Paupérisation virtuelle de la pensée
ou du déplacement de la peinture
Il y a comme une lutte, une certaine forme de guerre chez cette artiste. Lubaina Himid nous ouvre la voie, l'artiste a le regard du spectateur. Ses peintures font appel à la scène de genre de la période baroque en Europe. Mais pas seulement, et c'est là peut-être où se cache cette lutte, l'entreprise de révolte qui s'ouvre à la rencontre de deux cultures, le choc de deux mondes. Si Lubaina a su déclencher cette révolution (son origine africaine a montré la voie.), mais c'est surtout de la douleur qui rôda au Royaume-Uni, dans les années 1980, au moment de l'instauration des lois anti-immigration instaurées par Margaret Thatcher alors première ministre. Lubaina Himid, en réponse aux révoltes populaires dans les banlieues, entraînera dès l'origine le Black Art Mouvement. L'artiste mêle peinture classique et volumes découpés en contreplaqué dans sa pratique, pour revisiter dans un même lieu les cultures africaines et européennes. Le rapport est alors devenu plus physique. La peinture est iconique et théâtrale, par la mise en scène des volumes, collages et contours bien dessinés comme ceux de Pablo Picasso. Les personnages représentent la bourgeoisie du XVIIe siècle et les esclaves africains, mais aussi dans un mélange, un agencement de l'époque contemporaine et de sa bourgeoisie requalifiée.
Sur ce risque inusité
de la pauvre langue
émasculée ventre à terre
rebelle au corps
elle s'empare du coin de l’œil
de l'illusion démographique
dans les synapses exponentielles
l'illuminée celle qui s'étale
se redresse s'éventre se dilate
lentement la paresse de ses songes
gronde c'est l'esprit entrain de s'en sortir
de la digression de la langue à rebours
juste le temps de chercher pourquoi
ce corps pense s'il joue à l'inconnue
s'il jouit s'il jubile du trou du monde
d'un corps abstrait c'est l'autre inventé
pour que le rêve se soulève et s'envole
au plus loin dans les abysses étoilés
jusqu'aux origines de l'univers désinvité
la pauvreté s'éloigne à mesure
que la chair danse pour exister
tu bandes l'irruption
de ces ecclésiastiques
pluvieux parce qu'ils
font semblant de croire
à cause de la pensée
controversée par le corps
renversant la chair
sur le lit de l'absence
où est la richesse
sinon dans ce sac
pour partir l'esprit
à la recherche du mal
le mal de la monstrueuse
poussière du temps
qui assèche les larmes
d'un corps aux extrêmes tyrannies
de la démesure existentielle
le trou occulté de la disparition
le contraire enchanteur de la division
voyez l'inclusion le retournement
de ce corps escamotant la vie
sous les feuilles desséchées du vertige
pompeux de la discrimination
de ces béatitudes devant le vide oculaire
la vérité qui souffre et s'enfuit
là où une perspective s'avance
sort du cadre suranné
tout près du peintre qui fend la toile
d'un geste allègre et empressé
trace d'un trait noir la révolte
il se penche résolu et spectateur.
Thierry Texedre, le 16 juillet 2022.
Lubaina Himid (1954)
née à Zanzibar en Tanzanie
artiste britannique et tanzanienne
vit et travaille à Preston, Angleterre
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