"Stelle Aperte", peinture de Sergio Padovani (1972-)
Paroles et peintures
De
la parole à la conversation, comment la peinture s'y prend à
montrer ce que la parole nie par l'écriture. Se consumant, cette
parole tient lieu d'un discours à venir. Une peinture renonçant à
tirer parti de ces lectures, dont la parole travaille sur le temps
cette conversion en une écriture du désir convulsif de la figure
peinte, semblerait pousser la représentation dans deux axes bien
distincts, afin de digresser sur la parole, comme jeu dédramatisé
de cette lecture peinte. Lecture en somme qui se concrétise en
vision du même contre ce différent qui saute aux yeux quand la
peinture se reflète dans l'endémique front d'une vue montrée en
pensée d'un sujet conversant avec sa terreur du fragmentaire,
terreur de la déconstruction du même en différent, et inversement
dans l'insoutenable reconnaissance de la vision qui prend place comme
doublure de la parole. Y a-t-il parole dans la peinture ? Ou ce
rien de parole n'est-il que l’ersatz d'un peint qui ose illuminer
ce que la parole n'a de cesse d'invectiver dans sa mise en écriture,
récit d'une soumission du regard impossible.On
entrerait dans une concomitance de temps entre la commémoration du
sens entrain de se défaire du désir, et la tentation ; asséner
à cette tentation du viol de la vue par la peinture, une sortie de
la démonstration du jeu qui s'ordonne, s'adonne à comprendre,
traduire, l'illisibilité de la parole face au peint enflammé dans
cette double dérive du temps. Le temps est sécable. Décortiquer la
peinture sur un temps court, pour extraire cet agglomérat qui semble
sortir du discours intentionnel. Tout discours passe par cette
peinture quantique, peinture qui referme la matière sur cet
enfermement extrême de la parole usurpatrice du temps. Un choc vient
s'interposer où la parole donne à lire un rejet de la lisibilité
territoriale de tout texte, pour monter sur une peinture de la
tentation. Choc du corps taraudé par sa mise en abîme de la chair,
puisque la chose peinte est la chair de la chair, puisqu'elle est
être, la peinture en acte, action de grâce, la chair ici, va
« s'infinir », par un trop plein (celui de l'être) ;
elle tremble, par la douleur du risque de représenter, usurpation de
la parole sur ce regard qui en impose de ne pas comprendre. S'il y a
du faire dans la peinture, c'est moins parce que peindre est un
savoir faire qu'un état de surexposition aux charniers du temps de
la dépossession contemporaine. Un ciel s'ouvre au risque de la
mortalité des corps. Un ciel, celui d'une danse immémoriale de
l'apparition du sacré dans l'immanente expulsion, explosion de la
mémoire en visions. La peinture ment quand le corps puise sa mémoire
dans les errances du temps court. La peinture n'est pas un double qui
se laisse aller au regard de la douce jouissance. La peinture prend
en écharpe le corps pour l'élever jusqu'à l'être, l'être est sa
vision, la véritable consistance du peint. L'être est sans parole
au moment de l'acte de peindre. Merci à Sergio Padovani peintre, en
particulier pour «Stelle Aperte ».
La
peinture éclaire ce qui plus tard deviendra l'autre versant d'une
pensée prise dans les tourments de l'enfermement oral. Par cet
enfer, on craint de croire, croyance au risque de l'enfermement du
peintre au format déformant de sa peinture. La grande incertitude
qui en ressort est une contrainte de l'évanouissement du réel au
profit d'un imaginaire qu'on croit toujours issu de l'irréalité. Un
passage pourtant reste possible, promis aux grands bouleversements de
la peinture tombant dans sa certitude avec l'abstraction en vigueur
au début du XXe siècle. Le trou, anus, passage érotique d'une
soudaine dérive du pictural montre l'automatisme d'une peinture au
profil lentement réglé sur la jouissance du corps évacué en
extases, rejets, scarifications du support évacué en une sorte de
matériau sans âme, le trou sombre d'une tragédie qui déroule de
plus en plus ses maux, mental du désert, assèchement d'une pensée
montrant sa dépense sa désespérance à trop dénaturer l'être
dans son pourrissement, le sens montré en sens inverse, non-sens
illusoire d'une abstraction qui en impose par sa mise en demeure du
vrai. De cette vraisemblance, naît l'incompris, le distant,
l'incidence, vertige de quelques vestiges organiques, orgasme oblige
pour se risquer à « parlêtre » (parler l'être/à
paraître), monter sur l'étant, coït du délire d'une peinture
démasquée ! ; la peinture du questionnement renaît. On
entre dans cet espace du vide, l'infiniment grand se montre, l’œil
s'illumine se risquant à l'aveuglement, on y voit ce quelque chose
d'éternité qui vole au-dessus du mirage hétérogène de l'enfer.
L'enfer, c'est l'envers de l'être. Il n'y a d'enterrement,
cérémonial, que celui qui vous pousse à monter vers ces cieux,
délices intemporels du bleu de la première couleur touchée par
l’œil inquisiteur du nouveau né chez l'humain. Paradis
vraisemblable qui augure à rendre grâce au verbe fait chair dans
l'attente d'une réalité, celle d'un purgatoire du peint. La
peinture s'entend par là comme interruption momentanée du temps
dans sa mise en lumière de la pensée qui se dépossède à se
montrer telle qu'elle est : monstruosité de ce réveil, vol
insupporté de la voix encore onomatopée d'un sourire qui s'étend
sur la toile pour démasquer l'affabulation du genre humain sur
l'enfer de sa voix.
Thierry
Texedre, le 10 avril 2021.