samedi 15 janvier 2022

Indécence de l'image

 













































Indécence de l'image


Si toute pratique artistique passe par une mise en avant de l'iconoclastie, si la peinture montre, d'un regard déjà postulant dans les sens pour s'assigner une certaine logique, une bienséance contre l'invective verbale constamment présente dans le jeu contradictoire de la tension picturale, c'est pour démonter cette iconoclastie insécable, impossible à détenir comme vérité d'un sens du réel. Sauf à usurper la langue dans sa dépendance aux dévotions sexuelles vagabondes et délirantes. Le peintre ici, touche par ces gestes sous tension, au risque de faire passer le symbolique pour décollation, une coupure, une décapitation du sujet, distinguant par là sa mise sous tutelle au châssis , ou à la trame même de la toile, et cette indifférence du sujet et son environnement.


Christian Bonnefoi réagit à ce que Picasso réintroduit d'un traitement du symbolique dans ses peintures, particulièrement dans sa période cubiste synthétique (réintroduction des signes du réel, collages). De là, à y voir Matisse, il n'y a qu'un pas, l'image se distend, pour donner aux sens une autre perception, de celle qui a à voir avec cette indécence dont le verbe s'est emparé érotisant le corps par la couleur. Bonnefoi nous immerge alors dans cette concentration de l'image tortionnaire et désirante. Tout délire en est exclu, puisque la peinture s'ouvre ici au risque qu'une narration a de ne plus s'inviter au dialogue avec le regardant. On passe d'un plaisir au consentement visuel sans qu'une pensée s'énonce, se construise au regard disparate de la peinture. Christian Bonnefoi sort de cette inclusion, vissant le lieu improbable du peint sur sa conspiration avec le regard. On croirait revenir aux rivages inconnus d'un paysage ambigu, où la narration se tait, s'essouffle, se rétrécit, pour que la peinture n'entretienne pas de lien ni de lieu avec un alignement historique concentrationnaire et déroulant (quelle déroute que cette histoire qui songe à mesure qu'elle disparaît).


La peinture ici, s'agit-il de techniques, de constructions antérieures, de dessins préparatoires, de diagrammes où les mots et les images vont s'interpeller se dissoudre, pour s'essayer à l'origine ? Son usage interne laisse présager une rencontre lexicale, un ourlet dans les plis du temps, du parlêtre, et de sa visitation. « La matière informe, est l'espace et la technique qui est devenu pour moi l'être même de la peinture ».




Thierry Texedre, le 15 janvier 2022.



Christian Bonnefoi (1948-)

artiste peintre français 






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