Histoire d'une migration
Ne pouvait-on pas se résoudre à tenter d'entrer en communion, dans ces espaces en apparence familiers, et au demeurant toucher nos esprits en les peuplant de senteurs olfactives enivrantes, pour ne plus raisonner une fois, un temps passé à reconnaître quelque chose d'autre peut-être, ici, pourquoi pas d'en montrer un peu d'une perspective intelligente, d'une peinture qui figure, se figure devant nous comme d'une certaine liberté qui déconcerte, un engagement sur des voyages imaginaires qui rencontrent notre divertissement à jouir autrement de ces paysages métamorphosés.
Daniel Gibson nous promet un voyage dont on pourrait croire qu'il fut sans histoire, alors qu'en entrant dans les méandres de ces reconnaissances visuelles, aux portraits énigmatiques et où aucun récit n'aura de sens qu'à le montrer autrement, pour l'écouter se reconstituer en histoires d'un autre usage, celle peut être d'une iconographie autre, moins aride que de celle qui nous importe, occupant nos pupilles, nos oreilles et nos goûts invulnérables à l'inconnu, au vertige de ces natures vivantes devant nos yeux, ici exposées.
L'enchantement résiste au temps, la peinture s'occupe du temps, elle le libère de ces artefacts dont la puissance n'a d'égale qu'à désenchanter la parole, la rendre caduque puisqu’elle ne peut plus rencontrer que le « même ». Entouré de paysages désertiques, l'artiste sort de sa réserve en nous emmenant dans ces plages où des fleurs, des feuillages, des animaux, des humains, se mêlent telles les imbrications de Pablo Picasso saisissant notre vision pour la détourner du centre, de ce point focal qui met en perspective nos illusions. Dépassant le surréalisme, morcelant l'expressionnisme de la peinture allemande, Gibson s'en remet au langage pour démonter la visualité de l’œuvre créée, dans une mise en mouvement du concept de rétroaction en peinture ( « Cette fleure, a-t-elle des bras et des jambes », exemple de contournement du réel).
Si nous ouvrons grand les yeux sur les couleurs ainsi exposées des peintures de Daniel Gibson, c'est pour y découvrir ces couleurs vives, mais jamais agressives, poussant une reconnaissance certaine des formes peintes, justement, à l'instant précis où de ces couleurs naît l'irréalité marquante de ce qui questionne alors la vue jusqu'à celle d'un déchiffrement qui musique et peuple notre aptitude au langage parlé. Il y a comme une lutte. Les couleurs migrent jusqu'à « décentrer » les neurones de leurs aptitudes à inclure.
« Il y a toujours trois histoires dans un tableau. L'histoire que vous voulez que les gens voient, l'histoire que vous cachez pour la révéler plus tard, et la vraie histoire étant la vérité. »
« Les terriens deviennent plus forts grâce à la lutte. C'est comme ça qu'on a réussi à ne pas s'éteindre. Nos masques ont aidé. Et les enlever est difficile. »
Thierry Texedre, le 20 août 2022.
Daniel Gibson (1977-)
né à Yuma, Arizona
artiste peintre américano-mexicain
vit à Los Angeles, Californie
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