samedi 22 mars 2025

De l'image

 



peinture de Flora Yukhnovich 
2022, huile sur toile, 185 x 320 cm




peinture de Flora Yukhnovich
2022, huile sur toile, triptyque, 240 x 474 cm

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peintures de Joan Snyder


























De l’image

Dans le retournement de l’image, une crainte latente s’immisce, celle d’une connivence involontaire qui viendrait hanter le regard. Ce regard, mis en situation de détresse, se trouve ainsi éloigné de l’autre rive, celle du rêve, qui pourtant se révèle aussi troublante et révulsive que l’éveil. Ce retournement, en définitive, entraîne une intériorité qui annule toute complémentarité, laissant apparaître un insigne, une vue de l’insignifiance. Tout semble alors se produire pour que l’image puisse être perçue. Or, en vue éclatée, l’image elle-même semble se tromper, insistant excessivement sur sa signifiance.

Dans ce jeu trompeur qui détourne son propre sujet, l’image dissimule un retour subtil vers une extension autre : celle du corps encore abscons, encore surdéterminé à voir. Voir avant l’image, voir à travers elle, voir à partir d’elle. Cet aveuglement premier, antérieur à la lettre, se manifeste par une irrépressible consternation face à la découverte de ce qui deviendra l’image, de son exposition à la lumière.

La peinture s’inscrit dans cette quête identitaire, dans cette couleur teintée d’immersion qui cherche à retenir, à tempérer, à transiger avec le temps du sujet. C’est ainsi que naît la forme, une forme marquée par l’inquiétude du vivant face à son exposition incessante, une mise en lumière qui s’acharne et finit par dégénérer. Car le temps corrode la forme, la mine et l’altère, transformant la matière en vestige, en résidu d’elle-même.

Le sujet de la peinture se révèle alors dans cette recherche constante de l’image coïncidant avec ce qui se joue dans la vie du sujet. L’image qui fascine, qui attire irrésistiblement, celle qui fait jouir et qui se déploie dans un glissement érotique. Cette identification à l’image se retrouve partout dans le réel : dans la photographie, l’informatique, les réseaux sociaux. Comme si la lumière, en remontant aux origines du vivant, éclairait un point nodal, marquant ainsi le départ d’une rencontre avec le véritable.

L’image ne saurait être une simple formule, elle est l’expression du vécu, une mise en avant du questionnement du vivant. Elle surgit du bord, de cet espace indéfinissable où vibre une effervescence inépuisable. Le bord du lieu du vivant, palpitant d’un aveuglement prêt à perçoir, mais jamais tout à fait.

Si l’artiste peintre cherche à restaurer une image qui, dans notre époque contemporaine, se met à vociférer à nouveau, c’est qu’il tente de déchiffrer les bouleversements subis par la représentation picturale. Depuis la fin du XIXe siècle, l’image a été surdéterminée par une ascension fulgurante de l’abstraction, qui s’est imposée comme une mise en question des liens sociaux occidentaux et une épreuve de la langue, notamment avec la psychanalyse. Peut-on encore aujourd’hui feindre d’opposer figuration et abstraction ?

Cette mise à l’épreuve n’est pas nouvelle. Elle se distingue déjà dans l’art baroque, dans les ellipses de Le Greco, Rubens ou Velasquez. On en perçoit des résonances jusque dans la musique de Jean-Sébastien Bach. Puis elle se prolonge dans le rococo, chez Watteau, Fragonard et Boucher, où le jeu avec la figure atteint une forme de luxuriance.

L’artiste britannique Flora Yukhnovich, née en 1990 à Norwich, nous invite aujourd’hui à reconsidérer cette syntaxe picturale polysémique. Sa peinture déploie une sensualité du regard qui se meut en ellipses sur toute la surface peinte. La profondeur s’y éprouve dans un mouvement de redressement jusqu’à l’oubli du « Je », cet indice de la perspective frontale. Les couleurs, vives mais saturées, se fondent dans un dessin volontairement indéterminable. Yukhnovich prend le risque d’atteindre la figuration en effleurant les contours de l’inorganique, puisant dans une abstraction en devenir.

Cette démarche nous conduit inévitablement à une autre artiste qui, au contraire, maximise la figure : Joan Snyder, peintre américaine née en 1940 dans le comté de Middlesex. Joan Snyder interroge la vision en l’entremêlant au discours. Joan Snyder interroge ce qui se voit à cause de la parole qui discute en trop de pouvoir peindre pour pouvoir en dire plus ; là l’artiste nous en dit long sur ces raisons d’aller y voir là où le dire qu’il soit propre à l’artiste ou dans une discussion épuise un discours : « Combien de fois ai-je eu l’impression, en discutant avec d’autres, de ne faire qu’effleurer ce qui est réellement signifié et ressenti ? » dit-elle. Pour elle, « l’anatomie du tableau, les marques, la voix, la peinture sont devenues le sujet ».

Sa peinture, marquée par l’emploi de matériaux non conventionnels (soie, toile de jute, graines, brindilles, terre, paillettes), relève du maximalisme. Le regardeur est appelé à une introspection, à une concentration sur l’espace géré par l’organique. L’aspect baroque de ses compositions pousse à une quête incessante d’une image qui ne se livre jamais tout à fait. Dans ce foisonnement d’éléments matiéristes et expressifs, l’image réelle affleure dans un jeu d’absence et de présence. Joan Snyder crée ainsi un langage pictural où la matière devient verbe, où chaque trace est un écho à une parole fragmentée, résiduelle. Sa peinture est une confrontation avec le sensible, un lieu où se révèle le dialogue silencieux entre le visible et l’indicible. C’est par un foisonnement de corpuscules et de signes sans liens que remonte à la surface par une certaine transcendance l’image réelle dont on a seulement le sentiment dans une conversation ; c’est un temps d’extase, le lieu du sujet qui rencontre sa perception, son âme et le corps désavoué.



Thierry Texedre, le 22 mars 2025.







jeudi 27 février 2025

Douleurs

 





































Douleurs : Une Exploration de la Peinture de Caren van Herwaarden




Faut-il reconnaître pour croire ? La peinture de Caren van Herwaarden nous invite à explorer cette question à travers une œuvre qui transcende la simple représentation visuelle pour toucher à l'essence même de l'expérience humaine. Son art ne se contente pas de capturer la réalité apparente, mais plonge dans les profondeurs du vraisemblable, là où la nudité du corps devient un prétexte pour explorer l'intériorité et la complexité de l'être.


La surface de la peau, souvent perçue comme le lieu unique de la nudité, est ici dépassée. Notre vision, au-delà d'un simple pouvoir de perception, est invitée à se plier à cette enveloppe corporelle pour découvrir ce qui fait que ce corps vit. Caren van Herwaarden nous montre que la véritable essence de l'être ne réside pas dans l'apparence, mais dans ce qui anime et habite le corps.


Son œuvre évoque des vestiges, une sorte d'archéologie personnelle où les couleurs et les formes se délavent pour révéler des strates plus profondes. En touchant ces intermittences, ces excrétions et récréations picturales, nous sommes amenés à relier ce corps à son intériorité, à ce qui se cache sous la surface. Le verbiage, ici, n'est qu'un prétexte pour explorer ce qui glisse et échappe à notre compréhension immédiate.


L'attention est ce qui vaut dans cette exploration, car elle est antagoniste à la superficialité. La parole, souvent extérieure, est mise en contraste avec le corps, qui se situe ailleurs, dans une dimension plus intime et plus vraie. Ce qui coince, c'est cette incapacité à voir ce "dedans" qui frôle la douleur sans jamais y pénétrer complètement. La douleur, impalpable, devient le sujet central de l'œuvre, une réalité qu'il faut saisir dans son immersion et son invention.


La douleur est ici représentée comme un cri, un suintement privé de parole ou de lisibilité. Elle est une dramaturgie à toucher, un trou béant qui nous confronte à notre propre terreur. La rencontre avec cette terreur met en suspens le risque d'apaisement, nous plongeant dans le doute et l'incertitude. Le corps, désavoué, devient un lieu de chair en mouvement, jouissant même dans la douleur.


Il y a une interférence, un couac, une thrombose dans cette représentation, comme un recul vers un sommet, le haut lieu de la mémoire. La parole y stationne le temps d'un discours disparate, tandis que la chair prend le relais pour nous irradier et nous défigurer. Nous cherchons un lieu, celui d'un paysage ou d'une peinture qui nous immerge loin de la plaie. Cette peinture est courte, distincte d'un paysage extérieur au rêve, et se déploie lorsque la douleur montre la chair en désordre.


Le temps semble absent de la douleur, qui sort le corps de sa nudité pour le confronter à sa séparation du langage, du chant, voire de la musique. Si la musique était une plaie, elle serait elle-même la douleur jusqu'à l'extrême souffrance. Un corps de musique de la douleur devient une peinture qui jette l'œil au discrédit de la vue, une lente descente aux enfers de l'aveuglement naissant.


La douleur troue le regard en son absence de réel. La réalité épuise la mise en avant du paysage, le trouble, l'inquiète, et se risque à d'infinis champs cubistes allant jusqu'à l'abstraction formelle. La douleur n'est plus simplement la déformation du corps ; la peur s'installe, s'étale dans un bestiaire où l'on entend les battements du cœur s'accélérer, accompagnés par le jazz.


Caren van Herwaarden proclame l'être dans sa nudité, non pas celle de la peau ou de la surface, mais celle de l'intériorité. Ses œuvres, souvent des collages et des dessins articulés en peinture, parfois de grands formats, révèlent des figures fantomatiques, semblables à celles de l'imagerie biomédicale. Elles nous invitent à explorer les profondeurs de notre propre humanité, au-delà des apparences.


Cette énergie qui foudroie, mais aussi qui occulte le sujet de l'œuvre, rend compte d’une causalité qui insiste sur un geste abscons, une gestualité du manque. Caren van Herwaarden clôt la douleur quand elle fait des collages comme embaumement de corps humains ou animaux. Si la peau manque, cet embaumement réincarne une couverture du réel, de la peau absente visuellement partout dans sa peinture. Cette joie à recouvrir, à couturer, laisse à penser qu’une spiritualité vient peser sur un réel exclu (sa découverte dans les plis du recouvrement), laissant à l’âme un accès dans “l’au-delà”, un ailleurs, croyance ou césure que la peinture déploie chez Caren van Herwaarden.


Thierry Texedre, le 12 février 2025.


Caren van Herwaarden

artiste peintre et sculptrice hollandaise

collages, oeuvres sur papier et aquarelles

vit et travaille à Amsterdam, hollande, en Italie,

en Allemagne et au Canada







mardi 25 février 2025

Plages

 





Plages  

 

Assis sur l’astre 

incrédule la voix ouverte 

planqué en sursis 

le regard terne 

trame de l’œil plié 

l’instinct déconstruit 

il ausculte l’or 

avant de fuir 

tout s’évade 

la peau déchire le vice 

déversé dans la plaie 

d’un sourire qu’il avale 

par quelle odeur 

ces vagues allégories 

à l’heure du défunt 

volent au secours 

du train train vide 

par ici l’envers sourit 

à cause de la main 

qui trace un rire engendré 

le sable est chaud 

par cette nuit étoilée 

un groupe en rond 

assis les jambes en indien 

pour fuir l’eau sonnante 

les tintements de la mer 

l’immersion dans ces rires 

occultes pour croire 

se frappent aux cordes 

d’un piano no man’s land  

carnation du désir 

plis en chair du dedans 

qui fuit les battements 

le cœur rythmique 

de soi vers l’autre 

le revers aux oiseaux 

le matin en sons puisés 

dans l’esprit qui entend 

sa douce douleur 

recouverte du froid 

à venir d’un crépuscule 

en droit et en foi. 

 

 

 

 

Thierry Texedre, le 2 février 2025.  

 

 

 peinture de Chae Seong Pil

Rêves de la terre

160 x 130 cm, 2024

Argile et encre sur toile





dimanche 23 février 2025

Apologue

 




 Apologue

Museler l’oriflamme de ma foi

Montrer au monde l’injustice

Défaire ce que révolte opprime

Depuis l’insoutenable réalité

Du refuge fugitif dans l’art

Atterré par tant d’intérêt au lit

De ces reliques sordides

Monstres du redressement

Indécent devant l’amour

Mis à terre et relevé dans

l’injustice du désir indolore.



Thierry Texedre, le 23 février 2025.



peinture de Francis Bacon

Trois études de personnages sur des lits, 1972

Huile et plâtre sur toile

Triptyque, 198 x 147,5 cm chacune




jeudi 23 janvier 2025

L'absence vu par Philippe Croq peintre

 






























 L’absence vu par Philippe Croq peintre


La peinture naît d’une certaine appétence à l’érection. Ce qui s’érige alors, ce n’est plus le sexe comme totem d’une symbolique de ce jeu qui entre depuis le social et qui troue celui-ci, celui d’un sujet aérien de l’être absent ou d’une faille de l’être ; c’est plutôt cette absence de sexe dans l’image.


Le temps

La transmission entre l’artiste et son public vrille dès que le public devient le publique ; c’est le lieu qui prend la relève, donne à voir quelque chose d’inadéquat, d’imprévisible et d’immédiat. S’il y a du sexe dans l’individu qui regarde, ici la peinture, c’est totalement différent quand la forme de reconnaissance passe au trip d’une pluralité, d’un lien social aussi abject que pris dans un lien une soumission.


La plaie

L’artiste semble souder cet artefact omniprésent dans la peinture, la soumission, avec une dérive programmatique de la figure peinte. Philippe Croq épuise la figure en dansant sur la toile avec la limite ainsi opérée de l’abstraction au figuratif, comme fin, limite et figure. Si un Dominique Thiolat s’est risqué à pousser la figure où la couleur n’a eu de cesse d’en apprendre jusqu’à l’époque où lumière et forme se sont croisées dans une écriture où l’automatique et le repentir sonnent l’incommunicable : c’est la plaie qui s’installe (Forme de dépliement de la couleur par sa vitesse de reprise, comme un changement de direction, un déplacement infini de ce lieu d’une peinture qui voit ce que l’œil entend résoudre par la couleur, c’est-à-dire l’impossible résistance, l’improbable « résidence » d’un accord des couleurs aux contours définis qui les annules. Le contour annule la couleur.).


L’assaut

C’est dans l’imparfait que Philippe Croq ravive formes et couleurs. C’est l’absence de lien qui oblige l’artiste à commettre ce risque d’« annuler » l’être dans sa peinture. S’il y a des caractères, des phrases dans sa peinture, l’ombre portée de la figure peinte, se soutiennent alors d’un jeu entre le vide et le plein. On retrouve comme chez Thiolat ce trait noir qui prend en charge la couleur comme pour la créer, la montrer jusqu’à sa perte. L’artiste se soutient par le souvenir d’une lecture de Cy Twombly, ou de Francis Bacon.


La perte

Combien l’absence, une petite mort aussi vont initier la peinture dans une époque contemporaine, dans sa douleur de vivre, dans l’obsession d’un rite pour opérer un traitement de l’obscur dessein qui nous sied à voir ces tableaux forniquant tant et plus avec l’insolence du peint. L’artiste nous montre des bribes de souvenirs qui passent sur la toile dans un coup de force (bribes de figures animales, humaines et végétales, des objets), un balayage ou un léger effacement. Mais encore, on rencontre parfois dans sa  peinture des titres ou mots venant interroger l’existence, le vécu, l’histoire du peintre. Une rencontre ou un cheminement mental, une sorte d’épuisement de l’image qui s’invite à trouver un lien avec la parole de chacun peut-être. « Pour créer il faut voir la mort » a dit Philippe Croq.

Cette mort, nous la concevons depuis ces peintures à l’espace polysémiques ; spatialité qui nous sonne aux oreilles depuis l’espace qui les exposent.








Thierry Texedre, le 23 Janvier 2025.


Philippe Croq (1961-)

artiste peintre

vit et travaille à Nice, France










jeudi 16 janvier 2025

Contamine





 Contamine


Trace du cœur écheveau

le trou du sang qui coule

convexe à cause du vide

la pluie tombe en sursis

recouverte d’un glaçant

regard aux sources du cri

petite polémique du son

rugit à mesurer la bouche

à couvrir une parole jetée

ça et là à cause des coups

frappés en pleins débats

qui ferme les yeux roués

par la pleine mort venue

ça tremble des os l’hostie

la bouche ouverte debout

pour avaler le corps vite

au plus vite tirer la mort.



Thierry Texedre, le 16 janvier 2025.





Le supplice de Marsyas, 1576, Titien

huile sur toile, 212 x 207 cm

la peste noire






 

jeudi 26 décembre 2024

Corruption

 



 Corruption


En surimpression

la course différente

du corps du cou qui fuit

sa lueur intemporelle

quitte le cul cavité

qu’est-ce qui se crispe

à l’envers et rentré

à cause du sol cul nu

ventre à terre ça ferme

ça défonce l’air

ça clos tout discours

et renvoi au foutre

à tous les sortilèges

du pourrissement

toux gravée dans la peau

en sursis qui se trame

la peau plissée en creux

sans sourciller à l’œil

et le clap du temps

rentre avec une autre nuit

le long des gorges étreintes

des profondeurs des ondes

électriques au nez

dantesque ça sent

les effluves goudronnées

dans l’acide ophtalmique

un jour il passe par là

pour clore tout désir

qui ruisselle le long

d’une joue ronde

gonflée et rougie

la drogue n’est plus

ça cause encore pour rien

l’esprit s’en souvient

c’est pour ça que ça tombe

et de plus haut et en plus

pour épuiser le corps

qui court vitesse en gris

fléchée en nombres

le long de la peinture

la chienne aux aboies

la peinture perce le corps

depuis la vue étranglée

la voix aveuglée

claque des seins

cloaque du sexe

danse dans la subversion

des troncs violés

voile crépusculaire

des dieux impuissants

hauts lieux de la parole

qui frappe ces corps

dissous en discours

perpétuels de la fuite

ça fuit de partout

les lignes fuient

en croyance dure

la musique menstruelle

du sang impuissant

ce geste du jazz saoul

trans de la transgression

le nom improvisé

de la cohorte coupable

jeté au pieu du mensonge

au feu d’un sujet

resté sur l’overdose

loin derrière un coup

de dés qui tourne carrée

l’affabulation des sens

tout cela respirant

jeté encore au sexe

tarabiscoté et torpillé.




Thierry Texedre, le 26 décembre 2024.





samedi 21 décembre 2024

Le corps palimpseste

 

























Le corps palimpseste


D’un pourrissement du temps comme site de l’émasculé qui vrille chasse change de registre le temps alors alourdi par ce manque de pression s’étire se convie à d’autres jouissances peut-être celles qu’un corps peut en caresses en attouchements en rencontres en délivrances du dedans celles de la chair qui se couche en cris de la plaie d’un dieu absent d’un sens recouvert par ceux de la déploration l’existant entrain de naître loin d’une psychanalyse psychotrope loin d’un réel touché par l’excavation d’un scientisme obsessionnel le corps n’est meurtri qu’à oublier ce qui lui déforme ce qui le pense ce pourrissement ment depuis le temps qui le compose le corps saute à trop penser le temps comme sujet le sujet n’a rien à voir avec le temps.

Par dessus ce qui disparaît naît une certaine cooptation de l’image c’est qu’il y a à voir avec le temps mais pas celui d’un réel imaginé par le matérialisme c’est plutôt ce « vréel » dont on mesure à peine la transformation la discontinuité du temps qui dans un absolu reste encore celui qui vaut pour un réel occultiste et destructeur ça sent le massacre ça ondule par une musique qui forclos tout sens toute information qui se soude au temps de la langue parlée.

De cette indistinction naît une peinture de la pression de la compression de l’idéologie impossible de la théorie improbable tant que l’artiste qui peint touche à l’image de l’avant tout raisonnement et de l’après-coup de pinceau trempé dans l’illumination malgré un coup de dé innocent la peinture peut-elle sortir de ce service de sa servilité de sa temporalité malgré elle peut-être par cette course effrénée contre une saisie historique en cours peindre reviendrait à vivre sans plus ni moins une mise sous tension du sens partageant les signes d’une inaugurale instabilité d’une traduction verbale en cours plus vite et plus transgressive que la langue parlée présentement.

S’il y va de la peinture c’est parce qu’un corps possédant l’image de sa transparente coupe de la transcendance que cette même peinture nous permet une reconnaissance un lien sacré s’y opérant transversalement à cause d’une charge non stable une charge qui oblige le récit à faire temps afin de se risquer au corps de l’ensemencer du doute et que vivre est un risque pour montrer par la peinture que le mal s’y invite à trop laisser ce corps s’esquinter se blesser et parler la langue du plaisir soustrait à la mémoire.

Les gestes de Celia Lees nous donnent en spectacle une certaine ouverture de la chair, quelque chose de marquant peut-être. Ici, c’est de l’ordre de la ponctuation que s’anime, se superpose à cette peinture abstraite et minimaliste toute rythmique d’un corps qui danse sur la toile dans un mimétisme oculaire, une écriture du présent qu’un corps qui peint peut d’exister. Celia nous détourne sans cesse de notre croyance, de nos acquis, de notre savoir ; l’artiste place sa peinture dans une vision binoculaire. Sa place fait souffrir la langue parlée. Elle la détourne de sa livraison, de sa consistance. Le jeu des couleurs sourdes divise les lignes, les surfaces transparentes et les erreurs supposées masquer ce qui vaut pour une fin en soi, un état de la peinture qui se suffit au regard qui englobe. Celia Lees retravaille alors sur ces erreurs, ces manquements comme départ ou déviation, nouveaux sens à la peinture. L’artiste a commencé à peindre en 2017.

« Je commence toujours par préparer la toile dans une couleur neutre pour l’arrière-plan. J’ai alors une idée générale des couleurs que je vais utiliser et j’en sélectionne une pour faire la première marque. Une fois la première marque posée, cela devient une exploration additive et soustractive jusqu’à ce que je sois satisfaite de la composition visuelle. » L’artiste aime peindre sur de grands formats, et utilise les mouvements de son corps pour neutraliser les gestes classiques de la peinture.

Celia Lees aime à parler de ces peintres connus qui l’influence, ponctuent sa peinture ; comme Cy Twombly, Willem de Kooning, ou Yann Houri peintre contemporain.



ThierryTexedre, le 20 décembre 2024.


Celia Lees (1996-)

artiste peintre canadienne

basée à Toronto, au Canada






 



 


lundi 2 décembre 2024

Peindre l’inimaginable qui fuit

 









 


















 Peindre l’inimaginable qui fuit


Emily Kraus est une jeune artiste qui se mesure au risque d’appréhender ce qui se dresse contre la technique picturale qui fait sens, qui centre le regard qui dessine le spectre de la peinture qui figure ou qui défigure dans une polyphonie de l’altérité support/surface. L’artiste prend le volume comme base de l’exercice physique d’une interpellation de la fuite dramatique de l’image sous le regard compulsionnel du spectateur, qu’il fut l’artiste ou le regardant extérieur. Tous les deux seraient donc la somme de cet exercice physique opérant ainsi une course contre la montre contre cette fuite de l’image à mesure qu’on la découvre. Emily Kraus peint sur des rouleaux qui sont eux-mêmes par transfert et forçage (tension des toiles autour des quatre piliers qui tiennent les barres enroulant la peinture) le point nodal d’une découverte des traces de peinture sur les supports. Les images qui en résultent montrent un élan, une structure qui draine la répétition due à la vitesse, quelque chose du Futurisme voué à la mésentente avec le regard au présent. Kraus parcourt le processus par couches successives, intriquant des couleurs déjà là pour les raisonner ou les montrer tel un hasard opérant. S’il y a du rythme, c’est aussi pour faire défiler cette partition qui laisse le repli musical dans un questionnement, une charge peut-être nouvelle comme création. L’imaginaire semble mis en concurrence avec ce qui s’écrit sous nos yeux. Y a-t-il une nouvelle force que l’inconscient n’a pas su résoudre, une autre réponse au conscient en train de se découvrir dans un temps hypnotique de la présence ou non du « filage peint » ? La beauté des peintures d’Emily Kraus résiste au risque d’une telle machination face à l’Histoire de la peinture.




Thierry Texedre, le 2 décembre 2024



Emily Kraus (1995-)

artiste peintre née à New York, Etats-Unis

vit et travaille à Londres







dimanche 10 novembre 2024

Coupe du corps De l’incarnation
























Coupe du corps

De l’incarnation


Suintement, sans cette réverbération qui nous tanne, la peau glauque sort de sa gangue, comme si de caresser la peau ça avait une incidence sur le plaisir de se couper. Lassitude de la peau qui saigne sous les coups de force de la main indiscrète. Elle tape sans relâche, laissant sans voix le haut du corps dénudé. Les bras retombent le long du tronc, laissant libre l’espace autour, un peu comme si on empêtrait la bonne marche ; c’est la tempérance d’un acte normal du fonctionnement du corps. Un matin, peut-être, au réveil, ça prend forme. Les bras se dispersent, se développent pour s’étirer, gonflent le corps, et retombent avant que les jambes ne soient incitées à sortir de sous les draps. D’un coup, le drap du dessus est retiré, au pied du lit, tout froissé ; il y a comme un désintérêt à plier à se plier à quelque ordre. Le blanc des draps est parsemé de taches rouges ressemblant à une duplication, une réplique, un collage parfait à ces coups au corps. Il se dresse debout à côté du lit, nu aussi, la nuit devait être chaude. En face, un miroir laisse apparaître une silhouette qui se retourne de trois-quarts comme pour faire voir des fesses rondes et un profil plutôt mince. Le haut du buste laisse entrevoir une redondance des seins. Des blessures aussi, comme des ratures, des rayures apparaissent un peu partout sur le corps, dévorant son image. La douleur semblait inévitable, réelle, du moins, pouvait on le prétendre. Peut-on encore parler de trauma ? La scarification ose une certaine condescendance avec le désir d’avorter la douleur pour expurger le dire de sa démoniaque exactitude de sa mise en abîme de la pornographie, comme d’une incarnation de l’imaginaire du trauma. Au départ, il y a une certaine intolérance au même, ce corps-cavité qui sourdement s’en remet à la dramatisation pour qu’un viol de la chair donne le la, épuisant ainsi les points de fuite, la perspective d’une chair incarnée, de la représentation qui n’est qu’une fausse invention, une fausse création, copie doublure du temps qui n’est pas prédictif ni vécu comme un réel. Un réel n’a de valeur qu’à être reconnu, puis « solennellement », il est dévié de sa tragédie d’existence. Sa reconnaissance, c’est le désir en train de se soustraire au récit en cours. Le récit est ce que la parole contractée soulève de questionnements et de mise en perspective par l’espace de ce qui se pense dans un temps résolu, c’est à dire un temps qui montre son récit, sa langue. Il pleut des pleurs sur l’auscultation du linge. Quel enterrement se produit, au plus près de la peinture indifférente. La peinture opère un va-et-vient sur cet objet de désaccord du cadavre. Si la peinture ensevelit la représentation et sa reproduction du monde, c’est par une pente, un esprit libre que cette liberté d’imprimer son nom, d’habiter ce qui s’éteint, se ferme, de peinture dans une « abstraction » (on en vient à nier ce voir cette vision d’un sens qui s’annule à se reproduire à l’infini), que se tisse une autre vue, un corps incarné, un linge, le drap du peint qui s’ouvre s’éveille à la trace sépulcrale, au linceul d’une résurrection du peint. Cet ouvert/fermé prennent en charge l’énergie, le tampon des coups, des coupes que Matisse a tenté de risquer dans ses papiers découpés, insistant sur la couleur comme paramétrage d’une bacchanale du plaisir que l’œil seul ne peut dévoiler. L’esprit libre est un esprit qui souffre, la liberté n’engage que celui qui l’habite.





Thierry Texedre, le 10 novembre 2024.



 Photos et peintures de

Gina Pane (1939-1990)

artiste plasticienne française

artiste performeuse

représentante de l’art corporel