Laurent Proux, le travaille de la couleur avec celui de lieux qui auraient été figurés dans un rapprochement avec la machine industrielle ; le temps sociétal contemporain trempé dans une reproduction d'un corps-machine. Il n'y a plus d'opposition, la couleur inonde la représentation de franchissements, de plans, liant le visuel dans une autre exploration. On ne peut plus y voir que des segments et artifices déplaçant la sexualisation du monde vers un accord programmatique intelligible, une vision qui se structure à mesure que la couleur descend vers d'infimes plaisirs, entre le visible et l'invisible de la peinture. Une certaine énigme nous percute, quand on passe d'une peinture à l'autre. Un monde s'efface au profit d'un écartement, un cérémonial s'y invitant, comme si du passé une subjectivité était remontée pour exciter ce savoir qui nous recouvre d'une ombre sans forme, au milieu de nulle part, et produire un songe sans fondement, au rêve démesuré d'un chant qui fait jouir les couleurs perdues.

S'il y a des corps, c'est pour inonder leur insoumission à toute matérialité, leur vertigineuse création, le pouvoir incessant d'extraire de la vie ce cortège incessant de figures allongées qui s'enrouleront à un moment autour de la disparition d'un corps-machine, pour visiter par la peinture cette liberté d'aller d'une abstraction à une figuration, dans un va-et-vient coloré pour alors proposer une autre vue du sujet, d'un sujet aux rivages de la naissance, la naissance d'un corps recomposé. Aux portes d'un abîme, le spectacle que propose Laurent Proux s'ordonne dans la grâce et l'harmonie en contrepoint à Pablo Picasso, non pour désavouer celui-ci, l'effarement n'en est que plus difficilement soutenable, mais pour donner au jeu social sa mise en tension historique, sa conscience, une pénétration dans un temps qui soulève la problématique de la machine.



Thierry Texedre, le 9 décembre 2021.




Laurent Proux (1980-)

artiste peintre français

né à Versailles, Fr

vit et travaille à Paris










 

jeudi 25 novembre 2021

D'une peinture puzzle à l'ouvert/fermé d'une nature fragmentée

 












D'une peinture puzzle à l'ouvert/fermé d'une nature fragmentée


Une peinture qui semble se montrer en convoquant l'art photographique, sortirait-elle de cet atmosphérique besoin du spectateur, du regardeur, de dissocier les images qui les maintiennent au risque d'invalider le dessin récupéré par l'image photographique ? Une peinture peut montrer ce drame historique dans une réalisation, une peinture à jet d'encre, configuration qui se donne à voir dans une peinture puzzle (« De nombreuses peintures de puzzle partagent une palette et une méthode avec les peintures photographiques. »). Faut-il en passer par d'autres techniques réajustant l'image pour un profit plus masqué de l'idéel photographique (la photographie n'eut-elle existé qu'à la seule impression d'une peinture trop fragmentée techniquement, peinture alors visionnaire d'une profondeur du champ de la pensée, à sa nature ouverte/fermée.)?

Michael Williams démontre par ses peintures qu'il est possible d'emporter dans ces confinements, une intention, un espace que l'esprit restitue en montrant des collage paintings (« Les images de Michael Williams reflètent, changent et déplacent notre regard de l'extérieur vers l'intérieur. ». Mélange qui définit les collages Dada libérateurs dans une autre temporalité, celle des confinements. La nature fragmentée des peintures semble pourtant réparer ce qu'un inconscient tente de répliquer d'une « autre scène » qui se joue dans notre refoulé. Collages inappropriés et peinture en surcharge, donnent au regard sa monstruosité, sa marque étranglée dans un autre civisme une autre socialité qui parle l'objet-déchet d'une pensée déjà trop dégradée pour établir sa véritable fonction : celle d'avancer quelque raisonnement qui perdure, un sens commun d'un lieu peint, identité d'une juxtaposition d'erreurs sur un corps déconstruit, un corps élu dans une ivresse de la matière infestée par d'autres idiomes ; ceux-là même qu'une lecture va montrer au regard sa foi intérieure, son double, son identité.

Thierry Texedre, le 23 novembre 2021.


Michael Williams (1978-) né à Doyleston, Pennsylvanie, vit et travaille à Los Angeles

 




dimanche 14 novembre 2021

La peinture endémique ou un art pictural de la fission























La peinture endémique ou un art pictural de la fission


La peau résolue d'une révolution s'étend, aléatoire, parce que le risque de sa disparition ne vaut qu'à soulever sa présence dans un temps disloqué. Ce corps se répète, parce qu'il n'est pas résolu au massacre vertigineux d'un réel. Sa jubilation ira gangrener ce qui se pose comme vérité, la transmission, sa nudité, renversant ainsi l'existence ; c'est une excitation liée au temps. 

Le temps et la peinture sont liés. Un corps de la répétition vient réagir dans la peinture, comme une subordination au risque temporel de la disjonction avec le vivant. Le peint est un révélateur, une borne, dans un entre deux de la répétition et de la mort. Cette disjonction vient explorer, exploser la finitude du vivant, déplaçant une certaine temporalité sur un support, une trame, où une peinture s'étend en réfraction comme matière de la peinture, comme exploration de l'indifférence, du sens vie/mort, et ce, jusqu'à un soulèvement, une une réorientation visuelle, une instruction sur l'immatériel, c'est la polyphonie du vivant. La peinture s'émancipe à chaque enterrement de sa lecture. Juste le temps de voir sa dépression s'évanouir en une autre mémoire, une interminable réflexion/réverbération qui la fera graviter autour d'un questionnement sur l'indice irrésolu de sa mise en suspens un temps donné. C'est la mémoire qui ouvre la peinture à une trajectoire qui la montre comme source imprévisible et permanente d'un recommencement, une reconnaissance de ce sujet dont on ne peut mimer et imiter le trauma ; ce qui se déclare et éclate dans une dérive du double au multiple d'un lien social altéré par cette peur, ce déferlement, cette retenue du temps. La peinture serait devenue aléatoire, à trop écouter l'infini de l'altération sociale (celle qui montre le lieu de la théologie, et puis celui de la révolution comme écartement, coupe avec le sacré, avec une vision de l'Un théologique), une peinture entrant par là, aveugle (et aveuglée par le manque, l'irruption d'une hiératique couleur), dans l'insécurité constante à représenter, (la liaison ici, serait celle de la langue qui explicite pour nommer, reconnaître une trace). Un indice qui perdure dans la forme (une formulation, un chaos) pour faire signe. Ainsi la forme ira dans le sens de l'aléatoire, et l'envelopper le circonscrire, comme délire d'un futur désir (que la peinture vient toucher, caresser, imitant un corps amoureux). Ce lieu inapproprié de la peinture viendrait multiplier sa tentative d'irradiation de ce qui pense, pour envelopper, interroger l'absence de l'Un, comme communauté (l'impossible communication), seule une communion peut espérer rencontrer quelques sujets visitant une imposture, une conscience (la jubilation que l’œil peut d'explorer de nouveaux signes traduits à l'origine de toute écriture), et ce, par l'expérience de la peinture. La peinture naît alors d'une hyperbole entre l'assemblage des signes en un agglomérat sensible, un récitatif intelligible, et une extension de cette lisibilité dans une musique, une organisation dans un lieu de l'appréhension picturale. La peinture endémique est une peinture qui sévit malgré une mise à mort qui revient sans cesse de la peinture, annonçant par là une certaine répétition, parallèle qui s'organise dans un milieu social qui défigure son contrat à mesure que celui-ci se contracte (c'est le malaise qui sévit quand une société produit un schisme avec la perte de jouissance d'un corps érotique irrésolu).

La peinture abstraite transcende tel un langage universel, formes et couleurs qui avancent ou reculent une saturation dans une certaine illusion d'optique ; c'est là que se situe l'apparition ou la disparition d'une imagerie articulée dans l'Histoire comme un flou, c'est une une certaine incandescence qui obstrue toute division avec l'incarnation d'une représentation. Une peinture qui proposerait une cinétique depuis cette illusion d'optique, montrerait un certain divisionnisme expectorant, évacuant la visibilité d'une peinture, sa luminescence en mouvement, pour imaginer un pointillisme opalescent, « un voile moucheté de couleurs atmosphériques » tel que nous le propose un Tomm El-Saieh. Faut-il remonter à Georges Seurat pour insister sur cette visibilité ? Lequel influence l'autre ? De ces points d'achoppement semble se résoudre une équation, un regard tourné vers cet « all-over » (répartition plus ou moins uniforme du médium d'un traitement pictural), d'une distanciation de l’œil avec une conscience déportée « Quand je suis dans ma peinture, je n'ai pas conscience de ce que je fais. C'est seulement après une prise de connaissance pour ainsi dire, que je me rends compte de ce que je fais », disait Jackson Pollock quand on l'interrogeait sur l'automatisme dans sa peinture. Un grand écart me direz-vous avec Tomm El-Saieh, si ce n'est de celui de ces motifs entrelacés d'une intrication Vaudou haïtienne révélée chez Tomm El-Saieh, grand écart, entre une peinture aux rituels Vaudou, et des représentations archétypales communes à toutes les cultures humaines images primordiales chez Carl Gustav Jung ?

On entre en musique comme on entre en religion, avec des points d'interférence, des silences et ces lectures à peine lisibles, des mots et des phrases aux gammes cinétiques, des portées aux flous incandescents. Voilà la peinture qui nous descend de l'atome, d'une fission de notre vision quant à ce qu'elle a de reconnaissance à trop rencontrer ce regard écarté.


Thierry Texedre, le 14 octobre 2021.


Tomm El-Saieh

artiste peintre

né en 1984 à Port au Prince, Haïti

vit et travaille à Miami et à Port au Prince


 




vendredi 15 octobre 2021

Feux

 

















Feux


Risquer retirer se montrer se suffire

le feu qui montre sa terreur le sang

la contagion contact regard de biais


Rencontre sinuosités sur le champ

regard entrelacé du souffle coupé

voilà le chant qui revient la surdité


S'ouvre la porte de la foi une fois

trop petit est cet écart avec l'oubli

va et vient de la gangrène tant pis


La possédée choquée par une bête

qui la regarde et pour faire tomber

l'encre sur la culotte blanche du lit


Monstruosité que la vie qui meurt

à même le sol avant le feu sourd

de la possession de l'esprit plaisir


Sorte d'animal rébarbatif au saut

puis qu'il y a du sang sur la foret

à force d'essayer des cris partout


Enfin d'un récit le visage découvert

chassera les pensées de l'inaudible

création d'un vent dans les oreilles.



Thierry Texedre, le 15 octobre 2021.



Adrian Ghenie (1977-)

Forest Landscap with fire, 2018, huile sur toile, - 200,5 x 290,2 cm










 

lundi 27 septembre 2021

Le déluge étreint de la peinture

 








 























































Le déluge étreint de la peinture


Depuis cette commémoration

attentat sur l'humain répliqué

l’œuvre errante du peint naissant

l'étirement vers ce qui émerge

d'insolence d'exactitude à recommencer

l’ouvrage d'une mauvaise naissance

à quel âge le peintre peut du nom

analogue au dedans rencontrant

ce qui gribouille rature et ausculte

les bruits de la peur les mains

et les pieds déposés au plus près

du repentir de la surface mesurée

choses de la mémoire à rebours

le risque s'étale cherche son sens

jusqu'à la réception d'une peinture

plongée en tous sens le souffle retenu

pour mieux tirer ce trait tremblement

généralisé de l’œil qui ignore encore

qu'il en connaît déjà de trop

sur cette émergence du peint

au milieu de ce point où l'éternité

pousse le sacré vers cette spiritualité

et encore du sublime qu'un corps pousse

la figuration à chuter à chuchoter à sauter

sur les traces d'un nom soudain

petite musique naissante pour déplier

le temps d'en sortir du peint de l'étreinte.


*


Montrer cette belle peinture, celle de Sergio Padovani, celle qui fait avancer, plonger dans les entrailles de ces corps où aucune pourriture ni joie n'ont de prise, sauf peut-être d'avancer vers ce moins d'impossible, et moins d’irréflexion ; l’œil du peintre nous en dit long sur ce qui se pense, d'irréflexion grandissante aux prises avec les jeux lieux de la dépense. Les corps sont pris dans la dépense dès la naissance. La peinture de Padovani est une autre naissance. Où aucun Paradis ni Déluge n'a de prise sur nos consciences. Cette vision de la peinture, vous la présentez comme une entrée en communion. La chute de l'homme n'y suffit plus, on doit s'accorder maintenant à assaillir ces vieux démons. La crise de la Théologie partout, montre qu'à cet instant, est nécessaire l'emprunte de ces peintures du lieu et du non-lieu ; et faire figure de ce qui ne peut pas être montré de l'espace d'un pensant plongé dans une communauté discourant à tout-va sans cesser d'inonder le temps d'informations informatiques. Padovani a fait une trouée dans le ciel méconnaissable du réel, au plus près de cette humanité assoiffée du « bitume », l'or noir du monde qui a inventé la psychanalyse aussi pour mieux masquer l'alchimie de nos déraisons, de nos folies, « les fous vivent dans le sacré ».




Thierry Texedre, le 23 septembre 2021.


peintures de Sergio Padovani (1972-) artiste peintre italien vit et travaille à Modène








mardi 14 septembre 2021

Lumière et entre-temps en peinture

 




Lumière et entre-temps en peinture


Irruption dans l’entre-temps, coagulation d'une parole dépliée

Danse irréelle dans l'immobilité de la mort

Tout corps descendant pose la solution de sa sustentation

Derrière un ciel animé se pose l'alternative animale

Sonde éclat de lumière depuis l'intérieur postulat du désir

Chaque enterrement brûle la flamme de ce désir

Celui de l'incommensurable démesure de la jouissance

L'entre-temps s'étire contaminant toute parole hybride pour l'inventer

L'autre ment sur sa parole impulsion du même en une lecture déplacée

Tout sujet est un potentiel dément démenti par l'autre

Commémoration d'une lumière dont les couleurs ressortent irréelles

Ce qui se montre des couleurs sur l'arc visuel reste à charge pour le sujet

L'autre détient la vérité sur cette lumière dans sa décomposition

Pour imiter ce qu'un sujet voit de cette irréalité

Cette somme des couleurs ce blanc cette réserve n'a de sens qu'à écouter

Ce qu'un sujet soumet de sa réserve de cette charge par l'ensemencement

De ces particules qui sonnent sur la toile tendue de l'histoire

De l’œil ressuscité par son ouverture sa fermeture au bleu primale

Du bleu d'y voir ou non cette lumière atomisée en particules de lumière

L'entre-temps est un songe relique du temps dévisagé

Le visage qu'une peinture transfigure en figure pour y voir l'espace

L'espace montre celui qu'un esprit peut montrer tel qu'une peinture rejette

Cette finitude de la figure sort de ce format peint du temps plein

Le temps plein revisite sans cesse le réel contre une forme finie

Une forme finie du vrai invitant au langage pour comprendre l'infini

L'infini est ce sens qui sort du vrai pour montrer l'impossible temporalité

D'une peinture qui laisse partir l’œil qui ignore son attirance pour le réel.



Thierry Texedre, le 14 septembre 2021.


Giorgione (1477-1510)

Les trois philosophes (1508-1509)

huile sur toile 125,5 x 146,2 cm







jeudi 2 septembre 2021

De la réception au délice

 

























Andréa Belag est une artiste peintre américaine née en 1951 qui vit et travaille à New York. Sa peinture resplendit par ses enchâssements picturaux qui s’effacent, pour laisser des formes colorées se montrer au bord d'un blanc hors du temps.

L'abstraction s'étend et s'étire sur de grands formats, selon que l'artiste utilise le lin ou le bois comme support à la superposition d'aplats de couleurs translucides dans un premier temps, puis opère par ces recouvrements sensuels d’immenses échanges formels jusqu'à une reconnaissance parfois floue et pleine d'indifférence formelle, ou insistant sur des formes usuelles pour tirer la peinture hors d'une intention visuelle fermée. On entre dans ces peintures par une communion intérieure qui sans cesse interroge l'esprit sur sa dispersion entre le visuel et l'inquiétante étrangeté du mouvement d'empressement pour sortir de ces formes gestuelles, par les couleurs d'un « regard intérieur ». De ce que peut scinder l'esprit contre la dispersion visuel, et par là, se risquant à reconnaître un sens dans des formes instables, dans un flou visuel permanent. Il y va d'un équilibre dont la permanence équivaut au risque que l'esprit permet d'étreindre la couleur et la forme en délivrant un temps, sur la toile, cette érotisation qui pousse l’œil dans ses retranchements les plus insatisfaits.

Comme pour balayer d'un revers de la main le souffle divin.[Dieu ne serait-il jamais mort, faut-il montrer Dieu comme la langue nous le donne à voir ? Princeps religieux de l'Unique révélé en trois personnes transcendé dans le fils par l'Esprit Saint. Saut dans la langue, parole de l'incomplétude résolution du déroulement de l'inconnaissable ; l'Histoire serait plus helléniste que monothéiste. Dieu est un lieu, le lien par une parole du voir l'Être de l’existence, la mort serait alors à jamais vidée de sa substance, vouée à l'écart de l'être, intérieure à la peinture.]

Le peint ose se fondre dans les foudres d'un abîme démoniaque. La peinture se rebelle, s'extasie, se tord, annonçant haut et fort ce qui va devenir sa terreur, notre terreur d'exister.

L'immense champ visuel et formel s'écartant, insistant sur l'instant insaisissable d'un néant représenté par le blanc de la toile, s'étale, s'installe, entre forme et couleur, « caressé par un subterfuge, celui d'Eros ». Si l'enfer ici, n'est plus à la hauteur d'une peinture, c'est pour ouvrir à la peur de rester dans l'enfer et d'en sortir, dans la violence du choc des couleurs avec l'esprit de la forme, celle-là même que les hommes ont fait qu'aucun champ n'a plus le plaisir comme libre « dépliement ». L'être-là se dissout dans un discours pour montrer la terreur d'un retournement visuel, à y voir quelque chose qui n'a pas de lieu ni d'être. État du peint damné, d'une démesure du négatif, d'une compromission par un floutage des couleurs. L'artiste s'en sort. Acrobate résolu au dialogue et à la perméabilité avec un public en état de dissolution. On entre dans cette peinture en opposition à toute abstraction, mais on en ressort en biffant, rayant ce qui se figure, ce qui meut en nous toute forme, toute perspective d'en voir l'au-delà, une sorte d'attraction visuelle de la résistance rétinienne. L'artiste pose les bases d'un combat. Le hasard des rencontres dans le vide blanc (le fond est un reliquat, une mémoire perdue de l'infini, montré sur la toile par le peintre pour éclater l'espace en zones où figure et fond entrent en collision, espace théâtral qui supprime les figure donc le fini.) fait remonter cette somme des couleurs, jusqu'au risque d'un signe, celui d'une étreinte, d'un enfer de la jouissance. Faut-il encore qu'un peintre montre l'importante nécessité de peindre pour effacer « l'oubli » que l’œil imprime sur la toile ? La peinture ne tombe pas du ciel. Elle donne à voir ce que l'histoire déforme, à ce qui nous lie au vivant, ou plus exactement ce qui nous délie de nos actes manqués, mais encore ce qui nous encre dans de nouveaux espaces informels ? Nourritures que nos esprits déchirent lentement jusqu'à l'outrageant raisonnement du visuel. Origine quelque part, pas si éloigné d'un Sam Francis qui privilégia l'action painting jusqu'à un point de perversité dont on aura mesuré la limite ici, dépassée par une mise en mémoire tampon du mouvement gestuel du peintre dans l'infini.

Ce qui nous appartient là, chez Andréa Belag, c'est ce qui nous apparaît, dans un moment interminable, c'est de laisser vibrer notre émoi devant le combat qui s'amorce, titanesque : la couleur et la forme ne sont que des morceaux d'infini. Le chaos de ces limbes s'éloigne à mesure qu'un corps de la dépense force la vision jusqu'à cette temporalité de l'esprit vouée à toute réception.




Thierry Texedre, le 2 septembre 2021.




samedi 7 août 2021

L'argile du temps



           L’argile du temps 

 

Violation du temps 

L'art délectable de la destruction 

Sort de ce sordide état de dépendance 

Le temps est maculé de ses cendres en vol 

L'Est s’est éteint et voilà que fume cette fugue 

Infranchissable raisonnement de la voix 

Qui pleure ce trop cet ensorcellement 

Ce divin regret d’emmener les songes 

Aux lieux de l’immortel 

Aux rencontres avec les Dieux absents 

Corps inventés pour illuminer ces Dieux 

Tout passe par ces interdits si touchants 

Que la chair s’ouvre au tremblement 

De ce qui l’interdit jouir sur rien 

Le Vide d’un jeu avec le Rien 

Quelle vérité peut encore apparaître 

Sur les impostures du corps consenti 

Les propriétés invisibles de la raison 

Quelle fragilité vient incidemment vider 

Tout raisonnement quand l’outrance règne 

Depuis l’enfer de l’infernale explosion des sens 

Au milieu du règne animal 

La tempête règle en maître  

Sur nos sens expulsés 

La loi rebelle d’une révolte 

Trop de liens organiques  

Expulsent la vie de nos êtres 

Le temps programme sans fin 

Ce qui va advenir de l’argile du temps 

Jusqu'au jour d’un feu inconnu 

Où un soleil noir dévisagé  

Épuisera l’astre mort de nos rêves 

La puissance qui nous veut invincibles 

Laissera la naissance se passer 

Comme si de rien l’enfantement 

Montrait le chemin de l’ensorcelé 

Le chaos répété dans le vide sidéral

Poussé par l'insidieuse existence

Un corps s'entend par la peur

Lentement couché dans les apparats

De la désobéissance infinie

Pour trouver ce corps disparu  

Un corps de l'envoûtement

Une impulsion du rêve dénié

Partout des lueurs entremêlent

Un jour naissant l'envers défié

De la défaite de ces ordonnances

          Rassérénées dans la crasse immonde 

          Public asservi danse que ta joie demeure.  

 

 

Thierry Texedre, le 7 août 2021. 

 

 

 

 

 


 

dimanche 1 août 2021

De part la grammaire du temps peint













 











































 De par la grammaire du temps peint

 

Sur les cendres du désir, je croise le vent, l’indice d’une ultime réminiscence de la vie. Le sang versé va vers ce long fleuve de l’irrationnel, irradiant la pénombre qui tombe sur les cadavres exquis de la dramaturgie animale ; l’organique, l’orgasme du corps qui se délite à mesure qu’il prend la parole chant, cris, murmure, sorte d’exhortation glottique qui se risque depuis la contraction des sphincters devant la peur d’exister conscience ou état de création pure depuis cette pesanteur à se soulever de l’originel. Si le temps n’existe pas, c’est que penser est à rebours de ce qui va vivre, occurrence d’un vis-à- vis avec l’irréalité de cette détention qui développe la vie et la mort. Frôler l’extrême. L’enfermement n’est plus la tentative d’élocution qui exporte le verbe vers une gorge, rencontre avec ce “de profundis” ; l’entrée dans un sexe, une profondeur qui avale son texte, sa jouissance en copulant sur le verbe jusqu’à sa naissance ailleurs. Vie qui souffre d’un vertige qui s’entend et s’étend partout sur un corps érotique. Petite musique du retournement du plaisir en désir de l’impropre, de la fuite verbale en tremblements orgasmiques. Un temps tombe, sur les erreurs d’une plaie béante encore liée à cette effusion, une fuite ; l’origine du temps est la fuite. Le corps est possédé, puisqu’il tombe sur un temps de la fuite ; Cette possession résiste à la fuite en traversant le temps. Si un corps peut traverser le temps parce qu’il fuit, c’est parce qu’il peut “penser cette fuite en jetant les bases qui pèsent sur ce corps, en pensant sa venue au temps. L’esprit lie sa reconnaissance au temps par des signes distincts, exploration sans fin du corps qui intente au temps une dérive que la pensée peut à se distancier du temps. J’entre en apothéose avec le temps quand il peut disparaître, l’instant d’une pensée qui visite ce que le sens a à imposer sa mise en tension avec le temps. Le vent souffle dans les gorges, arythmie d’une feinte du cœur qui fend le temps pour diviser un corps. Le corps divisé passera tout son temps à reconnaître cette chair qui le traduit et travaille sa consistance, sans jamais toucher le temps comme un double, d’un double qui n’est pas pensé, parce que le corps “voit” à imaginer le temps dans sa division. Pour en venir à ce que la peinture traduit comme art visuel. La peinture outrepasse ce que le corps produit d’exposition au temps. En se dédoublant dans l’art pictural, le corps peut penser cette indéfinissable réfraction de l’œil sur la toile, en imposant au temps une mise en acte d’une pensée, via un lien social pour ainsi remonter aux origines de la représentation. La peinture n’est-elle pas la déraison d’un socle social ? La perspective inventée ne puise-t-elle pas dans l’antre d’une ressemblance avec un corps nu, dépouillé de toute extension verbale, à trop épuiser l’entendement d’une architectonique religieuse illuminant la problématique temporelle en limitant ce qui revient à l’animalité comme quelque chose qui a à voir avec ce songe intemporel (rêve éveillé ou étirement du rêve nocturne vers sa mise en parole) qui ouvre à un autre lieu, le discours, celui-là déjà d’une itinérance de l’inconscient au XXe siècle. L'épuisement du sens passe par une retombée de l'espace infini proche de celui du rêve, ainsi l'austérité obligeant en peinture ; Nancy Graves (1939-1995), dans une abstraction qui se libère de toute approche rituelle, lie dans ses peintures des éléments relevés au réel et à des sources plus scientifiques, telles que des cartes, des diagrammes, l'art rupestre et documentaires liés à l'espace et aux profondeurs des océans. Elle réinterprète aussi d'anciennes œuvres qu'elles transmutent jusqu'à une abstraction polychrome hybride et chaotique, où une vision réaliste devient impropre à l'interprétation. Nancy Graves par ses innovations transgressera la peinture abstraite en mobilisant les sources contemporaines pour poser la question d'une diversion de la peinture quand à son attractivité réelle face au risque itinérant inhérent au pictural, d'entamer la division de toute subjectivité devant l'impossible résolution de tout « sens » du vivant à résister à l’œil.

 

 

Thierry Texedre, le 30 juillet 2021. 



 peintures de Nancy Graves (1939-1995) artiste peintre, sculptrice, réalisatrice américaine
















 

mercredi 7 juillet 2021

Croisements

 






















Qu'en est-il d'une surabondance de peau, de corps intervertis et interminables, pliés dépecés et troués, corporéité du dedans sans cesse repris en croisements, en délires d'une délivrance sans fin ? Sortilège d'une contemporaine incantation verbale qui s'enfourne se contente d'une douce peinture acerbe et musculaire. Tête qui mange un pieds pour se jouer de l'intemporalité du monde mental de l'humain dans un perpétuel mensonge du corps qui parle la langue d'une possession.



Croisements


Béatitude de la délivrance

songe du dépassement

trou vertigineux sortilège

du doute désaffection

le temps passe en prose

seulement pour parler

une indéchiffrable lueur.


Site en station trouée

corps désabusé du réel

la frappe le clou l'envers

voilà la plainte qui sort

se risquant à d'autres

réalités qui enfournent

la verticalité du mensonge.


L'interdit touche à sa fin

une musique tremble

en ouverture en immersion

des blocs se soumettent

sans parodie un choc

tonne pour casser les ondes

on trace on court on va vite.


Une dispersion un soubresaut

un sang coule en hommage

épuisant le souffle opaque

dressé depuis ce jeu joué

d'un fragment de biosphère

pour avoir tenté d'effacer

finir par séparer le temps.


Sonde irisée du corps

qui touche tombé en lisière

la plaie béante d'un ciel

verbal incandescent

la cour reste vide lueur

infernale de l'esprit lâche

et entrain de se délivrer.


Couver le sol est couvert

de ces sanguinolentes

aspersions sillonnant

l'usure spirituelle l'attention

portée à la déportation

finir par trouer le corps

maudit à trop le renverser.


Vers cet enfer qui ment

raccourci du temps

sur l'invention du corps

écartelé en éclatements

successifs fraude

de la terre qui expulse

pour avoir connu l'homme.


Thierry Texedre, le 2 juillet 2021.

sur Fragments pour un portrait de Philippe Manoury









lundi 21 juin 2021

















Où se cache l'être ?


Gisant devant l'amalgame

l'astre qui tourne

retourne le tourment

jusqu'à l'épuisement

de la matière le souffle

révulsé du temps

dépassé défait déformé

l’œil en traitement

plonge sa rive

sa perspective

dans des évasions

où se reformulent

les encombrements

d'une matière tubercule

plongée en hyperbole

des formes vite rêvées

pour se rétracter chasse

de la vie qui sort

fulmine depuis la fin

en un gaz incantatoire

où se cache l'être

expiration du temps

dépourvu et oublié

quelques pets

s'organisent en bulles

éclatantes l'instant

du regard fuyant

on passe d'un enfer

à une pluie la couche

surannée d'un toxique

état d'infestation

en jus les couleurs

tremblent ramassées

puis sortent du champs

pour s'exhaler ailleurs

autre peinture

autre dispersion

le désir de marcher

devant puis de côté

pour chercher la voir

cette figure rétinienne

qui vous gicle aux yeux

tel un sperme béât

qui rencontre devant

cette impression

ce sursaut qui jouit

déjà de posséder

avant tout le monde

l'être ce sacré

vite vidé de sa lueur

dans d'autres histoires

l'incommensurable

histoire de la peinture

violant l'art

de l'image

à cause de cette fin

qui nous fait entrer

en possession

la foutaise de posséder

le corps primordial

cette giclée ramassée

qui balaye tout pouvoir

de mise en forme

puisque le pouvoir

est l'informe même

de toute existence

animale le pouvoir

explose toute vie

jusqu'à ce magma

qui ultime résiste

pour jeter le discrédit

sur la jouissance

qui pleure puisque

la mort enfin

montre les couleurs

la beauté visible

de l'irreprésentable

le biomorphique

de l'incandescence

l'ecstasy de l'oral

le lit de l'oubli.



Thierry Texedre, le 21 juin 2021.

peintures de Dale Frank (1959-)






 

vendredi 18 juin 2021

Un parc extraordinaire

 

















Un parc extraordinaire



D'une peinture qui ne serait ni abstraite ni figurative, voilà bien une vulnérabilité mentale dont on sait maintenant que figure et médium sont ce qui fait la densité picturale pour un monde recréé, un monde où matière et imaginaire sont les tenants et les aboutissants d'une peinture sans fin ni début. Au début était le verbe, d'une vulnérabilité de la parole face au paysage qu'il soit imaginaire ou tangible, vraisemblable ou réel. Ici, on entre en concession. Une lutte a lieu. Un pouvoir s’esclaffe. Et pourtant, point de parole à ce sujet. La peinture parle d'elle-même, on s'en doute, notre discours n'a de cesse d'interroger ces mondes sans fin compromis avec l'irréel. De grandes lumières s'adonnent avec majesté au risque des profondeurs, au danger de l'inconnaissable vertigineux. La peinture s'écoute aussi dans l'organique effusion de l’œil éclatant, de l’œil effaré devant l'huile qui brille. Ce qui s'invente chez Élisabeth Sandillon, c'est une lutte contre les démons insupportés de l'existence qui montre ces monstruosités comme des merveilles à la lisière du concret, là où notre imaginaire reconnaît ce quelque chose d'extérieur, en songe, loin du sommeil sombre de la vie commune. Nous en sortons émus de nous reconnaître, dans cette introspection soudaine, la visite d'un parc extraordinaire.





Thierry Texedre, le 17 juin 2021.


peintures de Élisabeth Sandillon (1962-)

artiste peintre française

vit et travaille à Cercy-la-Tour







jeudi 10 juin 2021

Sur cet affleurement du temps

 









 


Sur cet affleurement du temps


Point de la lecture qui frôle l'aphasie, l'âme en ressortirait commotionnée, l'esprit retors se montre hostile à l'empressement, au risque de ne plus avoir à penser. Le temps se presse comme pour s'emmêler, se déliter, au fur et à mesure l'esprit sombre dans une représentation. Y a-t-il quelque chose qui danse dans un corps qui transparaît à une vélocité, à l'esprit ; entièreté d'une implication de ce qui pense dans sa mise en tension, sa liturgie, son non-sens à penser parce qu'un corps ne pense qu'à violer sa matière, la chaire. Sur un point nodale, une nomination, une reproductibilité de l'esprit en matière pensante, un corps commence son délitement ; passage vers une parole, un acte sémantique qui se divise, se distingue, s'amenuise à mesure que le sens prend l'espace comme l'irruption d'un corps absent. Que reste-t-il à ce corps pour devenir un sujet divisé, un sujet de la parole ? Autrement dit la chose qui la sorte de sa finitude à penser par la parole, par un acte délibéré de montrer ce qu'un sens a à être véridique pour la pensée ? Il parle pour espacer la fin, la mort, la finitude et sa reconnaissance infinie dans le présent, mémoire qui pose une réelle opposition avec la vie dans une temporalité générale de tout corps. Il parle et offre au monde quelques sorties de cette mise à mort d'un jeu entre mémoire et manque. Il y a une sortie dans un affleurement, une caresse contre le temps, une dépense contre cet acquis, ce sas mnésique, le chantage d'une mémoire à rebours, le risque d'oublier à trop retenir un cours (souffle court) la ligne brisée d'une mémoire sans fond. Cet affleurement est lié au temps, puisqu'il parle au temps, à ce qui vit, à ce corps qui caresse le temps dans une réversibilité de l'acte de penser, la chair luit de cette apparition, elle érotise pour la première fois, elle exerce un pouvoir de dépression, décharge organique qui rivalise avec la pensée qui parle ; le corps pose les fondements d'une dualité et osmose dans la contradiction même qui fait danser ce corps viral, un corps possédé.



Thierry Texedre, le 9 juin 2021.


peintures de Noura Djuric




dimanche 6 juin 2021

Le rien du désir














Le rien du désir


Sous les draps du désir

s'offre le regard caché

dans les abîmes invités

de la caresse indécente

suave et languissant

le corps retenu s'allonge

se replie se resserre se dresse

tenté par les mouvements

des mains dans l'entrejambe

douce indécence de la nuit

loin des esprits encombrés

une main dans le dos

comme pour partager

les zones érotiques

l'érection joue avec

quelques sons sortent

explosés et empruntés

au vide tout autour

un jeu incessant

semble se soustraire

au temps dépossédé

de cette nudité rencontre

de ce qui rêve l'intérieur

de cette chair renversante

jusqu'à l'orgasme imminent

en toute suffisance

en sortant goutté

par les odeurs du corps

évadé fuyant et lumineux

à l'arrière le lit

lentement tel un rideau

s’étale sur cette absence

au regard futur

vide et en plis

du ressenti des draps.


Thierry Texedre, le 6 juin 2021.



peinture Les Demoiselles d'Avignon (1907) de Pablo Picasso (1881-1973)