dimanche 5 août 2012

Suranné












De l'invalidité naît cette occlusion, occultation de la vie intérieure. Faut-il se remémorer, substantivement comme si le poids de la mémoire devait transfigurer l'état de déliquescence d'un corps dépassé? Quel songe peut rivaliser avec ce corps-tronc qui saute de ces lieux invisibles en temps réel vers d'autres incertitudes de la violence d'un agir? S'agissant de cette lenteur, de celle qui est en état de pesanteur, dans une réduction gesticulatoire telle qu'un viol peut endommager un corps, le couper; mémoire du membre abîmé, plus enfoui, celui manquant! Le temps passe et le corps effacé draine une multitude d'empathie envers une interminable fixation sur l'un, osmose irrésolue, pour inventer un corps d'amour, un objet double: corps ossuaire et corps figural. Quel corps mort pour être désarticulé va rencontrer la force éruptive de celui inventé comme transporté par l'esprit qui figure un corps lumineux, corps qui rencontre l'acéphale pour l'inverser, le forcer, le renverser comme si la vie passait par son envers, tête sans corps, corps voué à l'invention d'une tentative d'extirper au tronc cet essentiel que la mémoire reconnaîtra en faisant pousser ce corps hors de ses organes abominables. Un passé déconstruit, pour chasser sur les terres d'un présent illusion, mais présent qui ondule sur les pas de l'affect. Terreur de l'image réelle, dans une charge émotionnelle qui fabrique du sens, multipliant ainsi les images de ce corps blessé, et guerroyant avec ses plaies béantes, cicatrices de l'invulnérable essai de vivre en coupe, de biais, œil plus ample que celui d'une normalité désignée comme telle. Corps tenaillé corps rescapé, corps de la résolution, de la dissolution des maux dans l'anonymat d'un corps dramatique. L'envol de l'oiseau de son nid, oiseau sombre au milieu des champs de blés, un jour d'août, chaleur accablante, au loin on aperçoit quelques corbeaux sur une ligne d'horizon rougeoyante. Ce corps qui tend les bras dans leur direction, juste en imaginant ses bras, ce corps tronc assis devant tant de beauté...



Thierry Texedre, le 5 août 2012.