Quel
bruissement léger devant soi, quel ordre des choses anime le
vent, lentement nous envahissant? Ronde des enfants sur l'asphalte,
juste le temps d'avant le déjeuner. Ils se donnent la main,
traversant la grande étendue noire, encore chaude sous leurs
pieds chaussés de petits escarpins. La journée est
étouffante, le vent réchauffant encore plus l'air, et
ça dure depuis plusieurs jours. Quel été, quelle
étrange atmosphère, le ciel est lourd, de grands nuages
épais avancent au loin, comme pour envahir et avaler le ciel
trop clair pour résister. Nous étions une bande de
copains, un jour sans la classe, peut-être le début des
vacances. Les parents nous avaient permis de jouer dehors. a petite
place du village était goudronnée, autour, quelques
voiture garées, nous permettaient de jouer à cache
cache selon que notre imagination le permettait, ou que l'un d'entre
nous en eut l'idée magistrale. Et les jours passaient dans la
plus grande insouciance, nos vies valaient plus que tout au monde.
Les adultes devenaient de simples soldats, ou poupées de
chiffon, ou encore des hybrides moitié humains et moitié
animaux, un peu pour nous faire peur. Nous devions rentrer
soudainement, comme nous inventions des jeux, pour passer le temps,
pour faire les grands, pour faire semblant, jusqu'à
l'épuisement de notre enfance, recul du temps, saisons de
notre mémoire? On n'imagine pas ce que le passé peut
laisser comme trace dans la mémoire, on entre là dans
un tricotage, on fait une pelote, juste pour conforter un présent
pris dans une spirale; vérité? invention? composition
entre ce présent et ces remontées? On tend vers
l'absurdité de la vie quand on recompose. L'innocence vient se
mêler à l'imprudence, pour, dans un méli-mélo,
exposer un photo-montage, un collage, de ce passé-présent
inconséquent et improbable dans le temps qui défile, le
temps des autres, un autre temps? Si l'enfance permet une foule de
souvenirs tous plus intriqués les uns les autres, c'est pour
autant impropre de parler de souvenirs, nous devrions parler plutôt
de lecture, et d'inventaire pour inventer une langue à venir,
Traquenard de la langue dans un éternel recommencement.
Posture insoutenable de l'enfant face aux ivresses insignifiantes
mais faisant loi de la langue qui tombe sur ce soi pour l'asseoir
dans l'inéluctable erreur de la lecture d'une infinitude de
l'existence, vers une enfance-offense de son lien social.
L'outre-tombe de la fiction de ce lieu commun qu'est l'enfance.
Thierry
Texedre, le 21 avril 2012.
2 commentaires:
Thierry,
This was a beautiful, inspired piece. It brought me back to my own youth. Back to those carefree, reckless times.
~SophieD
Très juste chère Sophie, "sauver ces moments d’insouciance et d'irresponsabilité de la jeunesse"...
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