On
passe à côté. Et de nulle part, se lancent les
cordes, oreille mal intentionnée, haut bruit des violons
agités autour de cette sonnerie du déficit mental.
Là-haut sonnent et glissent, et les cloches et les archets,
sur quelle onde porteuse; tête d'où les maux sortent,
douleur irrationnelle d'une musique assourdissante. Température
du dedans déconcertante, touchant au temps de la dépossession.
Douleurs qui activent les images du passé, pas seulement,
aussi celles plus déchirées, hachées et à
reconstituer, plus tard, peut-être. On attend l'aurore, cette
douceur des choses égales, une lenteur qui oublie l'essentiel
de la vie qui se répète. On tombe par un hasard
somptueux sur la beauté suprême. Une blancheur de la
peau si lumineuse, qu'on eut dit un rêve en plein jour, on rêve
le jour aussi. Peau toute en tendresse, presque ce que la mort
apporte d'éternité. Quelle blessure résisterait
à cette rêverie, mêlée aux digressions de
cette musique qui tente de blesser mon âme. Un combat semble
s'installer entre celle qui m'emporte dans ses grâces, et
l'enfermement de ces maux de tête insupportables. Des coups
tentent de me pénétrer, mon visage s'affaisse, se
raidit et me retire en plis, en rides douloureuses - pendant que la
musique envoûtante m'exaspère sans que je puisse
l'arrêter. Mes yeux, encrés encore dans l'étreinte
que cette colombe posée sur mes mains provoque, semblent le
lieu d'un combat dont l'hypnose prendrait le dessus? Mon envol se
résout à oublier par bribes la musique qui s'espace,
s'éloigne; elle revient doucereuse pour me reprendre dans ses
griffes. Mirages des sens, musique au refrain tenace; je m'écarte
et reviens, j'aspire à la paix, mais l'esbroufe tremblant
m'envahit plus que jamais. Le jeu entre la vie et la mort lentement
m'use, m'interpelle pour sentir mes sentiments et se gausser de mes
sens; de ma mémoire désarmée et touchée
jusqu'à l'usurpation. Et vont se refermer les voiles de
l'opacité du temps, le ciel aussitôt, se plie pour
laisser l'image derrière, dans le trou, dans l'ouverture de la
béatitude, où vont s'enfoncer les voix dans les
ténèbres, pour rejoindre l'enfer de la parole d'où
sortira le rêve qui habite ce corps de vie.
Thierry
Texedre, le 23 juin 2012.