jeudi 12 mai 2022

Suspension

 




























Suspension

La peinture, prend-elle la réalité pour médium ? Et cette réalité a-t-elle une certaine conciliation philosophique à sortir les couleurs de leur gangue indéformable du plaisir qu'un regard offre à trop peu en parler ? L'art s'y prend à en parler et pourtant, on ne croit pas si bien dire quand la peinture accélère ou ralentit ses couleurs. Là est le nœud du problème d'une peinture qui s'ouvre et se referme sur l'instantanéité.

Andy Denzler semble peindre cette opportunité qui résout toute figure qui s'escamote, diminue à mesure qu'on appose ces coups de pinceaux sans limite ni début. Une couleur venant toujours démentir l'origine de tout traitement. Et alors, qu'est-ce qui reste me direz-vous, sinon une suspension, une interruption, qui se cogne au désir. Pour ce qui est de cette peinture au regard détourné (vision de quelque chose d'autre, de quelque chose qui n'est pas encore représenté), ne s'agit-il pas d'un espacement (courbes, droites), qui interagissent pour laisser un certain spectre, un spectacle qui longe l'absence émotionnelle ici montrée dans son effacement volontaire, laissant au spectateur l'innommable intention de dévisager ces regards pris dans le flou du sujet, le flou de cette distorsion réaliste. Le temps est ici montré parce qu'il passe et montré comme une interruption de la figure humaine ; pourquoi une telle opération qui montre des couleurs aux teintes dissoutes jusqu'au monochrome, lueur des couleurs qui font révéler une photosynthèse en « bandes organisées » du temps inventé pour expliciter notre erreur à vivre dans le temps qui œuvre entre abstraction et réalité.

L'artiste peint en « épaisseur » le traitement du ralentissement des couleurs. Allez voir au plus près ce qui se trame par ce qu'on ne peut voir autrement l'intention de l'humain.

L'artiste projette son inspiration depuis ce réel qui montre des films, des photographies, des médias, jusqu'à faire disparaître ce réel pour un temps de la dépossession. Ici, recomposé dans de superbes peintures pleines de personnages aux états d'une latence intentionnelle, telle une introspection qu'il est possible d'explorer dans les mouvements sans voix de la peinture d'Andy Denzler.



Thierry Texedre, le 12 mai 2022.