jeudi 27 février 2025

Douleurs

 





































Douleurs : Une Exploration de la Peinture de Caren van Herwaarden




Faut-il reconnaître pour croire ? La peinture de Caren van Herwaarden nous invite à explorer cette question à travers une œuvre qui transcende la simple représentation visuelle pour toucher à l'essence même de l'expérience humaine. Son art ne se contente pas de capturer la réalité apparente, mais plonge dans les profondeurs du vraisemblable, là où la nudité du corps devient un prétexte pour explorer l'intériorité et la complexité de l'être.


La surface de la peau, souvent perçue comme le lieu unique de la nudité, est ici dépassée. Notre vision, au-delà d'un simple pouvoir de perception, est invitée à se plier à cette enveloppe corporelle pour découvrir ce qui fait que ce corps vit. Caren van Herwaarden nous montre que la véritable essence de l'être ne réside pas dans l'apparence, mais dans ce qui anime et habite le corps.


Son œuvre évoque des vestiges, une sorte d'archéologie personnelle où les couleurs et les formes se délavent pour révéler des strates plus profondes. En touchant ces intermittences, ces excrétions et récréations picturales, nous sommes amenés à relier ce corps à son intériorité, à ce qui se cache sous la surface. Le verbiage, ici, n'est qu'un prétexte pour explorer ce qui glisse et échappe à notre compréhension immédiate.


L'attention est ce qui vaut dans cette exploration, car elle est antagoniste à la superficialité. La parole, souvent extérieure, est mise en contraste avec le corps, qui se situe ailleurs, dans une dimension plus intime et plus vraie. Ce qui coince, c'est cette incapacité à voir ce "dedans" qui frôle la douleur sans jamais y pénétrer complètement. La douleur, impalpable, devient le sujet central de l'œuvre, une réalité qu'il faut saisir dans son immersion et son invention.


La douleur est ici représentée comme un cri, un suintement privé de parole ou de lisibilité. Elle est une dramaturgie à toucher, un trou béant qui nous confronte à notre propre terreur. La rencontre avec cette terreur met en suspens le risque d'apaisement, nous plongeant dans le doute et l'incertitude. Le corps, désavoué, devient un lieu de chair en mouvement, jouissant même dans la douleur.


Il y a une interférence, un couac, une thrombose dans cette représentation, comme un recul vers un sommet, le haut lieu de la mémoire. La parole y stationne le temps d'un discours disparate, tandis que la chair prend le relais pour nous irradier et nous défigurer. Nous cherchons un lieu, celui d'un paysage ou d'une peinture qui nous immerge loin de la plaie. Cette peinture est courte, distincte d'un paysage extérieur au rêve, et se déploie lorsque la douleur montre la chair en désordre.


Le temps semble absent de la douleur, qui sort le corps de sa nudité pour le confronter à sa séparation du langage, du chant, voire de la musique. Si la musique était une plaie, elle serait elle-même la douleur jusqu'à l'extrême souffrance. Un corps de musique de la douleur devient une peinture qui jette l'œil au discrédit de la vue, une lente descente aux enfers de l'aveuglement naissant.


La douleur troue le regard en son absence de réel. La réalité épuise la mise en avant du paysage, le trouble, l'inquiète, et se risque à d'infinis champs cubistes allant jusqu'à l'abstraction formelle. La douleur n'est plus simplement la déformation du corps ; la peur s'installe, s'étale dans un bestiaire où l'on entend les battements du cœur s'accélérer, accompagnés par le jazz.


Caren van Herwaarden proclame l'être dans sa nudité, non pas celle de la peau ou de la surface, mais celle de l'intériorité. Ses œuvres, souvent des collages et des dessins articulés en peinture, parfois de grands formats, révèlent des figures fantomatiques, semblables à celles de l'imagerie biomédicale. Elles nous invitent à explorer les profondeurs de notre propre humanité, au-delà des apparences.


Cette énergie qui foudroie, mais aussi qui occulte le sujet de l'œuvre, rend compte d’une causalité qui insiste sur un geste abscons, une gestualité du manque. Caren van Herwaarden clôt la douleur quand elle fait des collages comme embaumement de corps humains ou animaux. Si la peau manque, cet embaumement réincarne une couverture du réel, de la peau absente visuellement partout dans sa peinture. Cette joie à recouvrir, à couturer, laisse à penser qu’une spiritualité vient peser sur un réel exclu (sa découverte dans les plis du recouvrement), laissant à l’âme un accès dans “l’au-delà”, un ailleurs, croyance ou césure que la peinture déploie chez Caren van Herwaarden.


Thierry Texedre, le 12 février 2025.


Caren van Herwaarden

artiste peintre et sculptrice hollandaise

collages, oeuvres sur papier et aquarelles

vit et travaille à Amsterdam, hollande, en Italie,

en Allemagne et au Canada







mardi 25 février 2025

Plages

 





Plages  

 

Assis sur l’astre 

incrédule la voix ouverte 

planqué en sursis 

le regard terne 

trame de l’œil plié 

l’instinct déconstruit 

il ausculte l’or 

avant de fuir 

tout s’évade 

la peau déchire le vice 

déversé dans la plaie 

d’un sourire qu’il avale 

par quelle odeur 

ces vagues allégories 

à l’heure du défunt 

volent au secours 

du train train vide 

par ici l’envers sourit 

à cause de la main 

qui trace un rire engendré 

le sable est chaud 

par cette nuit étoilée 

un groupe en rond 

assis les jambes en indien 

pour fuir l’eau sonnante 

les tintements de la mer 

l’immersion dans ces rires 

occultes pour croire 

se frappent aux cordes 

d’un piano no man’s land  

carnation du désir 

plis en chair du dedans 

qui fuit les battements 

le cœur rythmique 

de soi vers l’autre 

le revers aux oiseaux 

le matin en sons puisés 

dans l’esprit qui entend 

sa douce douleur 

recouverte du froid 

à venir d’un crépuscule 

en droit et en foi. 

 

 

 

 

Thierry Texedre, le 2 février 2025.  

 

 

 peinture de Chae Seong Pil

Rêves de la terre

160 x 130 cm, 2024

Argile et encre sur toile





dimanche 23 février 2025

Apologue

 




 Apologue

Museler l’oriflamme de ma foi

Montrer au monde l’injustice

Défaire ce que révolte opprime

Depuis l’insoutenable réalité

Du refuge fugitif dans l’art

Atterré par tant d’intérêt au lit

De ces reliques sordides

Monstres du redressement

Indécent devant l’amour

Mis à terre et relevé dans

l’injustice du désir indolore.



Thierry Texedre, le 23 février 2025.



peinture de Francis Bacon

Trois études de personnages sur des lits, 1972

Huile et plâtre sur toile

Triptyque, 198 x 147,5 cm chacune