samedi 15 août 2020

Cette partie du Vide qui semble être peint





 








 














































 

Cette partie du Vide qui semble être peint


Partir du désir en peinture revient à faire renaître la folle envie d'en retirer l'essentiel, à savoir l'inorganisation de toute tentative d'enlever à la vue cet esprit dont on ne mesure toujours pas l'altérité face à cette peinture, peinture de la pleine effervescence d'un corps déconvenue. Voilà bien ce qui saute aux yeux depuis l'aune de cette tentative d’érafler, de faire glisser, de soudoyer le fond, de faire s'envoler les pinceaux au plus haut à la volée, comme si s'en foute rendait possible le plaisir inopportun d'éjaculer sur l'immaculée le trou noir de la pensée, l'insécable ordination d'une unité spirituelle ; plus loin par trop de spirituel sortirait un sujet, s'en sortirait un sujet moins distrait, tombé sur un contenu une histoire sans fin qui en appelle à l'entièreté de l'art, au monde indécent d'un appendice trop en érection, lancé à vive allure sur des glissements jusqu'au fond de l'origine du monde.

Suzan Frecon semble s'entretenir, avec l'élégance qui la caractérise, avec un jeu de lumière tantôt négatif, tantôt positif, passant d'un balancement du brillant au mat. Un sujet semble partout dans ces peintures proche de l'absence, si la peinture peut tenir d'une abstraction des formes aux surfaces colorées contrastant avec l'enroulement formel ; couleurs vives et terreuses qui illuminent ou absorbent la lumière. L'absence polémique de l'origine improvisée d'une peinture qui tient le corps, et par là même l'esprit. Histoire d'en finir avec l'esprit, ne peut-on pas reconnaître quelque chose qui déterritorialise le baroque ? Duccio di Buoninsegna structure peut-être cette improvisation, ce squelette qui tient la peinture comme corps de l'étant, byzantin jusqu'à sa surface illuminée. Et si on remonte à l'envers, c'est pour montrer ce sortilège de la peinture dans la lumière qui la divise, le vide s'apparente alors à l'infini, petite programmatique des tonalités du jeu coloré. On rencontre ici Ad Reinhardt, là un Marc Devade, et tourner autour de l'expressionnisme abstrait, pour l'amener à cet impossible questionnement quant à l'extériorité de la peinture devant l’œil indiscret d'un corps indiscret, d'un corps contenu dans l'aveuglement qui est le sien à voir les peintures Suzan Frecon de face.

On reconnaît là encore quelque chose qui donne à voir le geste du Vide, non par manque de quelques formes ou matière partout uniformément ouverte, mais par ce que les formes données à l'esprit font croire d'une croyance qui élève l'espace au rang intégral de cette liberté d'infini d'immersion des couleurs dans un monde où vide et plein semblent être peints pour contourner cette promiscuité formelle de la peinture avec le temps humain.



Thierry Texedre, le 13 août 2020.





peinture de Duccio di Buoninsegna







peinture de Ad Reinhardt







peinture de Marc Devade