samedi 8 juin 2024

L'étreinte d'un texte insouciant

















L’étreinte d’un texte insouciant


Couvert, voilà comment ça résonne le texte s’en prend à quelque chose de sombre dépourvu de carté, on ne sait pas ce qui s’y cache, encore moins de ce que ça parle. Et pourtant, on s’y met, on essaye de dire quelques imprécisions, certainement pas encore quelque vérité ou reconnaissance que ce soit. Le ton est donné. L’approche est telle que les sons qui s’en dégagent la montre bien dans un rapprochement avec une idée en cours, un simulacre de sens, une disposition qui fait sens, mais si on répète, c’est pour se prendre dans les filets du sauvetage, une certaine insignifiance est en cours d’attractivité. Si ça peut avoir l’air d’être ce qui nous sied du nom, nommer l’image qui s’avance comme un rêve dont on retient les éléments constitutifs d’un malaise ou d’une jouissance, ça ne veut pas encore dire ni être dans l’exacerbation du tiraillement intérieur qui nous emporte. L’extériorisation du songe en réel s’y invite dans une étreinte des plus captivante, l’œil y est encore pour quelque chose à cause de notre dystrophie ; un corps parle à trop voir dans l’insouciance verbale digressive, différée à entendre les sons de sa grammaire prise dans l’étreinte de sa musique hyperbolique. Si la grammaire empêtre les sons d’une texture verbale, c’est parce que leur immédiate impulsivité règne en maître dans un savoir à rebours, une sorte d’embrun répulsif que toute textualité emprunte pour donner sens à ce régime d’averse verbale véridique, pour emprunter ce nouveau et immédiat chemin, un présent de lecture. Une lecture s’en suit comme mise en érotisme du verbal traduit de ces sons qui sonnent l’atermoiement comme de l’irréductibilité des sons à la lettre. Un autre temps est à l’œuvre dans l’ignorance de cette somme érotique d’un texte. La peinture est suspensive (effet qui permet qu'il soit temporairement fait échec à son exécution).

On voit là l'étreinte se manifester, parce qu'un texte est toujours pris dans l'insouciance d'un érotique du désir transfiguré par l’œil en peinture. Quelle que soit l’œuvre, réalisée, sa connaissance revient toujours à l'infini sur un sujet qui pense sans pour autant traduire ce qu'une langue a de commun dans la peinture qui s'ouvre au réel, au temps présent sans cesse remis sur le métier ; respiration modulaire de la peinture qui veut s'en sortir du vertige verbal.

Cette absence de texte dans la peinture brûle la différence entre figuration et abstraction, elle déchire la douleur qui fait taire cette distinction ; il y va peut-être davantage de l'abstraction si par nature l'absence est abstraite. Tout récit va donc s'émanciper, attractive, et à trouver dans la douleur cette absence. Par là, une peinture peut s'envoler dans des illuminations sans fin, laissant à la parole et au texte une puissance pour montrer un récit tuméfié, découpé, jouissif, érotisant jusqu'à la figuration même, si celle-ci se jette dans les enfers du jeu social ambiant. Toute peinture en sortira plus ou moins livrée à l'inconnaissable, là est son jeu et sa reconnaissance du réel.



Thierry Texedre, le 7 juin 2024.




John Goetz est un artiste peintre et sculpteur suisse né à Bâle (CH) en 1954. Vit et travaille au Canada et à New York



 

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