dimanche 10 novembre 2024

Coupe du corps De l’incarnation
























Coupe du corps

De l’incarnation


Suintement, sans cette réverbération qui nous tanne, la peau glauque sort de sa gangue, comme si de caresser la peau ça avait une incidence sur le plaisir de se couper. Lassitude de la peau qui saigne sous les coups de force de la main indiscrète. Elle tape sans relâche, laissant sans voix le haut du corps dénudé. Les bras retombent le long du tronc, laissant libre l’espace autour, un peu comme si on empêtrait la bonne marche ; c’est la tempérance d’un acte normal du fonctionnement du corps. Un matin, peut-être, au réveil, ça prend forme. Les bras se dispersent, se développent pour s’étirer, gonflent le corps, et retombent avant que les jambes ne soient incitées à sortir de sous les draps. D’un coup, le drap du dessus est retiré, au pied du lit, tout froissé ; il y a comme un désintérêt à plier à se plier à quelque ordre. Le blanc des draps est parsemé de taches rouges ressemblant à une duplication, une réplique, un collage parfait à ces coups au corps. Il se dresse debout à côté du lit, nu aussi, la nuit devait être chaude. En face, un miroir laisse apparaître une silhouette qui se retourne de trois-quarts comme pour faire voir des fesses rondes et un profil plutôt mince. Le haut du buste laisse entrevoir une redondance des seins. Des blessures aussi, comme des ratures, des rayures apparaissent un peu partout sur le corps, dévorant son image. La douleur semblait inévitable, réelle, du moins, pouvait on le prétendre. Peut-on encore parler de trauma ? La scarification ose une certaine condescendance avec le désir d’avorter la douleur pour expurger le dire de sa démoniaque exactitude de sa mise en abîme de la pornographie, comme d’une incarnation de l’imaginaire du trauma. Au départ, il y a une certaine intolérance au même, ce corps-cavité qui sourdement s’en remet à la dramatisation pour qu’un viol de la chair donne le la, épuisant ainsi les points de fuite, la perspective d’une chair incarnée, de la représentation qui n’est qu’une fausse invention, une fausse création, copie doublure du temps qui n’est pas prédictif ni vécu comme un réel. Un réel n’a de valeur qu’à être reconnu, puis « solennellement », il est dévié de sa tragédie d’existence. Sa reconnaissance, c’est le désir en train de se soustraire au récit en cours. Le récit est ce que la parole contractée soulève de questionnements et de mise en perspective par l’espace de ce qui se pense dans un temps résolu, c’est à dire un temps qui montre son récit, sa langue. Il pleut des pleurs sur l’auscultation du linge. Quel enterrement se produit, au plus près de la peinture indifférente. La peinture opère un va-et-vient sur cet objet de désaccord du cadavre. Si la peinture ensevelit la représentation et sa reproduction du monde, c’est par une pente, un esprit libre que cette liberté d’imprimer son nom, d’habiter ce qui s’éteint, se ferme, de peinture dans une « abstraction » (on en vient à nier ce voir cette vision d’un sens qui s’annule à se reproduire à l’infini), que se tisse une autre vue, un corps incarné, un linge, le drap du peint qui s’ouvre s’éveille à la trace sépulcrale, au linceul d’une résurrection du peint. Cet ouvert/fermé prennent en charge l’énergie, le tampon des coups, des coupes que Matisse a tenté de risquer dans ses papiers découpés, insistant sur la couleur comme paramétrage d’une bacchanale du plaisir que l’œil seul ne peut dévoiler. L’esprit libre est un esprit qui souffre, la liberté n’engage que celui qui l’habite.





Thierry Texedre, le 10 novembre 2024.



 Photos et peintures de

Gina Pane (1939-1990)

artiste plasticienne française

artiste performeuse

représentante de l’art corporel  










 


 

mardi 8 octobre 2024

Hypnose

 










Hypnose 

 

Sur l’histoire qui passe par le corps 

Il y va d’une entrave au récit qui court 

Sur le corps depuis le jeu de la parole 

Il y a comme une surdité à ouvrir le corps 

Pour écouter sa mise en abîme ses maux 

La douleur qui court partout dans la chair 

Pour sortir du corps par les trous la béance 

L'insolence du manque qui pousse la parole 

Qui la met en sourdine la mémoire des lieux 

De ces lieux interminables qui crient 

L'impossible espace de la raison  

La douleur espère ne pas trouver la parole 

L'ignoble parole qui tente une sortie  

Du réel instrumentalisé par la raison 

Faut-il que l’hypnose marque ce manque 

Le désir de savoir c’est ce manque vers lequel 

Tout être s’étire s’installe pour vivre  

Faire vivre la parole et pousser le drame 

De vivre vers la sortie d’attenter à la mort 

Par quel hasard jamais un coup du sort 

Au feu du temps masquera-t-il l’image 

Qu'un mal qu’un trauma tarauderait ce corps 

Celui circonscrit de la parole qui fuit le cri 

L'insulte de l’histoire celle du corps qui fuit 

Le mirage truculent du désir d’accoucher 

La parole quand un corps se plie s’emplit  

De ces certitudes qui obsèdent l’infini. 

 

 

 

 Thierry Texedre, le 26 septembre 2024. 




peinture "Hypnose/Hypnosis" (2021)

de Claude André Thibaud




La peinture ment






La peinture ment



La peinture ment

parce qu’elle n’a pas encore

reconnu ce qui est sienne

la parole

pour aller à la parole

la peinture doit passer par l’écriture

afin d’en extraire sa lisibilité réelle

le réel est cette sortie du sens

qui frôle l’acte même de vivre

l’acte de vie n’est pas encore

la conscience de vivre

mais une certaine dépendance

à ce qui ira dans la parole

comme tentative de trouver

le sens intentionnel

celui qui créera le temps

le temps de l’imaginaire

qui commence par la peur

la peur

voilà ce qui masque

la peinture pour l’illuminer

la peinture signe des sons

pour rendre compte de l’infini

qui torse la peur dans la parole

voilà que commence à peine

l’écriture à causer le cri

le cri

suppose le dessin du désir

le désir

est cette partie du corps

qui tend à faire taire la peur

par d’immanentes dérives

et de la voix et des membres

qui se dressent en guerre

la guerre

reste la seule infinité qui fuie

le réel pour en ouvrir un autre

c’est la mémoire qui commence

la mémoire

du genre humain

fondu dans l’immensité de l’œil

qui voit à peine ce qui se trame

l’œil

restreint de la capacité à voir

un sujet joué d’avance et troué

de toutes parts à cause de sa mort

la mort

c’est un commencement

celui qu’une peinture peut de penser

sa naissance à trop manquer la parole.




Thierry Texedre, le 10 octobre 2024.


Ignacio Pinazo Camarlench (1849-1916)

artiste peintre impressionniste Espagnol

né à Valence, mort à Godella, Espagne


peinture "Christ qui ment"


 




dimanche 22 septembre 2024

Le déchet comme veine d'une naissance

 

























 Le déchet comme veine d’une naissance


La naissance est une aisance, une introduction vers cette soustraction d’un monde qui est créé et qui se déplace d’une certaine addiction, d’une addition vers la neutralité, une répétition sans cesse qui fonde le déchet, l’amalgame jusqu’à sa dépense et son abandon comme résidu, mémoire, représentation du réel de la rétention.

Le corps respire, se contracte en flux sanguins en réaction contre ces déchets, ces temporalités d’une représentation intempestive, extrême, si l’œil n’en peut plus de cette altération, où plus aucun miroir n’a de prise sur lui, l’artiste ne peint déjà plus ces figures du commun, il peint une certaine immédiateté là où la couleur construit la « déformation » avant qu’on ne nomme ou qu’on lie ce qui sera l’objet d’une parole et d’un système clos. Liam Everett est ce peintre qui travaille avec le risque, l’insoumission à l’objet, l’irruption du sens dans la mise en lumière du déchet. Sur les toiles peintes l’artiste montre autre chose que ce qui s’invite à la parole. C’est le signe d’une présence, d’une mémoire qui frôle son réel, le corps s’en souvient. C’est le présent en action. La vitesse des couleurs qui se posent et s’intercalent, se soustraient et s’assemblent pour faire forme, voilà la grande construction qui commence devant nous, sans faire appel à une reconnaissance pourtant. Le déchet est roi dans notre monde et ici, c’est le peintre qui, conscient de la mise à mort du réel par l’homme, ira nous soumettre sa mise à mort sur la toile de cet homme en masse ; l’homme est le repli d’une peinture qui dit de l’abstraction qu’elle n’est pas cette reconnaissance d’un lieu atomisé du déchet. Le déchet persiste dans la matérialité de la peinture qui s’expose.

Liam Everett peint cette conversation avec le déchet et sa mise sous tension dans un flux incessant de déplacements monstrueux de la forme contre une couleur qui se débat au milieu de cette soustraction résiduelle.



Thierry Texedre, le 22 septembre 2024.


Liam Everett (1973-)

artiste peintre et sculpteur américain

né à Rochester, New York

vit et travaille dans le nord de la Californie, États-Unis













mardi 3 septembre 2024

L'ombre dévoilée

 


































L’ombre dévoilée   

 

Y a-t-il dans la peinture quelque extériorité, ce qui serait signifiant sans montrer jamais l’objet du désir ?   

C’est chez une artiste qui nous donne à voir une figuration clivée, et pourtant pleine d’un objet absent (l’objet caché, mais toujours là collé au corps) que s’ouvre le regard qui nous prévient de ce qui manque à la promesse sociale, d’un corps social qui se remémore la figuration parce que si ce corps social pense sa figure aujourd’hui, c’est parce qu’il oublie cette grammaire du corps, la chair qui l’indique pensant un lieu, celui d’une reconnaissance verbale.  C’est chez Maria Naidyolova que se traite l’immanente résurrection des corps. Les peintures sont montrées tel un soulèvement social en cours. De grands formats jonglent avec des représentations aux formes traitées comme des dessins en noir et blanc contrastant avec la grandeur surdimensionnée du trait. L’artiste nous donne à voir des ébats de nus souvent féminins ; ébats ou formes reflétant des actions de la vie quotidienne ? Rappels d’une peinture passée, celle de l’Histoire, celle de peintres majeurs. Et la couleur, elle passe par les méandres du noir pour se poser à certains emplacements stratégiques sur la toile. On découvre ces positions ces postures colorées de différentes façons selon le temps imparti à leur réalité, soit que la couleur est intégrée au corps en masse, soit qu’elle glisse sur la surface de la peinture en taches réparties ombrant la surface en tons fondus.  

Maria Naidyodova nous entraîne dans ses circonvolutions graphiques, ses incommensurables déclinaisons du genre humain montré à nu.  

 

 

Thierry Texedre, le 3 septembre 2024. 








dimanche 25 août 2024

Polème

 

















Polème



Sur quelle ostentation le corps se traîne se traite

s’exhale et se rend au risque d’attenter peut-être

d’attendre qu’une autre découpe du temps s’opère

se risque à résoudre l'attentat dont souffre la chair

d’une découpe il y va l’autre songe de l’insondable

radieux et introspectif un songe qui souffle l’irréel

celui d’une nuit de l’improbable tentative de vivre

avant de peser cette langue celle d’un cadre sorti

du ventre de l’esprit entrain de naître en mots liés

là est le nœud inventé pour ne pas subir le doute

ça va butiner sur la couleur improvisée en plaies

pour asséner en rimes l’ourlet de l’inviolable peau

quel paysage voit l’affabulation du temps surpris

quel poème ensorcèle de coucher la lettre en lutte

pour chanter jouer d’une rêverie légère et exaltée

l’ombre polémique s’invite en passage désordonné

puisant dans les veines sombres du bras désarticulé

poussant au grattage à la chute au coup à l’incertain

pour rogner perturber la douleur du doute consacré

l’anticiper juste l’instant d’apparaître comme l’irréel

celui des ailes du temps dévorant la chair polème

qui sidère sème la surimpression en pluie d’images. 


  

Thierry Texedre, le 28 août 2024.




Isabelle Floch (1960-)

artiste plasticienne et écrivaine française

vit et travaille à Paris











    









dimanche 18 août 2024

Les fauves

 







Les fauves


La plaie reste ouverte au risque 

d’une tentation osmose avec la 

chair et le verbe irréel d’un corps 

une unité du tremblement sort de

nulle part pour sourire à la bouche

ouverte tous contre ces chaudes 

lèvres asexuées de la couche

maltraitée du vice et versa saucé

à la trempe pour glisser une giclée

au firmament les bras bien en croix

dehors ça fuit dedans ça hurle fort

partouze de la chair avec le verbe

maudit monstrueux d’une ouverture

qui ne se referme jamais le sommeil

vertueux ne cesse de rêver d’en haut

tant que le bas de braise par la sauterie

vautrée n’atteint pas l’océan mortifère

blessé par les frasques incestueux 

d’un corps de mémoire qui entourloupe

l’encens céleste la prière ubuesque 

qui frappe mille fois à la porte du dieu

sonne la sereine couche décousue

sous les plis d’une toile à tendre

le peintre s’en souvient ça sent l’huile

fraîche ça va peindre en couches

jusqu’à sortir la couleur d’un jet d’encre 

la titiller caresser des yeux l’interdit

plus près les songes s’effacent en lit

la déformation réticulaire du verbe

extrait l’extraction c’est ça la peinture

ça marche tant que la musique vit

au plus près du souffle souffreteux

au rythme éthéré des sons entrelacés

un jour blanc au loin se mire dans le sable

en traces raturées par les dents serrées

animal de la sainte improvisation du vide

vois l’innommable gonflement des seins

au rouge matin qui nous enveloppe

dans un drap succulent un drap fauve.


Thierry Texedre, le 18 août 2024.



peinture Otto Muehl “Papyrus Porno”, 1984, huile sur toile, 140 x 160 cm



 




jeudi 15 août 2024

Segmentation amoureuse

 













































Segmentation amoureuse 


Frappée du souvenir inassouvi d'un désir, la guerre m'émeut. Rares sont les ébats chatoyants qui m’entraînent dans d'immanentes ivresses d’un corps impromptu. Qu’est-ce qui me risque à entendre de déferlants amours, sinon ce qui augure à songer au pire envoûtement, à de puissants recommencements. Aimer, c’est cette rareté fatale qui m'enjoint de toujours salir l’être aimé dans sa plénitude, de rompre avec sa solitude. Exécrer ce qui dissout à jamais les frasques opulentes de nos débattements enserrés jusqu’au cœur de la chair. Qu’est-ce qui nous enjoint d’essayer, sinon qu’en est-il de la chair devant cette monstrueuse et sordide fatalité d’en finir avec cette petite mort qui nous assaille, celle qui dévisage l’amoureux du regard de l’autre. Ce qui impressionne le plus dans le rapport amoureux n’est pas l’immanence de l’acte, mais le vide que laisse son occurrence. Aucune parole n’atteint l’aura, le cœur segmenté de l’amour, le rapport a lieu quand l’immédiateté seule n’a aucun sens. La segmentation amoureuse est un risque pour l’opportunité du langage amoureux. Ce qui n’est pas encore du langage et qui pourtant sera érotisé montre bien là cette impossible reconnaissance de l’autre aimé. Ce qui est séquencé n’est pas encore l’indomptable désir d’une parole du double jeu de l’intermittence. Le jeu amoureux se rapporte au risque mesuré que l’autre a de son absence, de son occultation, et ce dans l'interaction que deux corps parlants ont avec un tiers dans l’injonction du pouvoir de leur désir. Quel risque y a t-il à opérer une saisie de cette mise en mémoire tampon du rapport amoureux, sinon à oser un songe d’une autre espèce, de tenter quelque chose qui a à voir avec l’érotique. Un sens nouveau advient alors. Il y va d’une insolation amoureuse. C’est quand le même a lieu dans une irisation, une programmatique de l’unique à la disparate, comme chaîne, plongée dans l’irréalité versus de l’éternelle douleur d’un champ amoureux.

Il y a un chant dans l’amour. C’est ce qui fait chair quand la vue se trompe. Cette chair est l’opuscule d’un temps à venir. D’une abstraction temporelle, qui pourtant semble plus réaliste que la pensée en train de se défaire de ses mots, de l’enterrement de ces mots. Si l’enterrement est quelque chose qui ressurgit du corps silencieux, c’est par la mémoire de l’autre aimant qu’un enterrement ait lieu ; c’est la résurrection de l’être aimé. L’être aimé n’est attaché à une segmentation amoureuse que dans l’immersion du corps imaginé, d’un corps qui n’est pas double mais pluriel. L'imaginaire dissout toujours la parole dans un décalage   qui ne peut être conscient qu'à restituer un rôle théorique à cette parole ; là l'est le nœud insaisissable de ce qui se nomme vrai, voilà bien là l'occurrence d'une parole insoutenable face au réel aveuglant son sujet. Si le réel côtoie l’imaginaire à trouver sa relique la parole, alors ce qui fait sens ce n’est plus la parole en tant que telle, mais ce qu’elle convoque comme érotisation du corps augmenté, d’un corps amoureux qui n’a de cesse de répéter sa chair, son décollement de la langue parlée.

Thai Mainhard prend en écharpe cette attraction amoureuse qui défie la pesanteur du réel ; ce serait une introspection de l’organique, du végétal, de l’objet pour tenter une diversion, une division des éléments reconnus pour les vider de leur substance vitale. L'artiste sublime la matière jusqu’à prendre en chasse ce qui reste des formes. Les couleurs vont décider du temps imparti dans le tableau du choix d'un choc, dans un mouvement de va-et-vient du geste. Ainsi, l’artiste peintre réalise une déconstruction du vivant, réhabilitant par là les pulsions dans leur jeu avec la couleur, sa sensualité, et conséquemment, imprime un état formel de plus en plus disparate, parce qu’impossible à prévoir, à prédéterminer. Le geste va inventer la couleur qui chante en faisant jouir un corps qui s’expose et qui prend forme dans la couleur. La forme devient l’énigme qui saute aux yeux pour laisser croire qu’il y a un lien, un lieu, quelque chose qui se finalise, se répète. L’harmonie a lieu, parce que la forme est dépossédée de sa fixité comme objet, son lieu ne peut pas encore se répéter pour une reconnaissance ; il n’y a pas de signes.  



Thierry Texedre, le 1 août 2024.





Thai Mainhard est née en 1990 à Rio de Janeiro, Brésil

artiste peintre qui vit depuis 2010 à Los Angelès

















vendredi 26 juillet 2024

Avant que ça pense

 














Avant que ça pense


Sol qui trempe les plaies

ridicules du verre bu à l'aube

des sons écartelés sautent

en casse entre deux coups

la peau nébuleuse souffre

les plis du bas se soudent

à l'envers du coït grossi

si la queue ressort c'est que

quoi qu'on fasse l'envie luit

en grains corpusculaires

longtemps avant que ça pense

lanterne du corps encore fuyant

sa langue sa nature du vivant

pas celui de l'esprit en songes

ni celui du souffle divin

mais celui qui joue et jouit

un corps dessoude et dévisse

pour que ce qui le tient

comme finissant objectal

ça ne puisse enlever à sa chair

l'horrible pénétration de l’œil

un être est né de cette mort

par l’œil émasculé du temps

le voilà ce temps droit dansant

sans aucun remord ni plaie

pourvu qu'on se souvienne

c'est l'important de l'infortune

c'est ce qui reste quand vit

la musique qui nous plie

jusqu'à la douleur du vice

musique qui frappe l'os

de l'oreille interdite

de l'oreille tintinnabulante

de l'oreille qui démantèle

ce qui commence à créer

à consumer les sens foutus

en l'air et ça respire enfin

le bon air de la musique

qui n'en finit pas de revenir

aux oreilles folle fuite

en transe trauma coupe

du cuir en creux pour y voir

dedans ça sonne cent fois

le sang frais qui couvre

un corps dénudé à cause

de sa langue qui perdure

au fond de l'horizon fatal

du peint toujours détourné

c'est le risque d'une nature

croisée au paysage intérieur.


Thierry Texedre, le 26 juillet 2024.



Vivian Suter (1949-)

artiste peintre Suisse

née en Argentine, vit et travaille au Guatemala depuis 1982.