Incidence
Io Burgard nous met
dans l’embarras quand elle laisse passer cette chose dont on sait
déjà à qui ça s’adresse. Il faut que ça se passe avant. Et
puis ça peut rester un peu dans notre mémoire, mais un certain
délitement de la forme commence à dénaturer l’image qu’on s’en
était fait. L’artiste n’a rien à entendre de ce qui se
formalise ou non sur la toile. Pas plus que la chose peinte n’a à
voir avec une présence, celle d’un réel qu’un corps qui peint
n’a de cesse de se sortir, par quel souvenir, par quelle irruption
de son devenir fragmenté.
L’artiste peint
tout en dessinant. Je veux dire par là, qu’elle dessine ce qui est
en devenir, d’un devenir qui s’en suit comme « plâtré »
dans nos rêves ; et nos fantasmes incertains retranchés alors
dans cette chose sans incidence pour un corps en volume, un corps
déjà trop tombé dans ces incantations frivoles qui frappent. C’est
l’encensement général de celui qui reconnaît. S’il s’agit
ici de fiction, ce n’est pas pour déshabiller un corps, une chose,
une insignifiante présence à découvrir, à reconstruire, à
assembler, mais certainement pour partir d’un réel, le tisser, le
hisser au plus près de ce que la vue tente de satisfaire à trop
voire pour moins comprendre. Io Burgard innove puisqu’elle peint
partiellement la chose peinte (Celle qui ressemblait au temps de la
peinture figurative qui découvrait la perspective, ce qui s’en
suit de l’impossible fixité de l’être.). Il ne reste plus qu’à
montrer ces mélodies de fragments qui s’inviteront au bon vouloir
de notre vision, à la reconstitution d’une figuration alternative
et fictive. « Le dessin est un espace où l’imagination ne
connaît pas de limites. La sculpture permet une matérialisation
concrète de cet imaginaire. » Peut-on remonter jusqu’aux
peintures pariétales ? Les cavernes ont figuré ce que la sculpture aujourd’hui dans sa
saturation, son isolement, sa décollation même de la peinture, un
transfert sur cette voie royale qui s’ouvre au publique, de ne voir
qu’à la condition d’« a-voir » peur. De ne pas
savoir ce qui s’y trame de ce destin, du dessein d’une peinture
qui frappe à la vision d’un corps contemporain en train de passer
par son propre volume comme référent, affleurement de la matière
sur la question d’être lié au monde, à l’animalité du faire
pousser par la peur d’une fin ; la faim commence à peine à
naître.
Ainsi, Io Burgard
parle une langue qui est en osmose avec un corps qui délite,
délimite par sa représentation sculpturale un essai pour le destin
d’un dessin sans incidence, et qui recouvre alors l’histoire de
l’art ; où serait la conséquence de quelque chose qui pour
le moment n’a plus à voir avec le corps ?
Thierry Texedre, le
13 mai 2024
Io Burgard (1987-)
artiste peintre
dessinatrice et sculptrice française
née à Talence
(Gironde, France)
vit et travaille à
Paris