lundi 1 avril 2024

La peinture et l'éloignement chez Patrick Wilson

 























La peinture et l’éloignement chez Patrick Wilson

 

Si par l’abstraction la peinture s’éloigne de la figure comme représentation surannée d’un corps d’écriture qui sourdement imprègne la peinture figurative, sa lecture du réel, prisme d’un soleil trop distant du réel, trop jeté au discrédit de la psychologie humaine, c’est pour mieux s’approcher et apprivoiser l’œil, montrer qu’il n’est pas encore son sujet peint, puisque de peindre ça passe aussi par une irréalité qui dérive, se retire du regard tant que de voir ça n’a pour conséquence qu’inventer le temps qu’il faut pour diminuer ce qui s’abstrait de peinture ce qui s’évide de peinture à se mettre infiniment en plongée dans les champs d’une géométrie disruptive.

Si chez Patrick Wilson les toiles sont empruntées aux paysages urbains de la côte ouest du sud de la Californie, la géométrie s’élance de la diversité des éléments traversés tels que le désert, le ciel et les plages, les villes tentaculaires aux géométries rappelant les Boogies Woogies de Piet Mondrian et les Obelisk de Barnett Newman. Les formes sont reconnaissables tant que leur géométrie n’interfère pas avec les couleurs et l’inquiétante compromission d’un extérieur et de l’intériorité des couleurs commémorant une réserve, comme pour passer de l’œil qui regarde à l’intellection qui questionne. Un questionnement qui se réserve le droit, de la ligne au spectre formel d’une géométrie qui puise dans l’impossible finitude de la forme ; toute forme se déterminant par rapport à une géométrie, les ombres portées se développant, se dévoilant pour distraire les dites formes qui s’entremêlent, pour forcer l’œil à ne jamais s’arrêter à l’objet qui questionne la forme dans sa pluralité. Les compositions sont pourtant montrées dans des diptyques comme point d’entrée. Si Joseph Albers travaillait sur ce qui fait corps entre couleur et forme dans le carré, ici le but n’est plus la forme encadrant la couleur, mais une expérience de la vision qui fait une polyphonie tant que ces compositions tentent une reconnaissance sculpturale du regard vouant sa temporalité n’est plus liée aux lieux d’un espace clos.

Il y a toujours de multiples points d’introduction dans la peinture de Patrick Wilson. Un peu comme si d’entrer et de sortir d’une peinture n’avait d’importance que de choisir son paysage son voyage tant que le regard espère questionner ce qui le séduit ou l’inquiète comme la rencontre avec une forêt, son silence et sa musique. La douceur des couleurs dégradées se mêle aux lignes fines pour atomiser les surfaces lisses et transparentes qui contrastent les unes avec les autres dans des accords lumineux à l’Ad Reinhardt, ou les subtils équilibres des compositions abstraites de Helen Lundeberg. Le spectateur est de passage, c’est donc là le grand subterfuge de la peinture que d’amener toute personne à rester devant une peinture, de faire une connexion, d’y entendre une petite musique qui s’installe et qui compose définitivement par-delà le regard notre espace intérieur.



Thierry Texedre, le 1 avril 2024.


 Patrick Wilson (1970-)

artiste peintre

né à Redding, Californie

vit et travaille à Los Angeles, Californie






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