mardi 14 août 2007

dialogue dans l'urgence de l'improvisation 2/3













possibilités de dialogue

Image du film d'animation en trois épisodes écrit et
réalisé par Jan Svankmajer en 1982. "...Celui-ci trace
un portrait poignant des relations humaines, mise
en scène de deux hommes qui s'affrontent en sortant
divers objets de leur bouche..."


Dialogue 2/3


[S s'est rassit à sa place croisant maintenant
les jambes comme pour se stabiliser, se
contenir. Il tire de grandes bouffées sur sa
cigarette bien vissée dans son porte cigarette.
T est lui aussi revenu s'installer dans son
grand fauteuil, mais reste moins détendu.
Il a comme un toc, car de ses deux mains
rivées fermement sur les accoudoirs, il
semble s'y appuyer pour relever son buste par
petites saccades, tel un pantin désarticulé
peut le faire, mais T gratte aussi le bois sous
ses doigts. Et cela en toute discrétion,
imperceptible vision qui se répète tout au
plus deux ou trois fois, puis relâche ses doigts
et recommence après une brève interruption.
Les deux protagonistes reprennent la
conversation.]
T- Pourquoi la peinture fait-elle surgir un
nouveau sujet dans un Tout social bombardé
par le site musical?
S- Pour enfreindre la loi, celle qui tient socialement
parlant, et incorrecte, pour enfanter musicalement
l'image de l'imaginaire, celle de la figure peinte,
unique matérialité possible et architectonique
des corps qui sont socialement livrés à la langue,
qui pour parler, doit en découdre avec l'image,
avec l'espace que le seul site musical peut
légiférer. Et faire que la conscience relève de
l'écoute... La constitution d'images n'a que peu à
voir avec l'espace pictural car à trop produire de
l'image, le pensant écoute et c'est alors le son
qui devient le nouvel ordre de toute la productivité
liée à l'image, mais surtout à la langue qui perd sa
singularité au profit d'une dépose, d'une
décomposition du privé. Tout devient publique,
tout devient transparent léger et indésirable; pas
de loi pas d'impossible (l'impossibilité d'acquérir,
d'accéder à la raison à la lecture au sens, comme il
convient) pas de mort non plus dans la textualité,
à cause de la superposition des sites, des strates de
la mémoire, des cultures pour faire simple. Nous
nous posons alors dans un autre ordre qui serait
concomitant, voir parallèle à la textualité du régime
politique en vigueur 5quelque soit celui-ci
d'ailleurs).
[T arrête de gratter le bois des accoudoirs de son
fauteuil, il est plus concentré sur l'affaire en cours,
il en oublie même parfois de reprendre son souffle,
ça semble le mettre en position de relancer la
conversation.]
...
[Fixation des regards en face d'une telle lecture?
- s'agit-il du parlé, ou de la lecture ? Où en est le
texte à ce niveau d'interprétation? Se peut-il qu'il se
confonde avec de l'oral, la voix peut-elle masquer
le texte en en rajoutant?]
T- Je voudrais en venir à cette architectonique du
format, s'il y a format. Et quel est le rôle de la
technique dans le tableau. La technique aussi voit
son déplacement révolutionner le format. Se peut-il
qu'elle soit liée à la déclinaison du corps pris dans
la parole en cours, en état d'hébétude, en train de se
faire dans l'aveuglement dû au format de la toile et
surtout de la figure qui est donnée à voir? Sûrement
dans un déroulement, un soulèvement, son
dévoilement?
S- La techné n'est pas la forme, et l'information d'un
tableau quelle que soit son avancée culturelle, si le
tableau reste comme tel une immunité pour un futur.
En ces termes, nous avançons sur quelque chose de
diurne qui a à faire avec le signe, la signifiance et
pour cette probabilité, nous pouvons résoudre le
problème de la peinture a être dans la couleur, de
passer d'un état pur à un état abîmé (l'abîme euclidien)
pour ne pas dire du blanc au noir. La technique est
une liaison, une terminaison d'états dormants, postures
liées au code social et représentées dans la décharge
pulsionnelle que le sujet peintre produit distingué de
son inconscient qui lui fait le format virtuel. La forme
humaine permet l'état de densité de la liaison de
l'intérieur vers l'extérieur, son architectonique. Sa
"cathédrale", grands travaux de la peinture qui doit
parler (énigme du faire), plus que son faire-voir l'y
consent! Le mystère de l'état de tension dans laquelle
se trouve l'image peinte laisse entrevoir une certaine
disposition du corps pensant à fabriquer un imaginaire
un pensant pour peu que celui-ci soit un nombrant,
mais le nombre est une autre histoire, un autre abord
qui est de l'ordre de l'être. Que seul l'être pensant voit
dans l'abîme qu'il prépare, à cause de l'immonde. Du
délire articulé qui est d'inventer techniquement à
cause de ses organes, et non de son pensant, son
penchant indifférent à l'union puis à l'unique puis
encore à Dieu. Théologiquement parlant. C'est là la
confusion: croire que la sexualité est pensante! Pour
en venir à la durée du tableau dans le temps, sa
répétition, l'existence même de sa répétition vient du
fait que c'est à cause du nombre mais aussi des
cultes, des incantations à l'image que la forme a
fait format, puis picturalité, vision-érotisation à travers
la couleur-sang-coullée-verticalité-écoute. C'est là
l'invention vraie de la couleur qui prend comme
forme le mouvement des corps, mais surtout du corps
pour le penser et pouvoir le nommer socialement.
T- Nous constatons une absence de la couleur dans la
résolution du tableau, pourquoi un tel état de fait de ne
pas dire la couleur, une évidence aveuglante de
l'impossible temporalité de la couleur, sans son pli!
Ne serait-elle pas vidée de la loi et par là-même de
Dieu?
S- La couleur a refait surface depuis un siècle dans
un même temps avec la disparition de Dieu (et
l'introduction d'un Sujet avec la psychanalyse). Ou
plus exactement de sa lumière, de sa lisibilité, fin d'une
technique! La couleur est une question d'esprit. Si Dieu
est la couleur, comment le monothéisme pourrait-il
exister sans la lumière prise dans l'identité subjective
de l'homme, usage de l'art pariétal entre autre. C'est
l'éclairage des êtres qui fait le pensant et non Dieu.
Dieu est une partie de la peinture, la couleur, la
jouissance, le seul registre perturbateur, créateur.
De la combinaison des deux (lumière et couleur), Dieu
apparaît déjà dans la représentation des êtres, Dieu voit
son image (la peinture) se dresser (la subjectivité) pour
nommer dans la négativité (la mort de Dieu) son
hétérogénéité (états pulsionnels des corps et la peur
du mouvement qui est transsubstantiation dés la
sortie en cri) dissout dans le dire (discours de la chair)
sa cessation (la mort humaine) pour faire résurrection
dans l'imaginaire (socialisation avec la peinture comme
sens). Le recours à Dieu dans la peinture n'est pas sa
représentation mais la structuration d'une subjectivité
par la chair, par Dieu fait homme à son image que la
peinture ouvrira et fermera pour qu'un Sujet ouvre
à nouveau une autre vision, un autre regard sur
l'impossible spiritualité de l'homme. D'un retour sur
ce que la théologie n'a pas su projeter: sa matrice, sa
figure. En tout état de cause, nous touchons maintenant
l'immuable vertige du chaos, et que c'est bien
l'impossible figure de Dieu qui fait de nous des parlants!
Sur cet effet lié à Dieu, nous avons eu à redistribuer
autrement sa "chair" pour maintenant tenir le cap si
j'ose dire vis à vis de la croyance, mais encore et surtout
de la jouissance de l'espèce comme cause du dire et
plus généralement de la "parole" en tant que parole de
l'interdit, de la permissivité sociale. La loi a à faire
avec la couleur en ceci que s'il y a couleur, il y a
traversée depuis la profondeur (le blanc) de quelque
chose qui depuis toujours fait trace, marque les esprits,
donc l'intelligible, la pensée: c'est une approche du dire
de Dieu. La loi, ce sont les règles sociales ou
l'architecture, la division de l'espace du tableau, un
espace qui n'est pas nécessairement contigu.
Le chaos dans la toile n'est lisible que parce qu'il y a
espace, et l'espace n'est perceptible à ce stade que parce
qu'il y a recherche de la figure de Dieu!
[Les deux hommes remuent sur leur chaise, un peu à
cause de la chaleur dans la pièce, leurs visages brillent,
la sueur perle le long des tempes, ils s'autorisent une
pause.]
...
[Reprise de la conversation après quelques minutes de
détente, devant une machine à café.]
T- vous imaginez que Dieu n'est Dieu que parce qu'il
est perceptible en tant qu'image inaccessible, impossible
à supporter. C'est en quelque sorte un état de chair mais
déjà lumière, la projection de l'humain n'est donc pas
souhaitable pour entendre Dieu. La parole de Dieu est
l'impossible raisonnement, puisque en dehors des lois
humaines, c'est affaire de jouissance!
S- La peinture ne fait que çà d'effacer Dieu pour ne pas
rendre compte de son incapacité à entendre autre chose
que la voix du sujet. A force de fondre l'image de Dieu
dans la couleur, la mort de Dieu par impossibilité de
résoudre son énigme a envahie la peinture jusqu'à verser
la couleur, la matière en flaques, pour comprendre
autrement la théologie la recherche de l'unique figure
qui enlève au corps l'injustice que penser lui confère.
"D'yeux" est le fait avéré maintenant que çà n'est que çà
la recherche d'autre chose que la vue (peut-être la
pensée), en l'y excédant dans le sol symbolique, matière
toujours déjà défaite et retournement par l'idéologie
que toute masse s'approprie; mais surtout le pôle de
l'unique comme début des signes dans le champ du
pensant, des nombres, et dans une étendue à l'écriture.
Ne pas lâcher le son, le fil conducteur d'une origine qui
devrait faire histoire ou plus exactement volume, donc
exister; plus généralement comme intégrée au rôle du
social pour marquer le pensant qui n'est pas la culture,
mais sa signifiance.
Pour en revenir à dieu, c'est un chantier colossal qu'il
faudra un jour déchiffrer ou plus exactement rendre
visible! Car tout le XXe siècle n'a été que çà: douter de
la parole (de Dieu?), et encore la peinture n'a pas su
résoudre à l'échelle du civilisé (j'entends par là quelque
chose qui a à faire avec le "vréel", où le non n'est pas
sensible, où la négativité n'a pas encore fait de ravages)
ni l'image de Dieu ni ce qui l'a fait apparaître (il s'agit
donc bien de la conscience que penser est un regard
sur quelque chose de mouvant, d'hétérogène), donc il
ne reste qu'à la "musique" une seule chance pour faire
ce qu'aucun autre art (pas même la télécinématique qui
modélise, donc n'est pas de la pensée) n'a provoqué
dans le brassage social pour "contenir" sa jouissance,
afin de faire loi pour qu'il y ait du social. Mais les lois
ne sont pas celles que l'on croit! La matière pense, mais
encore la vie corrige sa trajectoire, c'est possible: il n'y
a pas que la reproduction encore moins la résurrection.
Il y a une autre voie (une voix) entre reproduction et
résurrection (la même image employée à l'encontre de
la Vierge Marie). Cette permanence permet un espace
où tout sujet toute matière peut s'engouffrer pour
donner du volume de la vie de la pensée...
[souffler reprend le dessus sur l'écoute, sur un état posé,
une veille presque hypnotique concertante peut-être;
détente oblige pour relancer le débat.]