dimanche 9 novembre 2025

Eva Hélène Pade et une figuration muette

 











Eva Hélène Pade et une figuration muette


Eva Hélène Pade est une artiste peintre danoise, née en 1997. Elle vit actuellement à Paris.  La peinture n’est plus cette représentation du corps où forme et sexualité, désir, ont à voir avec un regard qui traite la forme avant cette intériorité, l’invisibilité du dedans, du corps, de la matière. Ce problème de la surface est pourtant le lieu que la couleur tente de dissoudre, à passer du dessin/peint au geste/peint contenu dans la peinture moderne à partir de Paul Cézanne en passant par Paula Rego, Cecily Brown et Jenny Saville. Eva Hélène Pade peint l’invisible, ce qui socialement apparaît comme n’impliquant plus le corps comme affect, désir, illusion, dérive du véridique jeu entre le symbolique virtuel et un réel atomisé par une traversée mythique de la nudité. La peinture d’Eva Hélène Pade est une méditation sur le passage : du mythe à la présence, du corps à l’esprit, de la douleur à la puissance. Elle réinscrit la femme dans le récit du sacré, non comme victime, mais comme force spirituelle et cosmique, et fait de la peinture un rite de transmutation. Le lien social n’est plus la force qui tire le corps jusqu’à son destin, son « dessein ». Sa peinture n’est plus achevée, l’œuvre est ouverte, traversée par le temps, le vivant. Un corps n’est donc jamais fini, ses corps féminins forcent la création, la naissance y est déjà en deçà, là où le temps est encore la mémoire, avant la création.

Chez Eva Hélène Pade la couleur est couleur du devenir. On comprend la couleur parce que la figuration y est muette, elle agit parce que la couleur traite la figure pour qu’on ne nomme jamais vraiment la peinture. On absorbe les couleurs dans de légers glissements, comme on regarde la chair, la peau d’un corps féminin dans une fusion des tons contraires. La couleur n’est jamais pure, elle est mêlée, trouble, respirante. Elle agit comme un rythme organique, qui anime les corps peints comme transfigurés par la couleur. La couleur chez Pade est ontologique, elle ne peint pas avec la couleur, mais dans la couleur. La couleur est à la fois émotion, chair, et souffle vital.

S’il fallait paraphraser Rainer Maria Rilke : « Eva Hélène Pade ne peint pas des femmes : elle peint ce que signifie être traversée par la vie. »


Thierry Texedre, le 9 novembre 2025.





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