samedi 1 juillet 2023

La peinture et le refus

 


























 La peinture et le refus


L’horizon n’est là que pour montrer de la peinture qu’une infime possibilité du présent. L’artiste pousse l’horizon comme si le sujet allait refuser ce qui se trame aujourd’hui d’un futur en train de se montrer déjà sur la toile. La ligne d’horizon est souvent présente dans les peintures de Didier Richter.


Ces figures visibles sur le devant de la toile sont brouillées, comme désarticulées, ressemblant à des corps morcelés et peints ; telle une bande dessinée où les paroles vous sont transmises dans un minimum de lecture par les titres des expositions et ceux de chacune des peintures. « L’artiste peint d’abord les champs de couleur avant de tracer la composition, permettant à son utilisation dirigée de la couleur de structurer l’œuvre, plutôt que la ligne. » Les aplats sont ce qui permet à l’artiste de passer d’un monde à l’autre, celui d’une figuration dans l’histoire à une abstraction de la réversion. Là encore on n’en reste pas aux figures sinon, qu’il faut leur permettre d’endiguer l’abstraction trop encline à finaliser un travail sur la propre humanité.

Daniel Richter n’en peut plus. Il voit cette folie devant lui se dessiner. De ces figures qui ressortent et qui semblent tomber sous le sens. On croirait « les demoiselles d’Avignon », mais découpées, hachées, multipliant des désaccords et des déchéances humaines, des coupures à la Matisse par la couleur vive des scènes. À ce jeu là aucun corps n’y résiste. L’attraction en est à son comble. Elle est telle que notre regard en prend plein les mirettes ; c’est comme des coups donnés à la boxe. Oui, le peintre boxe. Oui, la peinture est en plein dans le match. Le jeu, en vaut-il la chandelle. Le peintre nous envoie des déferlantes de formes et de couleurs qui se lient alors par des superpositions de l’une par l’autre sur la toile. Alors même qu’on voit entre les coups quelque chose qui nous interpelle. Quelque chose qui nous figure la paix un court instant. La mémoire, nous joue-t-elle des tours ? On voit de toutes les couleurs comme on dit, c’est avant le chaos, la fin. On passe alors notre chemin espérant un regard plus enclin à l’apaisement. On le retrouve pourtant sur chaque peinture, sur la beauté et le ressenti qu’elle nous procure malgré cette contamination interne, ce refus délibéré d’accepter l’entièreté de la peinture. On se ressaisit pour essayer de remonter le fil du temps. La peinture passe son temps elle, à nous battre en brèche, elle nous devance. Il semblerait que Daniel Richter ait gagné la partie. C’est une histoire de trauma. Si les couleurs vives traversent et imprègnent notre intime conviction qu’il s’agit d’une peinture de l’intériorité, d’un parcours intérieur qui nous taraude ; de le voir, sur ces peintures en plages flottantes, nous nous empêchons de garder une certaine conscience de la plainte.


Daniel Richter intervient par sa peinture, sur notre fonctionnement vital, notre marche vers quelque chose de l’indiscrétion, tel un contrôle de l’hystérique parlant qui s’effondre à ne pas voir ce qui se trame de la peinture.


« La peinture ne naît pas que d’une incidence, mais elle meurt sans incidence. »




Thierry Texedre, le 6 juin 2023.



Daniel Richter (1962-)

artiste peintre allemand basé à Berlin











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