




La
peinture comme vertige de l'architecture
Rare
sont les peintres qui représentent cette matérialité dont on use,
dont on explore toutes les faces tant pour notre bien-vivre que pour
exploiter l'espace jusqu'à peut-être sa perte, et par lui-même une
certaine perte d'identité ? L'espace ou cette reconnaissance
d'un état déjà trop plein d'une tension à travers cette
transversalité qui s'y insère, s'y montre ; serait-ce celle du
nombre, de l'extension sans cesse, de ce nombre jusqu'au refoulement,
jusqu'à l'interdit de l'espace trop restreint (n'y a-t-il pas un
dépliement de l'espace dans ce qu'il a d'interchangeable, par
exemple passage du figuratif à l'abstrait, du paysage à la
géométrie), d'une demande d'entrer dans une autre géographie, un
terrain vierge peut-être, une certaine peinture qui ici vient entrer
en collision avec ce nouveau temps. La couleur tente alors une entrée
en éviction, éventuelle certitude que ce qui s'y joue ira bien
au-delà de ce qui se voit hors de la toile alors exposée pour mieux
y voir une intelligence future. Une certaine contamination avec cette
juxtaposition qui sied à la tentation d'exister :
interchangeable avec une nature donnée à voir plus floue peut-être
pour indiquer que cette charge émotionnelle nouvelle (la peinture)
montre l'envers du décor, celui d'un réel en trop. La vertigineuse
réalité de la mégalopole qui s'étend telle un virus, encre le
drame d'un arrêt du jeu des points d'intersection des avenues aux
pieds des tours,
dont le peintre Piet Mondrian a su escamoter l'irréalité du temps
de la « nature » humaine en signes prémonitoires. Ici,
point de nature isolée ni de signes signifiant la tentative
d'essoufflement de l'art de vivre, mais bien une peinture de
l'extraterritorialité humaine (l'architecture en trop).
Le
plaisir qu'un regard peut porter aux toiles d'Ivana Minafra (1971-),
sort l'espace figuratif inquiétant et angoissant (on y voit souvent
une étendue de voitures peintes comme paysagers telles un champs) du
regard, pour explorer un autre espace mis dans la peinture, celui
d'une nature en trop ou en moins, pour nous montrer cette double
réalité dont le regard imposerait de montrer seulement un paysage
urbain. Un brouillage semble montrer une nature en devenir sur une
urbanisation recouvrant littéralement la toile par « défaut ».
C'est cette indifférence, l'oubli de l'infini, de l’extension
totémique, de l'étalement anarchique en périphérie de la ville
devenue ainsi une monstrueuse mégapole, qui font se rencontrer ces
deux incompatibilités ; et tenter une vérité, celle d'oser
faire voir avant de le dire une autre occurrence de la vie humaine.
Une autre artiste semble aussi démontrer ce qu' une ville a
d'empressement à s'extraire de la prégnance humaine pour
l'architecture urbaine.





Dans
les peintures d'Anneke Wilbrink (1973-), on s'expose à
l’expatriation. La temporalité de l'humain vrille à l'approche
d'une distorsion du monde. Le chaos s'y insère, montrant une
peinture qui s'éloigne d'un milieu où le réel s'efface, au profit
d'une complexité dans un contrôle des contrastes, des oppositions,
à cause de l'architecture rembobinée par ce qui du sublime entre en
réserve, pour appairer le médiocre d'une urbanisation galopante à
la trame d'une peinture entrain de montrer un océan, l'infini.
On
se rapproche d'une autre vérité, se livrant aux marasmes de
l'impossible expérience figurative, certainement à cause de ses
effets dévastateurs, quand à ce devenir où une nature n'a de cesse
de s’abîmer.










Richard
Diebenhorn (1922-1993) nous livre là une approche regroupant de
nombreuses similitudes avec celles de Ivana Minafra, quand à cette
mise sous pression de la nature, exposée au plus près des paysages
urbains. Mais encore une nature qui entre dans l'architecture avec
Anneke Wilbrink. Si la nature humaine en fait trop, c'est pourtant en
différant cette tension vers ce que peut résoudre l'eau, l'océan,
à l'approche des industries de Santa Monica sur la côte ouest des
États-Unis. Pour subvertir au plus vite cette représentation de
l'éphémère sans doute, dans une série sans fin aux peintures de
« Océan Park », La submersion d'une réalité sourde à
la nature, une fenêtre ouverte sur cet océan primitif, une emprunte
abstraite qui figure un travail du paysage qu'un Matisse poussera à
faire jouir par la couleur ce qui découpe le réel au présent, au
temps qui recouvre l'imposture urbaine.
En
tout cas, l'intensité d'une terre retournée (dans le blanc sommé),
est au plus près d'un présent jeté au regard d'un coup de dé.
Thierry
Texedre, le 21 avril 2020.